Des dispositifs fiscaux spécifiques à l'activité agricole permettent de payer moins d'impôts. Mais attention, ces ficelles fiscales doivent être utilisées à bon escient pour être réellement profitables.
Avis aux rêveurs : la solution miracle - et légale ! - pour gagner plus d'argent en payant moins le fisc n'existe pas. En revanche, le droit fiscal comporte des règles qui, appliquées habilement, permettent de réduire ses impôts ou de déduire des charges de son revenu global. Au final, la facture fiscale s'en trouve allégée. Il reste qu'avant de les appliquer, le contribuable doit peser le pour et le contre de tels dispositifs. ' Ces stratégies d'optimisation fiscale reposent sur la mise en oeuvre de schémas juridiques dont les implications ne sont pas exclusivement fiscales, prévient Etienne Benedetti, responsable du service juridique et fiscal du Syndicat général des vignerons de la Champagne. Il ne faut pas perdre de vue les incidences sur la gestion de l'exploitation. ' Et de rappeler, par exemple, que la création d'un Gaec doit reposer sur la volonté d'associer des personnes qui partagent la même conception du travail plutôt que sur l'unique désir de réduire ses impôts.Ce préalable exposé, les fiscalistes sont unanimes pour qualifier la déduction pour investissement (DPI) de dispositif ' vedette '. D'ailleurs, ce système est de plus en plus préféré à celui des modalités spécifiques d'évaluation des stocks à rotation lente, c'est-à-dire dont le cycle de rotation est supérieur à un an (article 72 B du code général des impôts). La DPI permet à l'exploitant, au régime réel, de déduire annuellement de son bénéfice une somme égale à 35 % de ce bénéfice, dans la limite d'un plafond de 52 500 F, éventuellement majoré de 20 % du bénéfice compris entre 150 000 et 500 000 F. A titre d'exemple, un exploitant qui réalise un bénéfice de 350 000 F peut déduire jusqu'à 92 500 F (1). A noter que la déduction maximale, pour un exploitant dont le bénéfice excède 500 000 F, atteint 122 500 F. ' Non seulement cette DPI diminue le bénéfice imposable, mais elle vient aussi réduire l'assiette des cotisations sociales, de même que celle de la CSG (contribution sociale généralisée) et de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) ', rappelle Etienne Benedetti. Cette déduction doit être utilisée dans les cinq ans : soit pour une augmentation des stocks à rotation lente, soit pour l'acquisition d'une immobilisation amortissable, soit pour la souscription de parts de coopératives. Dans ces deux derniers cas, l'intérêt procuré est celui d'un avantage de trésorerie. ' Le mode d'imputation à privilégier est celui du financement de stocks de vins ', remarque-t-on au SGVC et d'expliquer : ' Un vigneron qui a déduit 92 500 F de DPI et dont la valeur du stock de vins a augmenté de 92 500 F au cours des cinq années suivantes n'aura rien à reverser. Pour lui, la déduction est définitivement acquise. '' Cette technique est très utilisée dans notre région. Elle permet de ne pas pénaliser le vigneron qui augmente ses stocks de vins de garde ', confirme Christian Robin, responsable du centre de gestion de Beaune (Cote-d'Or). Si elle n'est pas imputée dans les délais, la DPI est réintégrée aux résultats de la cinquième année. A noter que l'exploitant peut procéder à une réintégration anticipée en cas de diminution significative du montant de ses bénéfices (résultat inférieur d'au moins 20 % à la moyenne des trois exercices précédents). On s'en rend compte, la DPI doit faire l'objet d'une vraie gestion prévisionnelle. Le pire étant de déduire ' une petite année ', de ne pas utiliser la dotation dans les délais et de devoir la réintégrer une année de bon résultat ! En revanche, l'augmentation de la valeur des stocks à rotation lente - qui permet l'imputation de la DPI - se mesure année par année. La baisse de stocks enregistrée l'année suivant celle où une augmentation a permis une imputation de DPI reste sans incidence. ' Une gestion des stocks judicieuse permet donc de profiter pleinement du dispositif ', note un juriste. Autre système susceptible d'intéresser la filière : celui du quotient (article 75-O A du CGI). ' Il s'agit d'un dispositif d'écrêtement des très bonnes années, explique Etienne Benedetti. Lorsque le bénéfice est supérieur à une fois et demie la moyenne des trois années précédentes et si les conditions d'exploitation sont restées comparables, il est possible d'imposer ce bénéfice selon le système de la 'division par cinq'. ' Contrairement aux autres dispositifs de ' lissage ' (régime de la moyenne triennale de l'article 75-O B du CGI ou système de la réintégration anticipée de la DPI), le quotient ne consiste pas à reporter aux années ultérieures, l'imposition d'une fraction du bénéfice exceptionnel. Là, l'intégralité de ce bénéfice est appréhendée l'année de sa réalisation, mais pour son imposition, on multiplie par cinq l'épaisseur des tranches du barème progressif. Parmi les mesures du projet de loi de finances pour 2001, certaines pourraient avoir une incidence intéressante sur le montant des impôts. On signale la possibilité de changer de date de clôture tous les cinq ans et l'abattement ' jeune agriculteur ', reconduit pour trois ans et étendu au signataire d'un premier contrat territorial d'exploitation. (1) On obtient cette somme en faisant 52 500 F (plafond ' de base ') + (350 000 - 150 000) × 20 %, soit une majoration de 20 % de la part du bénéfice de l'exploitant (350 000 F dans l'exemple), comprise entre 150 000 F et 500 000 F.