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Restaurer l'image des liquoreux

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

Vigneron depuis dix ans à Chaudefonds-sur-Layon, Patrick Baudouin se passionne pour les vins liquoreux obtenus naturellement. Une voie à laquelle rien ne destinait cet ancien libraire.

'Avant la chaptalisation, les liquoreux étaient perçus, à juste titre, comme des perles rares, que les vignerons n'arrivaient à produire que certaines années. Aujourd'hui, dans l'esprit des consommateurs, ce sont simplement des vins sucrés. Pourtant, la magie d'un liquoreux vient du Botrytis cinerea et des tries, pas du sucre de betterave. Par la concentration naturelle des grains, on obtient une transformation complète de la structure, des arômes, des saveurs... Et cela, l'enrichissement artificiel ne peut pas le reproduire ', explique Patrick Baudouin avec passion.Sur ce sujet, qu'il défend depuis plusieurs années avec d'autres vignerons de la région, le vigneron est intarissable. Il a d'ailleurs réalisé une recherche sur des ouvrages anciens afin de retrouver les grandes étapes de l'évolution de la viticulture du Layon. On y voit notamment que le débat sur le bien-fondé de la chaptalisation faisait déjà rage au début du siècle. ' La chaptalisation, c'est le seul moyen qu'avaient trouvé les vignerons de faire du liquoreux tous les ans et donc de s'assurer des revenus satisfaisants et réguliers. Mais il y a eu un revers à la médaille : ces vins rares et chers se sont peu à peu banalisés pour atterrir quelques décennies plus tard à bas prix dans les linéaires de la grande distribution. ' Loquace quand il s'agit de défendre ses convictions, Patrick Baudouin ne s'étend pas sur son itinéraire. Né dans la région, d'une famille de vignerons, il l'a quittée à huit ans avec ses parents. ' L'exploitation vivotait. Mes parents ont préféré partir à Paris pour gagner leur vie et louer les vignes. Mais ils en ont toujours gardé une partie au cas où l'un de leurs quatre enfants souhaiterait reprendre. ' Dans les années 80, Patrick Baudouin est libraire. ' En 1988, un ouvrage commémoratif sur les événements de 1968 sortait. Pour faire une animation, j'avais mis en vitrine des bouteilles de layon de 1968 que mon père avaient gardées. Je les vendais 68 F pour le symbole ! J'ai alors lié connaissance et amitié avec un journaliste du vin qui était client de la librairie. Il m'a embarqué dans des dégustations et peu à peu l'idée de retourner en Anjou et de devenir vigneron a germé. ' Le futur vigneron a alors rencontré des professionnels de la région, s'est informé, puis formé pour obtenir un brevet professionnel et s'est lancé dans l'aventure en 1990. Il a pu bénéficier de prêts bonifiés mais pas de la DJA pour cause de dépassement d'âge.' Je me suis installé dans l'ancienne cave de mon grand-père, en reprenant les 2 ha de mes parents, en louant et en achetant peu à peu des parcelles. A partir de 1994, en regardant ce qui se faisait dans d'autres régions et dans d'autres pays producteurs de liquoreux de renom, j'ai décidé de ne plus chaptaliser et de faire encore davantage de tries pour obtenir naturellement de belles concentrations. Cependant, ne pas chaptaliser coûte cher et cela pour plusieurs raisons. Pour obtenir une bonne surmaturation, il faut ébourgeonner, éclaircir et effeuiller. De plus, pour atteindre naturellement la concentration en sucres, on attend davantage et le rende- ment diminue d'environ 65 %. Enfin, le coût de la récolte augmente proportionnellement au nombre de tries réalisées. Il est très difficile de répercuter cela au niveau du prix de vente car compte tenu de l'image brouillée des coteaux-du-layon, les consommateurs l'acceptent mal. ' En 1995, 1996 et 1997, les vins de Patrick Baudouin ont été très bien notés dans la presse internationale. Une aide efficace, reconnaît-il, pour mettre en place son réseau commercial. Aujourd'hui, il travaille avec un agent commercial pour le marché français et un pour l'exportation. ' Cela ne m'empêche pas d'aller voir mes clients ou de les recevoir, mais les agents se chargent du travail de prospection et de négociation commerciale que je n'ai ni le temps ni l'envie de prendre en charge. Pour exposer ma façon de travailler et mes arguments et donc aider les professionnels à vendre mes vins, j'ai mis un site internet en place cette année. ' Aujourd'hui, l'une des préoccupations majeures de Patrick Baudouin est de réussir à dégager un revenu en rapport avec l'investissement qualitatif consenti. ' Pour mieux valoriser les vins, il est indispensable de restaurer la notoriété de l'appellation. L'un des éléments qui pourraient y contribuer serait de disposer d'une solution de repli économiquement rentable pour les autres vins de chenin. Autre difficulté, la décision de faire du blanc sec se prend tôt, avant l'apparition du botrytis. Or, on ne sait que plus tard si l'année se prêtera ou non à faire des liquoreux. ' Le vigneron, jamais à court d'idées, aimerait d'ailleurs que les vignerons du Layon organisent une rencontre en présence des représentants des organismes techniques et des administrations. ' Cela permettrait d'échanger les expériences de chacun sur les tries, le botrytis et de réfléchir à l'articulation sec-liquoreux. '

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