Les analystes ont du travail pour plusieurs mois : des centaines d'articles de loi, calant la nouvelle OCM (organisation commune de marché), sont parus au Journal officiel des communautés européennes (JOCE). Comme toujours, derrière chaque virgule ou entre les lignes, des interprétations, des incohérences ou des opportunités se feront jour. On verra alors si la satisfaction générale, au lendemain de l'accord politique de Berlin de mars 1999, se confirme ou pas. Déjà, l'absence d'outils opérationnels pour gérer la crise des vins de table dans le Midi a refroidi les ardeurs. Rappel des parutions.Le règlement n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai, portant sur l'OCM vitivinicole, est paru au JOCE le 14 juillet. C'est le texte de base qui remplace le n° 822/87 du 16 mars 1987. Devant entrer en vigueur le 1 er août 2000, il était urgent d'avoir les règlements d'application. Le premier est paru au JOCE le 16 juin : c'est le n° 1 227/2000 de la Commission du 31 mai 2000, portant sur le potentiel de production (22 pages). Il desserre l'étau des plantations et subventionne à la hausse les restructurations. Ce volet était la priorité de la France lors de la négociation. Il semble donner satisfaction, même si plusieurs textes sont en attente pour caler son application au niveau hexagonal, notamment sur la future bourse nationale des droits de plantation. Puis au JOCE du 25 juillet sont parus deux nouveaux règlements d'application : le n° 1 607/2000 de la Commission du 24 juillet concerne les vins de qualité produits dans des régions déterminées (7 pages), et le n° 1 608/2000, toujours du 24 juillet, fixe des mesures transitoires dans l'attente des mesures définitives du n°1 493/1999 (2 pages). C'est dans le premier qu'il est prévu un examen organoleptique pour tous les vins d'appellation (voir page 37) et qu'il est précisé la pratique du déclassement des appellations. Enfin, au JOCE du 31 juillet sont parus deux textes : le n°1 622/2000 du 24 juillet institue un code communautaire des pratiques et traitements oenologiques (44 pages) ; le n°1 623/2000 du 25 juillet porte sur les mécanismes de marché (45 pages). Le contenu du premier est développé dans les pages 36-37 de ce numéro. Le second est déjà fortement critiqué. Hasards de la conjoncture : alors que le marché des vins de table se portait bien depuis plusieurs campagnes, il s'essouffle et les stocks sont à la hausse ; on a donc immédiatement besoin des procédures de gestion de marché prévues par la nouvelle réglementation.... D'après l'Onivins, à fin juillet, le stock des vins de table et de pays (y compris les vins de cépage) s'élève à 10 Mhl, un chiffre 30 % supérieur à la moyenne des cinq dernières années. Le Languedoc-Roussillon pour les trois couleurs et Midi-Pyrénées pour les blancs sont concernés. Le 17 juillet à Sète et le 11 août à Montpellier (Hérault), des centaines de producteurs ont manifesté pour demander la suppression des MVDPCE (voir page 90) et le retrait, via la distillation, de 1,5 Mhl, payés à 24 F/°hl. En termes de gestion du marché, la nouvelle OCM prévoit deux distillations : à l'article 29 du règlement n° 1 493/1999, une première distillation vise à approvisionner le secteur des alcools de bouche, rémunérée à 2,488 euros/°hl (16,30 F). C'est en fait l'ancienne distillation préventive ; à l'article 30, une distillation de crise dont le déclenchement et la rémunération ne sont pas explicités dans le règlement d'application n° 1 623/2000. ' Rédiger tel quel, l'article 29 ne nous sert à rien, explique un responsable méridional. A 16,30 F/°hl, une telle distillation volontaire peut intéresser les Italiens ou les Espagnols, pas les Français. ' Paris souhaitait des quotas par pays et la possibilité de moduler l'aide - meilleur prix en début de campagne - afin que le prix puisse être plus incitatif. Rien de tout cela n'est prévu dans le texte. Le contingent global pour cette distillation (article 29) vient d'être fixé à 12 Mhl pour la campagne. Quant à l'article 30, il semble n'être utilisable qu'une fois l'article 29 appliqué. Il est vrai que la profession, avec l'accord des pouvoirs publics, avait pris de mauvaises habitudes. En effet, avec l'ancienne OCM, la distillation préventive était toujours rémunérée par Bruxelles à 16,30 F/°hl, mais Paris accordait depuis des années des rallonges plus ou moins légales, portant sa rémunération aux alentours de 24 F/°hl. Lors d'une réunion au ministère de l'Agriculture, le 25 août, une délégation de la filière n'a donc pas pu obtenir - c'était prévisible - la distillation demandée (1,5 Mhl) au prix souhaité (24 F/°hl). Jean Glavany, président en exercice pour six mois du Conseil des ministres européens de l'Agriculture, ne pouvait pas - déjà ! - faire une entorse à un règlement à peine publié. La profession ne désespère pas de faire évoluer cet article 29. Pour calmer les ardeurs, le ministre a débloqué 75 MF pour la promotion de nos vins à l'étranger.