C'est au commanditaire de l'opération de traitement de demander son arrêt si les risques météorologiques peuvent entraîner des dommages à des tiers.
Les traitements par hélicoptère se développent en agriculture et en viticulture. En raison des conditions météorologiques, il arrive qu'une partie du produit n'aille pas sur les parcelles voulues et cause des dommages à la périphérie. Un agriculteur sera soit victime, soit auteur par personne interposée de cette dérive du traitement. Voici deux décisions de justice dont les conclusions concernent toutes les filières agricoles, l'une émane de la cour administrative de Bordeaux et date du 4 novembre 1996, l'autre a été rendue par la Cour de cassation (assemblée plénière) le 25 février 2000.La première affaire est complexe et demande quelques explications. Un syndicat intercommunal a la charge de l'entretien d'un cours d'eau. Il sollicite le concours de la Direction départementale de l'équipement promue ainsi au rang de maître d'oeuvre ; dans ce cas, l'Etat est solidairement responsable avec le syndicat, maître de l'ouvrage, des dommages éventuels de ce travail public, à moins que les dégâts proviennent d'une force majeure ou d'une faute de la victime. Pour nettoyer le lit du cours d'eau, on fait appel à une entreprise qui, jusque-là, utilisait le travail manuel ou les engins terrestres. Mais, et c'est l'origine de l'affaire, cette entreprise sous-traite à une société spécialisée dans le traitement par hélicoptère et en l'espèce par projection de désherbant sur les berges de la rivière. Pendant l'opération, le vent s'étant levé, des nappes de produit touchent les exploitations voisines. Une expertise chiffre le préjudice et comme il s'agit d'un travail public, les victimes s'adressent au tribunal administratif. Les juges vont condamner solidairement entre eux le syndicat maître de l'ouvrage, l'Etat maître d'oeuvre, l'entreprise titulaire du marché et la société sous-traitante. Ainsi, les agriculteurs victimes sont-ils en mesure de se faire régler l'intégralité de leurs dommages par n'importe lequel des responsables. En second lieu, le tribunal a réparti les responsabilités entre les acteurs : il sera relevé une faute à l'encontre de l'Etat, qui a accepté un moyen de désherbage hasardeux, de l'entreprise, qui a proposé ce moyen, et du pilote de l'hélicoptère engageant son employeur à négliger la prise en compte de l'incidence du vent, même léger. Cette répartition se fera à 25 % pour les deux premiers et à 50 % pour l'entreprise d'hélicoptères. Dans la seconde affaire, un exploitant agricole, un riziculteur, désireux de procéder par hélicoptère à un traitement herbicide de ses rizières, après avoir choisi et acquis le produit, confie l'épandage à une société spécialisée. C'est un pilote, employé de cette entreprise, qui va procéder à l'opération. En cours d'exécution, sous l'effet du vent, le produit se répand sur les cultures de propriétaires voisins et les endommage. S'agissant de rapports de droit privé, les victimes saisissent le tribunal de l'ordre judiciaire et doivent prouver la faute de ceux auxquels imputent la responsabilité de leur dommage. L'assignation sera dirigée contre le propriétaire des parcelles traitées, la société propriétaire de l'hélicoptère, et le pilote. Les juges d'appel condamneront l'agriculteur ayant commandé l'opération et le pilote de l'hélicoptère pour faute, l'un dans la décision de procéder au traitement, l'autre dans l'exercice de sa mission. L'intérêt majeur de l'arrêt de la Cour de cassation est qu'il va cerner les limites de la faute, et donc de la responsabilité du pilote préposé de la société chargée de l'opération : le préposé n'engage sa responsabilité à l'égard des tiers que s'il excède les limites de la mission imposée par son employeur. Or, pour retenir la faute du pilote, selon l'arrêt de la cour d'appel, il aurait dû, en raison des conditions météorologiques, s'abstenir de procéder ce jour-là à des épandages de produits toxiques. Tirant les conséquences des faits établis, l'assemblée plénière mettra hors de cause le salarié car il n'était pas prétendu qu'il eut excédé les limites de la mission dont il était chargée. On parvient ainsi à cadrer les limites de la responsabilité du pilote : il n'est pas tenu de prendre une décision de non traitement en présence de vent susceptible de disperser les vapeurs projetées ; c'est en fin de compte à celui qui a commandé l'opération de l'arrêter si les circonstances justifient cette abstention.