Engorgés dans la crise de l'armagnac, trois opérateurs se diversifient en lançant un prémix contenant cette eau-de-vie. Son nom : Anda.
Trois maisons d'Armagnac, Samalens, le Château de Laubade et la Cave des producteurs réunis de Nogaro (Gers), avaient l'habitude d'être présentes lors d'événements sportifs locaux pour y faire déguster de l'Armagnac. Depuis 1995, avec la mauvaise situation économique de l'Armagnac, ces maisons ont voulu présenter l'armagnac autrement qu'en digestif. C'est ainsi qu'elles ont pensé à le mélanger avec un soda pour donner un long-drink servi en apéritif. Une idée déjà concrétisée en Charente par exemple. Ces maisons ont testé un mélange à base d'armagnac et de jus d'orange sanguine pétillant auprès de dégustateurs. Etant donné son originalité et son succès, elles ont envisagé de se réunir au sein d'un groupement d'intérêt économique (GIE) afin de lancer leur nouveau produit.Il a fallu tester de nombreux dosages de prémix (prêt à boire). Le GIE a trouvé un dosage satisfaisant au niveau du goût et de la stabilité avec un taux d'alcool à 7 %. Le groupement avait deux solutions pour vendre de l'armagnac comme apéritif, sous forme de prémix ou sous forme d'armagnac à mélanger avec un soda. ' L'armagnac prêt à être mélangé n'a pas eu de succès, à notre stupéfaction. Soit nous arrêtions tous nos efforts, soit nous les poursuivions mais seulement pour le prémix ', explique Pierre Samalens. Le GIE a commandé une étude à un cabinet de Toulouse pour apprécier le marché, tester les différents noms possibles et fixer son packaging. La cible a été ramenée aux jeunes n'ayant pas l'habitude de consommer de l'armagnac, les habitués à une consommation en digestif étant plus difficiles à convertir. Le nom choisi est Anda, qui veut dire ' vas-y, avance ' en espagnol. Ce mot rappelle le vocabulaire utilisé sur les gradins des arènes pendant les ferias. Le packaging rappelle aussi les couleurs des ferias : jaune, rouge, noir. La bouteille est en PET, d'une contenance d'un litre, et résiste à la pression du CO2 dissous. Il faut vendre Anda en bouteille PET car le contenant verre est interdit pendant les fêtes. Le GIE a décidé de ne pas citer le nom armagnac parmi les composants de la boisson. ' C'est un peu dangereux d'utiliser ce nom car il ne faut pas perturber les consommateurs. A leurs yeux, un produit traditionnel comme l'armagnac ne peut pas être vendu avec une boisson industrielle en bouteille PET ', explique Michel Bachoc du Château de Laubade. Le GIE a eu des difficultés pour trouver un partenaire qui prépare industriellement le produit. En effet, les grosses entreprises productrices de sodas n'ont pas vu ce partenariat comme une occasion pour élargir leur gamme et n'ont surtout pas eu envie d'associer leur produit (qui cible souvent les enfants) à une eau-de-vie. Seul un grossiste producteur de sodas à Saint-Etienne (Loire) a accepté. Il produit actuellement le prémix avec l'armagnac expédié par les trois maisons. Le lancement de Anda s'est effectué sans grands moyens. Chacune des trois entreprises a investi 300 000 F dans le projet. Le conseil général du Midi-Pyrénées a apporté une aide de quelques milliers de francs. Le bureau national interprofessionnel de l'Armagnac soutient ce projet qui s'inscrit dans la démarche de relance de l'Armagnac. L'Etat et les collectivités viennent en effet d'adopter un plan sur trois ans d'un montant de 30 millions de francs. Une aide non encore précisée sera accordée au GIE au début 2001. Le GIE organise des stands lors des ferias et des rencontres de rugby dans la région, pour y faire déguster gratuitement l'Anda rouge. ' Le but est de passer de l'étape où le dégustateur dit qu'il apprécie le produit à celle où il ira lui-même l'acheter ', explique Jacques Barthe de la Cave des producteurs réunis. Malheureusement, ce GIE s'attaque à un marché qui lui est inconnu et où l'offre est déjà énorme. Il se heurte à de nouveaux concurrents : les cocktails, les bières, les prémix... ' C'est un métier complètement différent ', remarque Michel Bachoc. ' Il nous faudrait un commercial ', ajoute Jacques Barthe. Le GIE a distribué des T-shirts, d'autres objets aux couleurs de Anda et des banderoles à suspendre dans les bars, comme le font leurs concurrents. Le GIE cherche à construire une notoriété dans sa zone de production. En 2001, Anda va chercher à conquérir Toulouse et les villes du Sud-Ouest. Quand l'Anda orange aura trouvé sa place dans le marché, le GIE envisage de lancer l'Anda blanc (à base de tonic) ou l'Anda noir (à base de Coca). A noter que les restrictions publicitaires émanant des lois Barzac et Evin rendent difficile le lancement de nouvelles boissons alcoolisées française. Le GIE regrette de ne pouvoir profiter des matchs de rugby pour y faire de la publicité. Les taxes sur les alcools n'ont pas épargné le prémix Anda. En bouteille d'un litre, il n'est pas visé par la surtaxe des prémix de moins de 60 cl instaurée il y a quelques années. ' L'Anda paie tout de même 40 fois plus d'impôts que le vin et 15 à 20 fois plus que la bière, pour un degré d'alcool moindre ! ', regrette Pierre Samalens. La bouteille coûte 34,50 F, prix départ propriété, dont 6,66 F de droits sur les alcools. En 2000, 30 000 bouteilles d'Anda ont été produites. ' Il est normal que nous ayons pris autant de temps pour arriver où nous en sommes, ' constate Michel Bachoc. ' Le GIE se donne encore quelques années pour réussir ', conclut Jacques Barthe.