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Roumanie, entre espoir et gueule de bois

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

Dotée d'un fort potentiel, la filière du vin roumaine n'en finit pas de subir les contrecoups de l'après-communisme. Les difficultés économiques l'empêchent de repartir sur de nouvelles bases.

Couvrant 250 000 ha, le vignoble roumain est le huitième du monde en surface. Fin du communisme oblige, on y oscille aujourd'hui entre espoir et gueule de bois. ' Si aucun investissement n'est consenti dans les années à venir, la filière va au devant de gros ennuis ', estime Cristina Staicu, du Domenille viticole franco-roumain. Cette société, qui compte des Bourguignons et des Languedociens parmi ses actionnaires, est implantée dans le Dealu Mare (nord de Bucarest). Elle produit entre 5 000 et 10 000 hl par an, du vrac exporté en France et des bouteilles réservées au marché local.Guy de Poix partage cet avis. Propriétaire en Corse et arrivé en Roumanie en 1993, sa société, Serve, possède une chaîne de vinification à Ceptura de Jos, dans le Dealu Mare. ' Si 400 à 500 millions de dollars ne sont pas rapidement injectés, le vignoble risque de disparaître. ' Peu d'étrangers ont tenté l'aventure en Roumanie car l'incertitude politique et économique est grande. Paradoxalement, la fin du communisme a engendré de multiples problèmes. Lors de la privatisation des terres des coopératives, les ayants droit ont reçu des surfaces minuscules. Du coup, les trois quarts du vignoble sont entre les mains de propriétaires privés ayant, en moyenne, moins d'1 ha ! Cette superficie limite tout investissement : le vignoble vieilli et il est peu entretenu. Certes, l'Etat fournit des aides directes avec la délivrance de douze coupons de 100 000 lei/ha, soit 26,30 F/ha (1), permettant d'acquérir des intrants, mais ils arrivent souvent trop tard... Se regrouper ? Rares sont ceux qui y songent : l'idée de coopérative est encore associée à de mauvais souvenirs... Ici, on plante encore des hybrides et de nombreux viticulteurs préfèrent vendre leur raisin ou leur ' vin maison ' sur le bord des routes. C'est plus rentable que d'écouler la production via des sociétés vinificatrices qui, selon les régions, paient les cépages blancs entre 40 et 50 c/kg et les rouges entre 80 et 90 c/kg. Tous ces comportements affectent la production nationale ; elle a chuté de moitié par rapport aux années 70 et s'est élevée à 6 Mhl en 1999, dont 1 M de vins d'appellation. Avec, en corollaire, une baisse des exportations : de 91 000 tonnes de raisin à 31 000 t, entre 1996 et 1999. L'Allemagne reste le premier client avec 48 % du total, loin devant la Grande-Bretagne, le Japon et la Russie, l'ex-' pays frère '. Faute de moyens financiers, peu de vrais vignerons indépendants se sont installés pour compenser la disparition des coopératives. ' Toutefois, cela pourrait changer avec les fonds européens Sapard ', note Guy de Poix. Dans le cadre de ce programme visant à aider les candidats à l'adhésion pour la modernisation de leur agriculture, la Roumanie recevra en effet 150 millions d'euros par an sur la période 2000-2006. Cela pourrait favoriser l'éclosion de projets individuels, comme le montre l'aventure des vignerons de Soresti-Blajani, près de Buzau. Aidés par une ONG (organisation non gouvernementale), ils se sont regroupés pour créer une cave collective, une initiative appuyée par Bruxelles dans le cadre du programme Fidel. ' Nous avons reçu 76 000 euros. Cela m'a permis d'effectuer deux stages dans le Bordelais, de faire venir des spécialistes français pour nous conseiller, et d'acquérir du matériel d'occasion ', explique Constantin Pauna, initiateur du projet... qui possède 1,7 ha. Cependant, à ce jour, seuls quatre autres exploitants se sont joints à lui pour apporter une partie de leur récolte à la cave... qui attend toujours une autorisation administrative pour commercialiser son vin. Les débuts s'annoncent donc difficiles : les 300 ha de vignes des deux villages sont répartis entre 850 familles et l'argent manque. Ce problème se retrouve aussi sur les 46 000 ha de la quarantaine d'ex-fermes d'Etat, reconverties en société par action après la chute du communisme. Dans l'attente de leur privatisation effective, aucun arrachage ou plantation n'a été effectué. ' Sinon, les ex-propriétaires des terres auraient pu les attaquer pour destruction de patrimoine ', annonce-t-on. Heureusement, leur privatisation a enfin débuté à la fin de l'an 2000. Les terres de ces fermes appartenaient souvent à des citadins et non à des paysans comme celles des coopératives. ' Si cela se passe bien, la Roumanie peut devenir le Chili de l'Europe, s'enthousiasme Guy de Poix. Ses terroirs ont un fort potentiel. Les prix des terres sont attractifs : 2 000 $/ha auxquels il faut ajouter 10 000-12 000 $/ha pour replanter. Les coûts de production sont faibles. Une bouteille vendue 6-7 F permet une bonne marge. 'Pour remettre la filière viticole roumaine à flot, comme toute l'agriculture d'ailleurs, le travail est immense. Il n'est donc pas étonnant que ce pays se trouve en queue de peloton des candidats à l'entrée dans l'Union européenne. Equipement des caves, professionnalisme des employés et respect des règles sont ainsi les autres enjeux de la viticulture roumaine. ' Il faut se débarrasser de la logique productiviste, faire comprendre que c'est le client qui fait vivre le producteur, et intensifier les contrôles ', assure un oenologue qui s'inquiète, en outre, de l'apparition dans les magasins de vins en bouteille plastique à moins de 3 F/l. ' Il faut redonner une image de marque aux vins roumains et lorsque les bouteilles se vendront 14-15 F au départ de la cave, cela attirera les investisseurs ', conclut Guy de Poix, qui a récemment planté du pinot noir près d'Arad (dans l'ouest du pays) et va faire construire une nouvelle cave au milieu des vignes. ' En Roumanie, il faut tout maîtriser de A à Z. ' (1) Taux de change utilisé pour les conversions : 1 F = 3 800 lei.

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