Pour les exercices comptables ouverts à partir du 1er janvier 2017, le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) sur la part de bénéfice comprise entre 38 120 € et 75 000 € baisse de 33,3 % à 28 %. En 2018, ce nouveau taux de 28 % s'appliquera de manière plus large, pour la tranche de bénéfice comprise entre 38 120 € et 500 000 €. Le taux d'imposition de la part inférieure à 38 120 € demeure à 15 %.
Cette baisse est-elle suffisamment intéressante pour envisager un changement d'imposition ? Les comptables estiment que le gain, toujours appréciable, n'est pas très important pour une grande majorité des exploitations. Dans la plupart des cas, il ne justifie pas les contraintes liées au changement. Pour un bénéfice agricole de 80 000 €, le gain sera de 2 231 €.
Ce changement de taux permet surtout de remettre l'IS dans l'actualité fiscale. Existe-t-il un seuil de bénéfice au-delà duquel l'exploitant doit se demander s'il faut abandonner l'impôt sur le revenu pour passer à l'IS ?
D'une manière générale, les comptables préconisent d'y réfléchir à partir de 80 000 € de bénéfice agricole. Certains placent la barre à 100 000 €. « Au-delà du résultat, j'intègre le chiffre d'affaires et la part du résultat réinvesti dans mon approche, précise Étienne Benedetti, responsable du pôle juridique du Syndicat général des vignerons de Champagne. Si vous êtes en dessous de 250 000 € de CA par associé, vous bénéficiez de l'exonération des plus-values professionnelles. Dans ce cas de figure, je pense qu'il est préférable de rester à l'impôt sur le revenu. Mais chaque situation est unique. Tout dépend des objectifs des associés. S'ils ont des investissements en vue et décident de ne pas se verser beaucoup de dividendes, l'IS peut permettre des gains significatifs. »
Le mode d'imposition le plus classique des viticulteurs est donc l'impôt sur le revenu (IR). Avec l'IR, il n'y a pas de distinction entre ce qui est prélevé et ce qui est laissé dans l'entreprise, à la différence de l'IS où l'on différencie la fiscalité de l'entreprise et la rémunération des associés.
L'IR présente quelques avantages. Il permet, pour ceux qui sont en phase de constitution de stock, de bénéficier de la déduction pour investissement (DPI), plafonnée à 27 000 €. Les jeunes agriculteurs peuvent bénéficier de l'abattement JA (50 %) pendant cinq ans.
Le principal intérêt de l'IS est de faire diminuer l'assiette des cotisations sociales. Seule la rémunération des associés est assujettie à la MSA, contrairement à l'IR où l'ensemble du revenu agricole, prélevé ou non, est soumis aux cotisations sociales. Mais, à l'IS, ce qui est exclu de l'assiette MSA est transformé en d'autres types de revenus également taxés, à un niveau généralement moins élevé que la MSA néanmoins. Opter pour l'IS est par ailleurs une décision irrévocable, sauf à changer de forme de société.
Chacun des systèmes ayant ses avantages et inconvénients, les conseillers préconisent le plus souvent d'opter pour une solution intermédiaire, avec la création d'une holding à l'IS et d'une SCEV qui reste à l'IR. Le schéma classique est que la holding détienne 30 à 35 % des parts de la SCEV, sans redistribution aux associés.
Le Point de vue de
CHRISTIAN ACQUAVIVA, JURISTE ET FISCALISTE AU CER MIDI-MÉDITERRANÉE
« Il est intéressant d'y réfléchir à partir de 80 000 € de bénéfice »
« On peut envisager un passage à l'impôt sur les sociétés quand l'exploitation dégage un bénéfice agricole de 80 000 € par quote-part d'associé. La première question à se poser est celle des besoins de l'exploitant. S'il souhaite percevoir 100 % du dividende (résultat après impôt), le passage à l'IS se révèle souvent sans intérêt. Pour accompagner la réflexion, on fait des simulations avec une imposition à l'IR, à l'IS sans dividende, avec 50 % de dividende et 100 % de dividende. Si on a des projets d'investissements, opter pour l'IS peut être intéressant car cette imposition est un levier d'optimisation fiscale et sociale. Pour limiter les risques et bénéficier des avantages des deux modes d'imposition, on peut opter pour une solution intermédiaire en créant une holding imposée à l'IS qui détient des parts de la SCEV. La holding aura alors pour but principal d'investir et non de distribuer. Curieusement, je rencontre plus de freins à ce type de montage qu'à un passage total à l'IS car les exploitants redoutent la complexité de la gestion de deux sociétés. »