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Je me suis adapté à la demande du marché

La vigne - n°113 - septembre 2000 - page 0

En vingt ans, André Morel est passé de l'ère de l'armagnac à celle des blancs secs et fruités. Laurent, son fils, s'installe pour achever cette reconversion.

'L'évolution de la région s'est faite malgré nous, déplore André Morel. Il a fallu s'adapter à la nouvelle demande du marché. ' En 1973, lorsqu'il a pris la succession de son père, ' l'armagnac, c'était l'eldorado. Puis ça s'est arrêté. ' La Pouche a dû se trouver une nouvelle vocation. Le domaine est à Lagraulet-du-Gers, en Ténarèze. La région et ses terroirs de boulbène étaient réputés pour leurs eaux-de-vie. Progressivement, André Morel a découvert qu'ils pouvaient aussi donner naissance à des vins blancs de forte identité, ' légers et fruités, vifs et frais. C'est un style original, la force de notre région '.Au début des années 80, son courtier le pousse à se réorienter. ' Nous avons choisi les meilleurs cépages. Nous avons commencé à faire des décantations (débourbages) et à contrôler les températures de fermentation à l'aide de moyens de fortune. Et nous avons vendu sans problème ces vins améliorés. ' Une nouvelle voie s'ouvre. André Morel l'emprunte. Tous ses investissements se dirigent vers un but : préserver les arômes de ses vins. Il acquiert des cuves afin d'allonger la durée des débourbages et de réaliser des macérations pelliculaires, procédé que son oenologue lui enseigne. Il augmente régulièrement ses capacités de refroidissement. Aujourd'hui, ses moûts entrent au chai autour de 25°C, puis ils sont immédiatement portés à 10°C et maintenus à ce niveau jusqu'au lancement de la fermentation. La moitié des vins peut être conservée à cette température, même en été. Au vignoble, André Morel étend le colombard, cépage que son père avait introduit. Sur les conseils du syndicat des vins de pays des côtes de Gascogne, il plante du gros manseng. Il s'avère qu'il se plaît dans les sols légers de La Pouche. Puis vient le tour du sauvignon. On découvre qu'il affine les assemblages. Dernier en date, le chardonnay n'a pas encore porté de récolte. Ces cépages remplacent le Baco. Jusqu'en 1998, ils sont plantés sur des rangs espacés de 3 m. Depuis, l'espacement est passé à 2,80 m. Notre vigneron est tenu par une contrainte : maintenir les coûts de production à un bas niveau. Il s'est mécanisé aussi vite qu'il le pouvait. Dès 1975, il achète une machine à vendanger. A la fin de cette année-là, il n'y en avait que quarante-cinq en service dans toute la France, selon les statistiques de l'ITV. Il est donc l'un des premiers à s'en servir. ' Il était grand temps qu'elle arrive, explique-t-il, car nous avions de sérieuses difficultés à trouver du personnel. ' Il sera aussi l'un des premiers à relever mécaniquement en s'équipant chez Pellenc dès que ce constructeur inscrit une releveuse dans sa gamme. Il essuie alors les plâtres de sa mise au point. Il en tire la fierté d'y avoir apporté sa contribution.A l'exception de la taille, tous les travaux sont mécanisés. André Morel va céder à son fils la direction d'un domaine rationalisé, mais qui ne vend que des blancs en vrac. Cette option apparaît comme une faiblesse, maintenant que les marchés se tendent. Un seul courtier présente les vins au négoce. ' Cela a toujours été le principe de la maison. ' Avec l'oenologue, l'acheteur et les Morel, il participe à la composition des trois ou quatre assemblages qui sortent chaque année des chais. A la demande de ses clients, André les prépare à la mise en bouteilles en les stabilisant contre les précipitations tartriques et en les filtrant sur terre fine. Mais il s'arrête là. Il n'a pas franchi le pas d'embouteiller et de vendre lui-même ses vins, ' peut-être par manque d'audace '. Cependant, à l'heure de passer la main, ses regrets sont ailleurs. ' Autrefois, nous étions des ouvriers de la terre. Maintenant, nous sommes des administrateurs, déplore-t-il. Le temps de gestion administrative s'est décuplé depuis mon installation. ' Laurent va devoir y faire face. Il s'est installé l'an dernier en entrant dans l'EARL, désormais détenue par ses parents et lui-même. Il a déjà pris la responsabilité des vinifications. Il va progressivement diriger le domaine. Son père n'a pas encore l'âge de la retraite et l'assistera. Laurent le dit : il ne vient pas avec des idées révolutionnaires. La mise en bouteilles à la propriété n'est pas sa priorité. Le chai est suffisamment équipé. Il va d'abord achever la reconversion du vignoble. La Pouche manque de chardonnay et de sauvignon. De ce fait, le domaine ne peut pas proposer de cuvées bi-cépage alors que ses clients en recherchent. Toute la question est de savoir quelle densité retenir. ' Mon père s'est battu toute sa vie pour avoir un vignoble standard et maintenant qu'il l'a, il y a un gros virage à prendre. ' Il faudrait resserrer à 2,50 m l'espacement entre les rangs afin d'améliorer la maturation des raisins. L'ennui, c'est que le parc de tracteurs ne s'y prête pas. L'augmentation de la densité imposera l'achat de modèles étroits. Tôt ou tard, Laurent devra introduire une rupture dans l'édifice que lui cède son père.

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