Blaise est ingénieur dans une grande société d'exploitation de pétrole. Son père, viticulteur exploitant 10 ha, décède brutalement d'un accident cardiaque. Il n'est pas question pour Blaise de s'occuper des vignes. Il consent alors un bail à métayage à Apollin. Un tel bail suppose que le métayer remette la moitié de la récolte au propriétaire qui, de son côté, supporte la moitié des frais d'exploitation. Mais Blaise ne souhaite pas s'embarrasser et préfère ne percevoir que le quart de la récolte, à condition de ne pas participer aux frais. Les deux parties s'entendent donc ainsi.
Après deux ans de pratique, le métayer constate que les frais sont bien supérieurs aux bénéfices de l'exploitation. Il obtient alors du tribunal paritaire la transformation du métayage en fermage avec un loyer dont le montant est fixé par arrêté préfectoral. Blaise n'est pas d'accord. Un tel loyer ne l'intéresse pas : il veut le quart de la récolte ou éventuellement être réglé à hauteur de ce que cela représente. Il entame alors une procédure de résiliation contre son métayer.
Toute la question est de savoir si un propriétaire et un métayer peuvent convenir qu'en contrepartie d'une part réduite de récolte, le bailleur peut ne pas avoir à supporter les frais d'exploitation.
L'art. L 417-1 du code rural définit le métayage comme « un contrat par lequel un bien rural est donné à bail à un preneur qui s'engage à le cultiver sous la condition d'un partage des produits avec le bailleur ». Le texte ne fait pas mention du partage des frais. En revanche, le code rural précise que la part du bailleur ne doit pas « être supérieure au tiers de l'ensemble des produits, sauf décision contraire du tribunal paritaire » (art. L 417-3). Et alors que ces éléments sont désignés « d'ordre public », la « dérogation au partage des dépenses », citée plus loin dans l'article L 417-3, ne l'est pas. Elle peut simplement être « autorisée par le préfet ».
La loi ne fait pas référence au partage des frais. Ou n'en fait pas un élément d'ordre publique aussi primordial que le tiercement des fruits. Pourtant, pour la jurisprudence, c'est bien ce partage des frais qui est essentiel dans un contrat de métayage. Le tribunal paritaire, constatant que Blaise ne participe pas aux frais, juge alors que le contrat est un fermage.
La cour d'appel a ensuite confirmé cette qualification. Et c'est ainsi que Blaise et son Apollin se retrouvent devant la Cour de cassation, laquelle donne raison au juge d'appel. Celui-ci a « énoncé à bon droit» qu'une location « ne peut être qualifié de métayage qu'en cas de partage dans les mêmes proportions, des produits et des charges», souligne la cour de cassation. Dans la décision retenue par les juges suprêmes, le contrat n'est pas nul, mais transformé en fermage. Toute la question sera de connaître le montant du fermage : le métayer soutient qu'il faut simplement appliquer l'arrêté préfectoral alors que le propriétaire exige un montant de loyer équivalant au quart de la recette. L'affaire doit encore être tranchée.
Il existe cependant des contrats types dans certains départements, comme la Marne, qui admettent le paiement au bailleur du tiers net des produits, c'est-à-dire sans participation aux frais. Il faut reconnaître que ce genre de contrat présente des avantages, les deux parties étant gagnantes. Le propriétaire n'a pas à s'occuper des frais et le preneur, de son côté, est libre dans le choix de ses dépenses et dispensé d'une comptabilité méticuleuse. L'essentiel étant de disposer d'un bail écrit. Comme ce partage des frais n'est pas déclaré d'ordre public, contrairement à la proportion des fruits, une dérogation justifiée est toujours possible.
Pour conclure, on doit remarquer que le contrat de métayage, tel que le retient la Cour de cassation, devient rare. En effet, les propriétaires, sauf dans les vignes produisant des vins de haute qualité, retiennent, à juste titre, que les frais peuvent être supérieurs à la recette.
Cour de Cassation, 9 septembre 2014, n° 13-18997