Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2000

Bien valoriser le vrac

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

En adaptant son offre pour se placer sur des segments de marché bien identifiés, il est possible d'améliorer ses ventes de vin en vrac.

Développer les ventes en bouteilles n'est pas la seule méthode pour mieux valoriser ses vins, même si les marges sont, en général, bien supérieures. Sur le marché du vrac, il y a aussi des voies à explorer, permettant d'améliorer la rentabilité globale de la cave, en trouvant pour chaque qualité de vin le circuit de commercialisation le mieux adapté. Sur les exploitations qui vendent en bouteilles et en vrac, le partenariat avec le négoce permet de sécuriser une partie des débouchés tout en optimisant le prix par rapport aux cours du marché. ' Je travaille depuis 1989 avec les mêmes négociants qui me prennent chaque année deux cuvées de 180 hl, l'une élevée en barrique et l'autre non. Je sais que je peux compter sur ces rentrées de trésorerie pour financer le fonctionnement de l'exploitation ', explique Jean-François Braquessac, qui cultive 16 ha de vignes dans le Médoc (Gironde). Ce partenariat repose sur le dialogue et l'anticipation. ' Je leur réserve des volumes déterminés à l'avance, dans la qualité dont ils ont besoin. Nous travaillons dans la confiance, la négociation du prix ne se fait que lorsque le vin est prêt. En ce moment, je vends le millésime 1999, qui partira au même tarif que ceux de 1998 et 1997 '.Son vignoble, en cours de restructuration, comporte encore de jeunes vignes. ' Si je veux être rigoureux dans mes sélections, je ne peux pas faire uniquement des grands vins. Les vignes de moins de quinze ans me servent à élaborer des deuxièmes vins qui correspondent bien à ce que recherchent mes acheteurs, et pour lesquels je n'aurais pas de débouché en bouteille '. Il vend lui-même ses meilleurs vins sous son nom de château, à 50 F HT le col, alors que les vins en vrac partent entre 2 000 et 2 800 F/hl, soit pratiquement à moitié prix. En terme de marges, l'écart se réduit car, sur les jeunes vignes, il garde plus de raisins et engage moins de frais. ' Les deux circuits se complètent sans se concurrencer. Ils correspondent à des segments de marchés différents, mais demandent tous deux à être travaillés avec sérieux, dans la durée. ' Avant de chercher à valoriser des vins de qualité sur le marché du vrac, il faut avoir trouvé le bon client. ' Un vin n'a de valeur que s'il a un acheteur en face. Il y a quinze ans, il n'y avait pas de négociants prêts à payer pour du vrac de qualité dans notre région. Aujourd'hui, de vrais débouchés existent dans ce circuit ', constate un vigneron du Languedoc qui travaille en cave particulière, et qui a choisi dès le départ de ne faire que du vrac. ' Pour vendre de la bouteille, je devrais brasser beaucoup de contacts. Les journées ne durent que 24 h, j'ai préféré me concentrer sur la vigne et la cave. Je travaille avec 4 ou 5 négociants, qui viennent 7 ou 8 fois par an sur l'exploitation. En août, nous faisons le tour des vignes ensemble pour évaluer la qualité du raisin. Nous déterminons ensuite des volumes et des prix pour chaque profil de vin, en fonction des marchés visés. ' Il s'engage ainsi sur 80 à 85 % de sa récolte, ne gardant qu'un petit volant de sécurité pour faire face aux aléas climatiques.Ces vins en vrac sont, pour la plupart, cédés avec un nom de domaine, chacun de ses trois acheteurs principaux ayant l'exclusivité d'une des trois dénominations qu'il possède. ' Je suis capable de leur offrir tous les ans des cuvées de 700 à 1 100 hl, avec une qualité régulière et un large choix de cépages. Dans ces conditions, mes acheteurs peuvent investir commercialement sur un nom de domaine et se placer sur des marchés valorisants, ce qui leur permet en retour de me payer 20 à 30 % plus cher. ' Tous ses vins partent en citerne. Certains ont obtenu des médailles dans des concours, mais jamais sous son nom. ' Je n'ai aucun regret. Si je voulais vendre 10 % de bouteilles, je me compliquerais la vie et je gênerais mes clients en leur faisant concurrence. En ne faisant que du vrac, j'obtiens un chiffre d'affaires moyen de 60 000 F/ha, qui me permet de continuer à investir '.Dans la plupart des caves, le vrac constitue encore un débouché non négligeable. ' Nous avons développé la bouteille en vente directe et par l'intermédiaire de l'union de coopératives à laquelle nous appartenons. Mais 45 % de nos vins sont encore vendus en vrac à des négociants. Pour améliorer la rémunération de nos adhérents, nous devons aussi progresser sur ce créneau ', explique Laurent Vaché, responsable de la cave Saint- Jean, à Bégadan dans le Médoc (Gironde), qui vinifie 21 000 hl. Cette coopérative a choisi de privilégier le partenariat plutôt que les ventes ponctuelles, pour sécuriser ses débouchés. Les transactions au coup par coup se font parfois à des prix intéressants, mais elles restent très incertaines et n'apportent aucune information précise sur les marchés.' Les négociants évoluent et ne se contentent plus d'attendre les échantillons dans leur bureau. Ils tournent dans les caves, ils viennent pendant la vinification et ils commencent même à visiter les vignes. Au fil des années, nous avons appris à nous connaître. Aujourd'hui, nous parlons le même langage, et nous pouvons anticiper ensemble pour nous placer sur des créneaux spécifiques, avec des vins bien adaptés. ' La cave classe ses cuvées en trois niveaux de qualité et recherche, pour chaque niveau, le meilleur débouché possible. ' La qualité se définit aussi en fonction d'un besoin. Pour bien y répondre, il faut s'adapter et donc anticiper. Et pour bien anticiper, il n'y a pas de secret : il faut se parler. Travailler en partenariat suppose une relation de qualité, dans laquelle le courtier conserve sa place. ' Les échanges d'information permettent à chacun de mieux orienter son activité. Le négociant, avec ses connaissances sur le vignoble, gagne en crédibilité auprès de ses acheteurs. La cave, elle, reste en contact avec l'évolution de la demande. ' Nous avons pour objectif de ne plus produire de vins qui n'aient pas un marché en face. Pour y arriver, nous devons être prêts à nous remettre en cause tous les ans. '

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :