Les vignerons de La Livinière (Hérault) ont vu leurs efforts récompensés par le décret du 12 février 1999. Genèse d'une reconnaissance.
'Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ', selon La Fontaine. Pourtant, à écouter Roger Piquet, il en a fallu de la rage pour obtenir la reconnaissance officielle du terroir La Livinière, au sein de l'AOC Minervois. ' Si nous avions su combien c'était compliqué et le temps que cela prendrait, nous n'aurions peut-être pas entrepris les démarches auprès de l'Inao ', confie ce vigneron à la retraite, propriétaire d'un domaine de 100 ha, dont 34 ha en AOC Minervois et 17 ha en Minervois-La Livinière. Le 4 mars 1993, la demande de reconnaissance est adressée à l'Inao. Le 16 février 1999, c'est la publication du décret de l'AOC Minervois-La Livinière au Journal officiel. Entre ces deux dates, six ans de lutte syndicale, de discussions - parfois houleuses - avec l'Inao. ' A la fin, j'ai fini par décroché des réunions. C'est Maurice Piccinini qui a été le plus tenace ', raconte-t-il.Le couple Piquet-Piccinini, c'est un peu le bimoteur du cru La Livinière. A l'époque, l'un est en cave particulière, l'autre président de la coopérative. Dès 1973 et en dépit du scepticisme de certains, Roger Piquet plante de la syrah. Son collègue lui emboîte le pas. Pour le premier, ' si le dossier a abouti, c'est parce que le village a toujours fait bloc '. Qu'est-ce qui a fait tenir les Liviniérois tout au long des six années de procédure ? La conviction d'avoir un terroir de valeur. ' A chaque nouveau passage de l'Inao, les critiques devenaient plus sévères. Pourtant, d'année en année, nos vins gagnaient en qualité ! ' s'exclame-t-il. Les ventes s'envolent, les médailles pleuvent... mais la reconnaissance officielle tarde à venir. A l'image du tastevinage bourguignon, les producteurs organisent un ' livinage '. ' Nous invitions des journalistes et des restaurateurs à déguster notre avant-dernier millésime pour identifier les meilleurs. Il s'agissait d'une sorte de dégustation d'agrément avant l'heure ', raconte notre interlocuteur. Au final, qu'a apporté l'accession à l'AOC Minervois La Livinière ? La réponse tarde à venir. Après réflexion, il reconnaît : ' Avant, nos vins se vendaient bien. Maintenant, il ne reste plus une goutte à écouler. A l'export, nous avons gagné en notoriété. Nous sommes obligés de contingenter nos clients. Au niveau des prix, nous avons pu monter d'un cran. ' Sur le marché du vrac, le minervois s'échange aux alentours de 600 F/hl ; le minervois La Livinière a une cotation plus de deux fois supérieure (1). Le pari est donc remporté ? Pas tout à fait. Les défenseurs du projet initial ont des regrets. D'abord, ils voulaient rendre obligatoire les capsules syndicales attestant d'une ultime dégustation des vins, juste avant leur mise en bouteilles. Au final, le décret n'y fait pas référence. Et puis certains estiment que le combat n'est pas finit. ' Maintenant, nous devons nous battre pour obtenir la dénomination 'AOC La Livinière', seule ! ' (1) Nous manquons de véritables indicateurs économiques pour comparer efficacement les deux appellations. Seules les transactions en vrac sont ici prises en compte.