Face au marasme du cognac, Paul-Henri Grelet mène depuis six ans une politique de diversification avec des effervescents qu'il vend lui-même dans les grandes surfaces locales.
'Si la vente directe était plus développée dans les Charentes, nous n'en serions pas là. Les vignerons doivent se prendre en main. Parce que mes deux enfants travaillent sur la propriété et que nous préparons l'avenir, j'ai choisi de me diversifier dans les effervescents. ' Paul-Henri Grelet, 50 ans, est intarissable sur sa région, ses difficultés et ses espoirs. Natif des Touches-de-Périgny, une petite commune comprenant une trentaine d'exploitations viticoles à 30 km au nord de Cognac, il y exploite aujourd'hui 30 ha de vignes.Pour ne pas être trop dépendant du cognac, son principal revenu grâce à un contrat avec une grande maison de négoce, il a choisi les ' bulles ' : 4,5 ha restructurés leur sont consacrées (chardonnay, cabernet franc, chenin et sauvignon). Les premières plantations remontent à 1994. ' Le pineau des Charentes ? Beaucoup en faisaient déjà. A l'époque, j'avais lu que le marché des effervescents était en croissance, explique-t-il en sortant de vieilles coupures de presse. Nos terrains calcaires et nos coteaux s'y prêtent bien. ' Aujourd'hui, quelques dizaines d'exploitations commercialisent des effervescents dans les Charentes. La région est traditionnellement fournisseur de vins de base, souvent à bas prix, pour des effervescents français et étrangers, notamment allemands. ' La valeur ajoutée quitte la région, pourquoi n'y resterait-elle pas ? analyse notre interlocuteur qui n'en est pas à son premier défi. En 1970, j'avais repris la quincaillerie de mon père mais avec le développement des grandes surfaces, il y avait peu d'avenir. Je n'ai donc pas hésité en 1972, quand j'en ai eu la possibilité, à reprendre la propriété de mon grand-père, qui comprenait alors 4,3 ha. C'était la période euphorique du cognac. J'ai appris le métier en regardant les autres. ' Etre du pays mais pas du métier semble un bon moyen de faire avancer les choses dans un vignoble empêtré dans son inertie. C'est parce qu'elle représente un investissement lourd (300 000 à 400 000 F) et qu'il y a des spécialistes que notre pionnier des bulles n'a pas investi, à ses débuts, dans une distillerie. Une voie délaissée : ' La maison était à payer, j'ai préféré investir dans les vignes. J'ai choisi la sécurité. ' En revanche, le grand saut a lieu avec la vinification, un ' nouveau ' métier. Après une courte expérience sur la propriété, tout a été arrêté en 1985. Autrefois, c'était de l'ugni blanc pour la distillation ; maintenant, il s'agit de vin de consommation, un tout autre enjeu. Avec du vieux matériel, la reprise des vinifications date de 1996. ' Evidemment, j'ai tâtonné un peu. ' Dorénavant, c'est plutôt le fils qui s'y attelle. ' On ne peut être performant partout : j'ai besoin d'un bon comptable, d'un bon juriste, d'un bon banquier... et d'une bonne entente familiale ', rappelle Paul-Henri Grelet, oubliant presque qu'il possède aussi 30 ha de céréales. Il est vrai qu'elles ne prennent que 10 % de son temps... Sur le front de la vinification, 2000-2001 est donc la période charnière des grands investissements : cuves en Inox, pressoir, groupe de froid, filtre à plaque, pompe... Un hangar de 277 m² pour loger tout ce matériel et travailler efficacement est construit. Le tout, financé notamment par un Pam (plan d'amélioration matérielle), représente un investissement de 1 million de francs. Un ensemble opérationnel pour la vendange 2001. Un CTE (contrat territorial d'exploitation), source de financement, a également été signé. Aux 4,5 ha actuels de diversification, 3 ha supplémentaires sont prévus à terme. ' Nous envisageons également le passage au bio. Je n'ai pas été à cette école mais mon fils pousse dans cette voie. Comme pour les effervescents, nous ne voulons pas être les derniers à prendre ce train. ' Aujourd'hui, la prise de mousse en bouteille et le vieillissement se déroulent chez un prestataire d'Angoulême. Mais au sein d'une Association des bulles des vignerons charentais, fondée en septembre, Paul-Henri Grelet milite pour la création dans la région d'un site industriel complètement destiné aux bulles. ' Vingt-quatre producteurs sont déjà partants. Le budget de ce projet est de 8 à 10 millions de francs. Nous enverrons les moûts dans cette usine totalement équipée. Au début, nous espérons traiter 200 ha, surtout de l'ugni blanc. Le vigneron s'engagerait pour quinze ans sur un nombre d'hectares. Nous visons l'exportation. La décision finale sera prise cette année. ' Notre interlocuteur a la bosse du commerce. Pour vendre ses bouteilles d'effervescents - juridiquement, un vin mousseux de qualité (VMQ) - il a contacté les responsables des grandes surfaces de la région. ' Comme j'étais le premier, cela a marché. J'ai déjà accompli plus de trente journées complètes d'animation dans les magasins. ' Des 1 600 bouteilles produites en 1996, il est passé à 5 400 en 1999 et à 24 600 en 2000, le tout sous la marque Chante-Alouette, en blanc et en rosé. Le prix de vente est de 32 à 35 F la bouteille. ' Je me donne dix ans pour bien installer cette activité. '