Dans le but de diminuer les pressions fiscales et sociales, le choix de l'impôt sur les sociétés peut se révéler fructueux. Il nécessite de réinvestir l'essentiel du bénéfice et peut alourdir la transmission. Ce choix est irrévocable, à moins de dissoudre la société.
Dans le secteur agricole, nous avons le privilège de payer des cotisations sociales sur nos enjambeurs , plaisante un vigneron bordelais. L'assiette sur laquelle s'effectue le calcul de la Mutualité sociale agricole englobe les revenus prélevés par le vigneron et ceux réinjectés dans son entreprise. ' Ce constat pousse de nombreux viticulteurs à s'intéresser de plus près à la fiscalité de leur exploitation. ' Dans les domaines affichant une bonne rentabilité, le choix du régime d'imposition figure parmi les questions les plus fréquemment posées ', observent beaucoup de conseillers de gestion.
Seuls les vignerons gérants de société peuvent choisir entre le régime de l'impôt sur le revenu (IR), applicable à tous les producteurs en exploitation individuelle, et celui de l'impôt sur les sociétés (IS). Les conséquences de ce choix nécessitent d'être prudemment étudiées, sur l'ensemble de la durée de vie de l'exploitation. Trop de vignerons ont des difficultés à se projeter dans une échéance lointaine et complexe, celle de la transmission de leur exploitation...
La prudence est d'autant plus de mise que le choix de l'impôt sur les sociétés est irrévocable. ' Même si cette décision est impliquante et nécessite une réflexion poussée, il ne faut pas non plus la dramatiser , relativise un expert comptable de Gironde. Il n'est pas interdit de créer une autre société et de transférer les actifs. C'est un peu compliqué, mais possible. '
Pour effectuer son choix, les conseillers préconisent une méthode de bon sens, à savoir comparer les deux modes d'imposition, sur les plans social que fiscal. Dans le cas très répandu d'une société soumise à l'impôt sur le revenu, la fixation des bénéfices répond naturellement à la règle des bénéfices agricoles. Chacun des associés est ensuite soumis à l'impôt sur le revenu à hauteur de sa part. Il n'y a pas de distinction entre le bénéfice distribué aux associés et celui conservé pour investir.
Par ailleurs, la MSA prélève les cotisations sociales des associés exploitants sur l'ensemble de leurs bénéfices. Les associés non exploitants sont, eux, uniquement soumis à la cotisation de solidarité de 3,4 %. Ce taux devrait d'ailleurs probablement être sérieusement réévalué dans les mois ou les années à venir. Tout l'ensemble des bénéfices, distribués aux exploitants comme aux non-exploitants, sont aussi soumis à la CSG (contribution sociale généralisée) et à la CRDS (contribution à la réduction de la dette sociale). Avec cette organisation fiscale et sociale, il est intéressant de laisser le moins d'argent possible dans l'entreprise.
Il en va différemment avec l'impôt sur les sociétés. La rémunération du travail est déduite du résultat de la société. Elle est imposable comme tous les revenus classiques. Le solde du résultat de la société est, quant à lui, soumis à l'impôt sur les sociétés, qui s'élève à 15 % pour la part de bénéfice n'excédant pas 38 120 euros, et à 33,3 % au-delà.
Dans le cas où le bénéfice après impôt sur la société n'est pas redistribué, il n'est soumis à aucun prélèvement. En revanche, s'il est distribué, il est assujetti à la CSG, à la CRDS et à l'impôt sur le revenu. Il est donc préférable de laisser le maximum d'argent dans la société et d'investir. ' L'intérêt d'opter pour l'impôt sur les sociétés se joue à deux niveaux, précise Jean-Luc Lerrede, ingénieur-conseil au CDER (Centre de gestion et d'économie rural) de la Marne. Le premier niveau concerne le résultat, qui doit être suffisamment élevé pour que ce mode d'imposition soit intéressant. Le second touche à la politique de redistribution du bénéfice, qui dépend à la fois des besoins personnels de l'exploitant et des besoins en investissements de l'exploitation. L'optimisation de l'impôt sur les sociétés suppose de peu redistribuer aux associés. ' Autre point intéressant de l'impôt sur les sociétés, seule la rémunération du travail est soumise aux cotisations sociales.
Les conséquences du mode d'imposition sont également importantes lors de la transmission de l'exploitation. Ainsi, pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, il n'y a pas d'imposition des plus-values dans le cas d'une transmission à titre gratuit. En revanche, la cession des parts de sociétés soumises à l'impôt sur le revenu et détenues pas des associés exploitants occasionne des plus-values professionnelles. Mais en cas de vente, elles sont exonérables dans la limite de 152 600 euros, alors que les plus-values privées - c'est à dire les parts de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés - sont imposables.
Point négatif pour l'impôt sur les sociétés, les frais financiers liés à la reprise de l'exploitation ne sont pas déductibles par le nouvel exploitant. Par ailleurs, le régime de l'impôt sur les sociétés se révèle être un handicap quand on souhaite diviser l'exploitation lors d'une transmission. Cela suppose de prélever une partie de l'argent qui avait été laissé à la disposition de la société, qui devient alors imposable pour le bénéficiaire. Et dans le cas où ces bénéfices ont été réalisés lors d'une période antérieure à cinq ans, la société doit payer le précompte - un impôt supplémentaire - qui correspond à 50 % des sommes prélevées, ou alors la distribution ne peut bénéficier de l'avoir fiscal. Pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, les bénéfices laissés à la disposition de la société ont déjà été assujettis à tous les prélèvements sociaux et fiscaux. Leur libération n'entraînera donc aucun coût.