Les biens sous crédit-bail échappent à la saisie immobilière ou au droit de préemption car, jusqu'à la levée de l'option, leur utilisateur n'en est pas propriétaire.
La création d'une cave particulière représente de lourds investissements : bâtiments, fouloirs, pressoirs, sans oublier les cuves. .. Autant de frais auxquels il faut faire face. N'ayant pas tous les moyens nécessaires, M. X. passe un crédit-bail pour le matériel vinaire (des cuves jusqu'aux pompes). Le principe de ce contrat, qui porte aussi le nom de leasing, est simple : un client a la jouissance immédiate du matériel mais verse, en contrepartie, des loyers. A l'issue d'une période déterminée dans le contrat passé avec l'entreprise de crédit-bail, le client peut devenir propriétaire du matériel. Le bien est acquis pour un prix qui tient compte du montant des loyers réglés.
Dans l'affaire qui nous intéresse, les cuves, une fois livrées, ont été dûment fixées dans le chai, sous forme d'ancrage dans la maçonnerie. Peu de temps après, M. X. fait apport de sa propriété à un GFA constitué entre ses enfants. Au fil des années, la société accumule les dettes. Notons que le père a transféré le passif de son fait au groupement, notamment la charge des emprunts à rembourser. L'inévitable se produit : le Crédit agricole, principal créancier, pratique une saisie immobilière sur les terres, la maison d'habitation et les bâtiments de cave. M. Y. est déclaré acquéreur de l'ensemble.
M. X. va contester à M. Y. la propriété des cuves. Il argumente que ces biens ne sont pas des immeubles, mais des objets mobiliers constitutifs de matériel agricole. La réponse de l'adversaire est simple. Il rétorque que ces objets sont devenus des immeubles par destination, du fait qu'ils ont été placés par le propriétaire pour le service de l'exploitation. Deux textes appuient son argumentation : l'article 524 du code civil cite spécialement les cuves comme immeubles par destination, et l'article 525 édicte que sont immeubles par destination les meubles attachés au fonds, quand ils sont scellés au plâtre ou au ciment. La cour d'appel est convaincue : les biens litigieux sont inclus dans la saisie immobilière et acquis par M. Y. La réclamation de M. X. est rejetée.
Pourtant, M. X. et le GFA disposent d'un autre argument : ces cuves n'ont pas fait l'objet d'un achat, mais d'un crédit-bail. Elles ont été mises à la disposition de M. X. qui en jouissait et réglait des annuités de location. Dans le contrat, il était prévu qu'un jour, M. X. pourrait opter pour l'acquisition et qu'il devrait alors en payer le prix sous déduction des annuités de location réglées. Or, lors de l'apport au GFA de la cave et de ses cuves, M. X. n'avait pas encore levé l'option d'achat.
Selon la loi du 2 juillet 1966 sur le crédit-bail, tant que le locataire n'a pas fait connaître sa décision d'achat en levant l'option, le matériel reste la propriété du crédit-bailleur. Concrètement, lorsque le GFA a été constitué, M. X. n'avait pas pu apporter les cuves à la société, qui n'en était donc pas propriétaire. Par conséquent, ces cuves ne pouvaient pas faire l'objet d'une saisie pour le paiement des dettes de la personne morale.
C'est sur ce nouvel argument que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel (du 19 juin 2002).
La décision rendue est susceptible de prolongement dans le contentieux du droit de préemption des Safer. Le décret daté du 10 juillet 2000 soumet au droit de préemption non seulement les immeubles fonciers, mais également ' les biens mobiliers tels que c...s, stocks nécessaires à l'exploitation ou tout autre investissement réalisé en vue d'améliorer le fonds '. Le Conseil d'Etat estime que, dans ce cas, les objets mobiliers deviennent immeubles par destination.
Imaginons alors que la propriété vendue comprenne du matériel nécessaire à l'exploitation et que la Safer prétende le préempter. Il suffirait, semble-t-il, que ces biens mobiliers aient été acquis à l'aide d'un contrat de crédit-bail et que le propriétaire vendeur n'ait pas encore exercé l'option d'achat, pour que ce matériel ne puisse pas faire l'objet du droit de préemption. En effet, le matériel en question sera resté la propriété de celui qui a conclu le contrat de crédit-bail.
Certes, l'acquéreur de la propriété pourrait prendre la suite du vendeur dans le contrat de crédit-bail. Mais, en tout état de cause, il n'y aurait pas d'aliénation de ce matériel ouvrant le droit de préemption de la Safer à défaut de propriété chez le vendeur. Il paraît donc prudent, si l'on envisage d'acquérir du matériel, de le faire à travers un contrat de crédit-bail car, dans ce cas-là, la Safer ne peut pas préempter.