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Agrément, Bordeaux en pleine certification

La vigne - n°115 - novembre 2000 - page 0

Le syndicat des bordeaux et bordeaux supérieurs, le plus grand de France, s'engage dans une certification de la procédure d'agrément. Une première.

Trois millions et demi d'hectolitres de vin, 3 800 vignerons, 11 000 échantillons, plus de 400 dégustateurs, 30 préleveurs : organiser l'agrément est une mission lourde pour le syndicat des bordeaux et bordeaux supérieurs, basé à Beychac et Caillau, près de Bordeaux. Aujourd'hui, il est le premier à se lancer dans une démarche d'assurance qualité. ' C'est le millésime 1999 qui nous a amenés à franchir le pas, explique Pierre Cambar, son directeur (1). L'année était de qualité hétérogène et des articles dans la presse sur des résultats partiels de dégustations d'agréments ont semé le trouble. On a vu les limites du système. La situation syndicale était crispée. On a frôlé les comportements violents. Un peu désemparé, on a réfléchi aux réponses possibles, comme lors d'une gestion de crise, sachant que 1999 pouvait se reproduire. On a décidé de se lancer dans une procédure d'assurance qualité pour l'agrément, en tant qu'organisme agréé par l'Inao pour cette tâche. 'C'était au printemps dernier. Un comité de pilotage s'est mis en place ; un ' Monsieur qualité ' a été désigné : Sébastien Archambaud, récemment recruté au syndicat ; un cabinet de conseil girondin a été choisi : Ajisse Partenaires avec, à sa tête, Guillaume Dulinbert. Dans cette affaire, il a été décidé d'aller vite : la certification est prévue dès l'été 2001 après une seule campagne pour la mise en place des réformes, celle qui commence ce mois-ci pour se terminer au printemps. Depuis cinq ans, l'agrément des vins d'AOC est un sujet sensible, en France comme à l'étranger. Il est notamment mis en cause par la presse des consommateurs qui l'assimile à une usine à gaz, passoire laissant tout passer ou presque. L'agrément est au coeur du système viticole : il touche à sa crédibilité, au financement des syndicats et illustre à quel point la France viticole ne vit que de régionalismes et de dérogations. Il en découle une opacité suspecte alors que les consommateurs exigent de la transparence. Depuis, l'Inao a essayé de reprendre la main sur le sujet, mais sans réelles avancées. Cependant, on perçoit le bout du tunnel car la réforme agrément 2000 est prête. A Beychac, le syndicat s'inscrit dans cette logique réformatrice, mais veut aller plus vite et plus loin. ' Nous sommes perçus comme celui qui essuie les plâtres. Si nous réussissons, cela donnera des idées... ' explique un responsable. L'assurance qualité consiste à mettre en place un ensemble de documents attestant que l'organisation, les responsabilités, les procédures, les procédés et les ressources sont préétablies et appliquées. ' C'est surtout de la méthode et de la cohérence, en se fixant des seuils d'exigence pour satisfaire nos clients, comme dans une entreprise commerciale ', explique-t-on. ' N'oublions pas que l'agrément est, pour la plupart de nos adhérents, leur seul lien avec le syndicat ', rappelle le directeur. Or, ils paient des cotisations... donc ils attendent, en retour, des services. C'est une certification 9001, version 2000, qui est retenue (les normes Iso viennent d'être revues, cette nouvelle version remplace les anciennes 9001, 9002 et 9003), sachant que le système est évolutif. Tout a commencé par une mise à jour de la base de données des adhérents du syndicat. Un questionnaire a été envoyé durant l'été, avec un taux de retour de 97 %. Sur des données basiques comme l'adresse, le téléphone, le mail, le fax, la forme juridique, la localisation des chais... il y a quand même eu 17 % de modifications à apporter dans le fichier existant. La compatibilité informatique entre le syndicat et l'Inao, notamment pour la déclaration de récolte, a été également calée : à l'avenir, les échanges de données concernant l'agrément des appellations d'origine bordelaises se feront par transfert informatique pour éviter les doublons et gagner du temps. Sur le front des prélèvements, on exige des vignerons la mention indélébile, sur chaque cuve, d'un numéro et d'un volume, ce qui est loin d'être général. A terme, il sera demandé un plan de cave, qui pourra être envoyé avec la demande d'agrément et mémorisé dans la base de données. Le préleveur dispose maintenant d'un guide très détaillé de vingt-deux pages, mentionnant toutes les étapes de sa mission, notamment sur l'échantillonnage. Alors que ces agents étaient auparavant des gendarmes et des militaires à la retraite payés à la tâche, ce sont de plus en plus des jeunes diplômés pouvant apporter ' un plus ' et payés à la tournée pour éviter la course. Il est même envisageable de les recruter demain en CDI pour professionnaliser le prélèvement, en faire des ambassadeurs du syndicat et, pourquoi pas, leur fournir une voiture climatisée. Autre nouveauté : l'avis de passage sera envoyé au vigneron par fax une semaine à l'avance, afin qu'il prépare au mieux ses vins. C'est plus fiable que la poste. Le prélèvement se fera en une seule fois, contre, dans le passé, autant de passages que d'appellations en cave. Alors que les vins étaient dégustés dès le lendemain, ils le seront désormais plusieurs jours après. ' C'est bon pour la qualité et la convocation des dégustateurs sera mieux organisée. En janvier, le mois le plus chargé, nous répondrons à toutes les demandes d'agrément, ce qui était difficile hier. ' Concernant les dégustateurs, il convient de les aiguillonner sans en faire trop pour ne pas les décourager, d'autant qu'ils sont très demandés. Sur les 550 répertoriés, une centaine d'entre eux, peu motivés dans le passé, sont rayés des listes. Pour responsabiliser tous les dégustateurs, ils devront signer une charte dans laquelle ils s'engagent, notamment, à déguster des échantillons témoins en début de campagne pour se caler, et à être contrôlés : des échantillons avariés seront intercalés sur les tables ; celui qui les laissera passer sera averti. Aux tables de trois, un nouveau pourra venir s'initier sans, bien sûr, intervenir. On envisage même, à long terme, d'indemniser les dégustateurs. Dernier point clé : le nombre de passages. Par dérogation au régime général du texte de 1974 stipulant deux prélèvements et trois dégustations - la troisième étant l'appel de la deuxième -, Bordeaux avait un système de trois prélèvements pour quatre dégustations. Maintenant, il y aura trois prélèvements pour trois dégustations. Même si tout n'est pas encore bien calé sur ce point, pour le deuxième, on conseillera des échantillons par lot ; pour le troisième, on l'exigera. Le lot sera le plus souvent la cuve. ' Il est de l'intérêt du vigneron d'individualiser ses lots : le moins bon sera recalé et l'ensemble ne sera pas compromis ; le dégustateur sera moins tenté de faire du social au troisième tour. ' (1) Pierre Cambar vient d'être nommé directeur du conseil régional des vins d'Aquitaine. Il est remplacé par Philippe Brosseau, précédemment chez LVMH à Reims.

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