Le statut des stocks de vin lors d'une préemption par la Safer mériterait d'être précisé, notamment au niveau fiscal.
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 avait déjà touché à la législation des Safer en permettant la préemption pour ' la réalisation de projet de mise en valeur du paysage et de protection de l'environnement '. Une notion assez floue : verra-t-on par exemple préempter la vente d'une parcelle de vigne parce qu'elle couvre un paysage remarquable ? Le décret du 10 juillet 2000 est venu, entre autres, préciser la nature des biens soumis au droit de préemption.Ainsi, ' sont considérés comme fonds agricoles ou terrains à vocations agricoles (pour la mise en oeuvre du droit de préemption) les biens mobiliers tels que cheptel mort ou vif, stocks nécessaires à l'exploitation ou tout autre élément ou investissement réalisé en vue d'améliorer les fonds ou de diversifier et de commercialiser la production attachée au bien immobilier soumis à préemption '. Il apparaît que cette innovation du décret concerne directement les vignerons puisqu'il avait été jugé qu'un stock de vin ne constituait pas un immeuble par destination (Cour de cassation, 1 er décembre 1976, JCP 77 18735) mais un meuble et est par conséquent, dirons-nous, non soumis à préemption. Dorénavant, si une propriété viticole est l'objet d'une aliénation et qu'elle comprend un stock de vin, la préemption devrait-elle jouer sur les immeubles, mais également sur le stock ? La question doit être affinée tant sur le plan civil que sur le plan fiscal. Sur le plan civil, le propriétaire qui désire se défaire de son exploitation peut-il céder séparément son stock avant toute vente de l'immeuble sans préemption possible, ou cette vente séparée d'un bien mobilier est-elle elle-même soumise à préemption ? En application de l'article 732 du code général des impôts, la vente séparée d'un bien mobilier par rapport à la vente de l'immeuble est soumise au droit fixe alors que vendu avec l'immeuble, les droits de mutations immobiliers portent sur le tout. La question primordiale à laquelle il faut répondre est de savoir si une vente de stock indépendante de la vente de l'immeuble est soumise à préemption de la Safer ? Une première réponse est dans le texte qui parle du ' stock nécessaire à l'exploitation '. Les stocks de vin en cave sont-ils nécessaires à l'exploitation ?Si le propriétaire vend les biens immobiliers et le stock par un même acte, la Safer pourra-t-elle, en même temps qu'elle exercera son droit de préemption, contester le prix des terres, des bâtiments et également celui du stock de vin comme le lui permet l'article L 143-10 du code rural ? Difficulté encore si pour s'en remettre à l'article 732 du code général des impôts, il y a, à côté d'un acte portant aliénation des immeubles, un acte séparé éventuellement sous-seing privé en conformité avec l'article 735 du code général des impôts. Dans ce cas, ce sous-seing privé devra-t-il être notifié à la Safer comme portant sur un bien soumis à préemption ?Sur le plan fiscal, il faut partir de l'article 34 de la loi de finances pour 1999 qui exonère les acquisitions par les Safer de toute perception fiscale. D'un autre côté, en application de l'article 257 du code général des impôts, les ventes d'immeubles sont soumises à la TVA ou à l'enregistrement selon une distinction précisée par la loi. Enfin, toujours en application de l'article 257 du code général des impôts, les acquisitions de boissons et notamment le vin sont soumises à TVA si elles sont acquises auprès d'un non redevable de la TVA. En l'état de cette juxtaposition de textes, il serait indispensable qu'une question soit posée au ministre : quelle sera la fiscalité à la charge de la Safer si elle préempte les immeubles constituant une exploitation viticole et le stock de vin qui y est attaché ? De plus, déjà ' exorbitant ' dans ce domaine de la préemption, le décret innove également en matière de rétrocession : l'article R 142-1 du code rural dans sa rédaction antérieure prévoyait ' ont priorité en vue de l'installation sur une exploitation acquise créée ou restructurée par la Safer, les agriculteurs expropriés bénéficiant de la priorité d'attribution prévue à l'article 10 de la loi du 8 août 1962 dans le cadre des grands ouvrages publics et création de zones industrielles ou à urbaniser '. Les vignerons de la vallée du Rhône, par le fait de la création du canal du Bas-Rhône, du TGV et de l'autoroute, ont pu bénéficier de cette priorité. La nouvelle rédaction des articles R 142-1 et R 142-2 du code rural ne fait plus mention de cette priorité spécifique et énumère les candidats possibles à la rétrocession sans aucune priorité entre eux. Là encore, le ministre devrait s'expliquer sur cette suppression de priorité.