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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Écrit ou verbal, le contrat de métayage lie les parties

JACQUES LACHAUD - La vigne - n°257 - octobre 2013 - page 74

C'est une erreur de penser que l'absence d'écrit correspond à l'absence de bail. En cas de litige, les tribunaux analysent les déclarations de récolte d'un propriétaire et de l'exploitant de ses terres pour déterminer s'ils sont liés par un contrat de métayage.

À la mort de son père viticulteur, Romain hérite de 2 ha en Champagne. Du fait de son métier prenant et malgré un intérêt certain pour la viticulture, Romain ne se sent pas capable d'assurer lui-même l'exploitation des parcelles héritées. Comme il est en relation avec des vignerons, l'un d'eux pourrait accepter de mener son vignoble au titre d'un contrat de travail. Le salaire consisterait en une portion de la récolte et Romain supporterait l'intégralité des frais de culture. Mais notre héritier ne veut pas.

Son notaire lui a bien conseillé de constituer une EARL dans laquelle un vigneron entrerait comme associé exploitant et Romain serait associé non exploitant. Mais dans une société, les associés doivent se partager les bénéfices et être animés par l'affectio societatis, c'est-à-dire la volonté de collaborer sur un pied d'égalité. Romain rejette cette idée.

Notre homme aurait aussi pu louer ses terres. Cette solution aurait été intéressante du point de vue de l'impôt sur la fortune auquel Romain est soumis. Mais si ce dernier avait conclu un fermage, il n'aurait pas eu la moindre portion de récolte. Or, il voulait en conserver une partie. Le bail à métayage aurait pu être la solution. Mais notre propriétaire foncier se croit malin. Il ne souhaite pas se lier par les règles d'un quelconque statut juridique. Aussi, il décide que rien ne sera rédigé, de sorte qu'il puisse nier l'existence d'un bail à métayage si des difficultés surgissaient. Sur ces bases, il fait affaire avec Gérard.

Deux ans plus tard, Romain reçoit une juteuse proposition d'achat par une société champenoise. Mais pour vendre, le bien doit être libre. Romain décide donc de mettre un terme à l'accord conclu avec Gérard. Celui-ci refuse. Le procès est inévitable.

Gérard saisit le tribunal paritaire. Romain argumente qu'il n'y a aucun contrat de métayage et conteste même la compétence du tribunal ! Pour trancher, les juges vont analyser les faits. Romain est associé à la cave coopérative où il a pris la suite de son père. Sur son compte figure la valeur d'une quantité de raisins qui représente le tiers de la récolte livrée par Gérard. De la seule comparaison entre la récolte totale et son partage entre Romain et Gérard, les juges constatent qu'il y a bien partage caractéristique du métayage.

La cour d'appel confirme ce jugement, tout comme la Cour de cassation. La cour suprême indique que la cour d'appel était fondée à retenir l'existence d'un contrat de métayage par le seul examen des déclarations de récolte des deux parties.

Devant la cour suprême, Romain tente d'apporter de nouveaux arguments pour prouver qu'il n'y avait pas de métayage. Il plaide que c'est lui qui décidait de la date des vendanges et que Gérard obéissait à ses ordres. Or, le contrat type de métayage champenois stipule que « le bailleur n'aura aucune part dans la direction des travaux ». Romain prétend aussi qu'il supportait des frais de culture. Là encore, c'est contraire au contrat type selon lequel, « sauf convention expresse contraire, le preneur supportera seul l'ensemble des dépenses d'exploitation ». Ce contrat type est au tiers franc : un tiers de la récolte revient au bailleur sans qu'il ne participe aux frais. Il permet aussi le quart franc, comme dans le cas de notre affaire. Des options permises depuis la loi du 27 juillet 2010 (article 43).

La Cour de cassation a refusé d'examiner les arguments de Romain. Elle les a jugés irrecevables car il ne les avait pas soutenus devant la cour d'appel. Reste qu'un point aurait mérité discussion : l'affirmation selon laquelle le métayer doit avoir la direction de l'exploitation. Car elle ne résulte pas de la loi, mais seulement de la jurisprudence (arrêt du 10 janvier 1990 B C 90-III-N° 15).

Cour de cassation, 2 octobre 2012, n° 11-21101.

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