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Le transfert de propriété

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

Au moment de l'achat de vin, les contrats peuvent achopper sur la notion de transfert de propriété. Etre précis évitera des déconvenues.

Plus les contrats sont obscurs, plus ils peuvent donner lieu à contentieux dans leur interprétation afin de déterminer qui est propriétaire, de quoi et à quelle date. Des conventions non clarifiées peuvent conduire les différentes parties du contrat à fournir une version différente sur la date du transfert de propriété des vins, et donc sur leur inscription corrélative au bilan. Le vigneron pourra être amené à considérer le transfert de la propriété du lot de vin, vendu à un négociant, avant que l'agrément dans l'appellation n'ait été obtenu ; en revanche, le négociant pourra estimer cette condition comme substantielle et se considérer comme propriétaire qu'une fois ce label obtenu.Dans leurs relations avec leurs clients, certains négociants, de bonne foi, pensent pouvoir délivrer des certificats de propriété sur des lots de vin qu'ils proposent en primeur (en pratique, en cours d'élevage dans les chais du vigneron) alors qu'ils n'en sont pas encore propriétaires et que suivant le code civil, on ne peut pas délivrer un droit qu'on ne possède pas soi-même. Un professionnel pourra demander le concours de son banquier : si les deux contractants demandent un financement sur un même stock à une même date, on se heurte à un vrai problème, qui peut avoir des conséquences dommageables, surtout en cas de difficultés financières rencontrées par l'un des opérateurs. Avec des contrats explicites, les parties pourront mieux se prémunir si le vendeur ou l'acquéreur est soumis à une procédure collective. Au plan des assurances, il est de l'intérêt des contractants d'identifier les vins afin de savoir s'ils doivent s'assurer en tant que propriétaire ou en tant que gardien de la chose (cas où le vigneron conserve en ses chais des vins qui sont la propriété du négociant). Le principe de la liberté des contrats doit demeurer, mais l'usage de clauses contractuelles claires contribue à une bonne interprétation des données économiques. La fiscalité obéit à des règles de droit autonomes. La comptabilité repose sur la notion de ' patrimonialité ', qui renvoie aux règles du droit civil. Jusqu'au 31 décembre 1978, l'arti- cle 38-2 bis du code général des impôts stipulait que le rattachement des recettes fiscales intervenait lors de la conclusion du contrat sans en attendre son dénouement. Depuis, la loi fiscale fait intervenir la notion de livraison, soit la livraison matérielle du bien, soit son transfert en la puissance et la possession de l'acheteur : les vins étant à sa disposition, il ne dépend que de sa volonté d'en disposer. Le rattachement de la créance fiscale peut coïncider avec la règle comptable. Mais ce n'est pas toujours le cas. Les parties peuvent avoir intérêt à faire coïncider les deux faits générateurs afin de faciliter le suivi de leur comptabilité avec la facturation et la sortie physique des stocks de vins de leurs chais. En pratique, il est plus simple de constater au plan comptable une transaction lors de la sortie matérielle des vins. Le contrat est ' parfait ' lorsqu'il y a accord des parties sur la chose et sur le prix. Mais il ne peut pas y avoir transfert de la propriété d'un vin avant que ce dernier n'ait été individualisé : le lot doit être connu précisément de l'acheteur. On rencontre de réelles difficultés à traduire dans les faits cette notion de droit plutôt simple car, l'individualisation ne se produit pas forcément à l'habillage des vins ou à leur sortie des chais du vigneron. D'après certains spécialistes, l'individualisation peut intervenir dès la levée de la récolte, sitôt les vendanges effectuées, si l'acheteur l'a acquise intégralement. La transaction peut aussi porter sur un lot déterminé afin que son affectation à l'acquéreur ne puisse se discuter : il peut s'agir de l'acquisition d'un lot identifié dans un ou plusieurs contenants (cuves ou barriques prédéterminées). Le cumul de clauses, dont l'influence sur la date du transfert de propriété n'est pas explicitement indiquée, amène à des hésitations. Ainsi, l'introduction d'une clause de réserve de propriété suspend le transfert de propriété au complet paiement du prix : l'individualisation reste une condition nécessaire, mais n'est plus suffisante pour comptabiliser la transaction et constater le résultat fiscal si la retiraison matérielle ou l'entier règlement lui sont postérieurs. Attention : il est fréquent de rencontrer des bordereaux de transactions qui n'évoquent pas la notion de transfert de propriété, laissant aux parties le soin d'en déterminer la date... mais pouvant ouvrir un contentieux quant à l'interprétation du contrat.Les principes juridiques sont aujourd'hui clarifiés. Leur mise en oeuvre dans les contrats permettrait d'assurer la protection du vendeur comme de l'acquéreur, et de répondre aux questions soulevées ici. Il convient à chacun d'être vigilant et précis.

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