Les vins de cépages retombent sur terre. Le modèle de développement du Languedoc est remis en question.
Merlot, cabernet, chardonnay, sauvignon... ces mots sont sur les étiquettes de vins du monde entier. Avec l'appellation et la marque, le cépage est un identifiant fort. Sur ce marché très concurrentiel, de nombreuses plantations dans le monde arrivent en production et rien n'indique que la consommation s'oriente à la baisse. Pourtant, en volume comme en valeur, les vins de cépages français sont à la peine. La plupart des vignobles mixtes de l'Hexagone jouent la carte des cépages : Val-de-Loire, Gascogne, mais surtout Languedoc-Roussillon.' Beaucoup ont cru qu'il suffisait de planter du merlot pour réussir. Ce n'est pas si simple, explique Marc Badouin, directeur général des vins Skalli (Hérault). On produit trop de génériques et pas assez de vins qualitatifs et typés. A 80 hl/ha, on ne fait pas de miracle. La carte de la marque permet aussi de fidéliser une clientèle, mais on est peu en France à la jouer car cela coûte cher ', ajoute-t-il. ' Dans les cépages du Languedoc, il y a à boire et à manger. De nombreux vignerons surestiment la qualité de leur production. Les succès économiques récents de nos vins de cépages sont, en grande partie, dus aux Etats-Unis qui, pendant plusieurs années, sont venus se fournir dans le Languedoc, la Californie ne pouvant subvenir à la demande ', rappelle Eric Brousse, directeur général du groupe Val d'Orbieu Listel (Aude). Ce miracle américain est terminé et nos carences apparaissent avec plus d'acuité. ' Les bons produits se vendent toujours, mais les mauvais entraînent les bons dans la chute. C'était monté trop haut. J'espère que le marché ne redescendra pas trop bas. ' Alors qu'avec la nouvelle OCM (organisation commune de marché), les primes à la restructuration sont encore plus intéressantes (prix de base à 35 000 F/ha), de nombreux vignerons se demandent quoi planter. ' Si je le savais, je serais riche, répond un responsable. En revanche, je sais que partout, on plante massivement de la syrah. ' ' On va regretter l'arrachage massif du carignan dans le Midi et l'oubli des vins d'assemblage. A court terme, ce cépage sera primé à la plantation après l'avoir été à l'arrachage ! ' rajoute, provocateur, un professionnel. A la faveur de cette crise de maturité des vins de cépages doit se dessiner un second souffle pour le modèle de développement du Midi. Les appellations atteignent une rémunération en vrac autour de 600 F/hl, mais c'est encore trop juste au regard des faibles rendements. Les vins de pays de département ne décollent pas. Les vins de table de base, notamment blancs, subissent la concurrence des Charentes. Pour cette ' deuxième révolution culturelle ', après celle de la qualité il y a vingt ans, il faudra une réelle évolution des mentalités.