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Les comptes du métayage

La vigne - n°112 - juillet 2000 - page 0

La comptabilité des frais d'exploitation entraîne des conflits entre bailleurs et métayers. La justice a condamné des métayers qui ne tenaient pas scrupuleusement leurs comptes de dépense.

Malgré l'hostilité manifestée à son égard par le statut du fermage et certains dirigeants politiques, le contrat de métayage est encore présent dans plusieurs vignobles comme la Champagne, le Beaujolais, les côtes du Rhône ou de Provence.Aux termes de l'article L 417-3 du code rural, l'essence du métayage consiste dans le partage des produits et des frais dans la proportion de deux tiers pour le métayer, un tiers pour le propriétaire. Cette proportion est ramenée à la moitié chacun, par le tribunal paritaire essentiellement, lorsque le bailleur met à la disposition du métayer (appelé aussi colon partiaire) un vignoble en bonne situation de production et a fortiori s'il s'agit d'une AOC. Si les rapports entre le propriétaire et le locataire s'inscrivent dans le cadre général du statut du fermage, seule la rémunération du capital est différente : au lieu de percevoir une rente fixée en kilo de raisin ou en hectolitre de vin, convertis éventuellement en somme d'argent au respect de l'arrêté préfectoral, le bailleur à métayage reçoit une partie de la récolte et doit, en contrepartie, participer aux frais dans la même proportion.C'est là que surgissent les conflits spécifiques. Le preneur a la direction de l'exploitation : il récolte, décide et règle les frais nécessaires à l'exploitation. Il doit justifier ses recettes et ses dépenses en fin d'année culturale, au sein du compte de métayage. En vigne, le décompte des produits n'offre pas de difficultés puisqu'il existe la déclaration de récolte. Si la vinification se fait en coo- pérative, c'est la société qui authentifie les apports. Parfois, lorsque le bailleur est coopérateur, la quantité lui revenant est portée à un compte ouvert à son nom. Plus difficile est la comptabilité des frais : le preneur achète des engrais, des produits phytosanitaires, du carburant... Comment le bailleur sera-t-il sûr de la réalité de la dépense invoquée ? Le cas se complique si le locataire exploite d'autres parcelles lui appartenant ou louées à d'autres propriétaires... Quel est le pouvoir de contrôle du bailleur ? Deux décisions rendues par la Cour de cassation sont à retenir, l'une intervenue dans le cadre d'un bail à métayage verbal, l'autre dans l'exécution d'un bail écrit. Dans le premier cas, le preneur avait cité son bailleur devant le tribunal paritaire et réclamé, au titre des frais d'exploitation, une somme correspondant, à ses dires, à des frais qu'il avait engagés. Il tentait de les justifier en produisant une étude sur les frais généralement admis en matière d'exploitation viticole et une autre de son centre de gestion. Estimant ces documents insuffisants, le tribunal avait ordonné une expertise. Cette mesure d'instruction avait admis la créance invoquée et le tribunal avait condamné le propriétaire au paiement. Saisie par le bailleur, la cour d'appel retiendra que le métayer ne produit que des documents établis par lui-même, auxquels la certi- fication par le centre de gestion n'apporte aucune valeur complémentaire. Par ailleurs, le preneur exploitant d'autres terres, ne peut justifier de l'application, aux biens du bailleur, des produits dont le coût est réclamé. La cour d'appel déboutera le métayer de toutes ses réclamations. Cet arrêt sera confirmé par la Cour de cassation. A travers ce procès, il se dégage déjà une certitude : il appartient au preneur de prouver les dépenses invoquées par des documents indiscutables. Il lui faut surtout démontrer l'application aux terres louées des frais invoqués. Dans le second cas, le bail rural écrit, il était stipulé que le preneur devait, chaque année, fournir des factures à l'appui des frais invoqués pour l'exploitation du bailleur. Le preneur, au titre du compte de métayage, faisait état de dépenses d'engrais et de produits phytosanitaires. Sa demande sera rejetée car il aurait dû, chaque année, fournir les factures d'achats d'engrais et de produits utilisés sur la propriété et qu'on ne pouvait, en tenant compte de toutes les surfaces exploitées, faire une règle proportionnelle par rapport à l'achat total des engrais et produits. Rappelons que le preneur ne peut réclamer des frais engagés depuis plus de cinq ans (cassation, 18 mai 1989, BC 89-III, n° 111). Le métayage implique de la part du preneur, ' seul maître à bord ', une honnêteté scrupuleuse, mais également une rigueur exceptionnelle dans la tenue de sa comptabilité et des pièces justificatives. Références : cour d'appel de Nîmes du 6 mai 1997, arrêt confirmé par la Cour de cassation le 5 mai 1999 (affaire Gourgeon) et le 12 février 1992 (R DR 92-186).

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