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Les interprofessions assu jetties à la TVA

La vigne - n°120 - avril 2001 - page 0

Pratiquement toutes les interprofessions sont maintenant assujetties à la TVA. Si cette nouveauté est transparente pour les cotisants, elle modifie la fonction de ces structures.

Après six ans de négociations avec la Direction de la législation fiscale (DLF) du ministère de l'Economie et des Finances, le Comité national des interprofessions de vins à appellation d'origine (Cniv) a obtenu que ses adhérents soient assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Cet assujettissement porte sur l'essentiel des missions des interprofessions, plus précisément ' sur les opérations de valorisation des vins et sur les études économiques et techniques ', indique le courrier de la DLF de juillet dernier. Concrètement, le vigneron et le négociant paient à leur interprofession la cotisation volontaire obligatoire (CVO) convenue dans leur région, à laquelle s'ajoute dorénavant la TVA à 19,6 %. Cette taxe est ensuite intégralement récupérée par l'opérateur dans le cadre de ses déclarations de TVA. ' Pour les opérateurs, c'est un exercice blanc: ils récupèrent ce que l'interprofession collecte pour le compte de l'Etat ', indique un responsable.' C'est une victoire car cela donne des moyens financiers supplémentaires aux interprofessions ', indique-t-on au Cniv. En effet, si l'interprofession reverse à l'Etat ces 19,6 % perçus, elle y ' gagne ' en récupérant par ailleurs la TVA qu'elle règle sur les factures fournisseurs. Jusqu'à cette prise de position de Bercy, les situations étaient hétérogènes dans les régions : en fonction des responsables locaux des services fiscaux, l'interprofession était assujettie ou pas ! Début avril, la vingtaine d'interprofessions vinicoles françaises avaient franchi le pas, à l'exception de la Savoie, du floc de Gascogne, des vins du Centre et de Duras (sous réserve des dossiers en cours ou en discussion). A noter le cas particulier de la Champagne qui n'est pas concernée, son budget n'étant alimenté que par des taxes parafiscales. ' Sur ce dossier, la profession a fait comme Picsou : elle n'a vu que les sous. Je ne suis pas sûr que l'idée soit bonne car cet assujettissement modifie la nature des cotisations versées, et potentiellement les rapports entre les cotisants et la structure, explique le responsable de la répression des fraudes chargé du dossier interprofessionnel pour notre filière. Maintenant, l'interprofession est comme une entreprise, elle fournit des prestations de service. Et qui dit prestations de service dit satisfait ou non satisfait, comme si vous alliez au pressing ! C'est un vrai changement de fond, voire de philosophie. On ouvre un champ de contestations et on fragilise l'idée de l'interprofession au service de tous. ' Prenons un exemple : si une interprofession mène une action en Allemagne avec l'essentiel de son budget promotion, et qu'un vigneron ou un négociant n'est pas du tout présent sur ce marché, pourquoi paierait-il sa CVO ? L'assujettissement à la TVA est en effet lié à la notion clef de ' lien direct ', notamment définie par des directives européennes : l'opérateur doit retirer un avantage direct de l'action conduite et une proportionnalité doit exister entre ce qu'il cotise et ce qu'il en retire. ' Je suis serein, explique un directeur d'interprofession. Juridiquement, nous sommes calés sur ce point, mais il en est des interprofessions comme d'autres structures, tout peut bien fonctionner jusqu'au moment où il y a un mécontent. On rentre alors en phase contentieuse avec l'interprétation des textes par la justice. ' Des contentieux existent déjà dans certaines régions avec des opérateurs qui contestent le côté obligatoire de la CVO. Des difficultés d'interprétation, quant à la notion de lien direct, risquent aussi de surgir si la représentativité des interprofessions est modifiée. En effet, on réfléchit actuellement à la possibilité d'y intégrer les grandes surfaces, voire les restaurateurs ou des représentants des consommateurs. Comment apprécier alors, pour ces catégories, les notions de lien direct et de service rendu ? Si les responsables d'interprofessions sont sereins, c'est aussi qu'ils se sentent renforcés dans leurs prérogatives par la nouvelle organisation commune de marché (règlement n° 1493- 1999 du 17 mai 1999, paru au Journal officiel du 14 juillet 1999). L'article 41 précise en effet qu'en vu ' d'améliorer le fonctionnement du marché des VQPRD et des vins de table à indication géographique, les Etats membres producteurs, notamment dans la mise en oeuvre des décisions prises par les organismes de filière, peuvent définir les règles de commercialisation portant sur la régulation de l'offre lors de la première mise en marché, à condition que ces règles concernent la mise en réserve et/ou la sortie échelonnée des produits '. ' Nous sommes des agents économiques reconnus, explique un responsable. Nous pouvons nous adosser à cette réglementation européenne qui nous légitime. Si nous sommes plus crédibles, nous devons être plus responsables. D'ailleurs, nous devons informer la Commission des actions menées. ' Bercy rappelle qu'avec cet assujettissement, les interprofessions seront davantage surveillées par les services fiscaux... On y souligne que le volet ' impôts ' de la réforme est toujours en discussion : en effet, si les interprofessions deviennent des agents économiques à part entière, voire des ' entreprises ', des impôts directs risquent de surgir (taxes professionnelle, sur les salaires, impôt sur les sociétés...). Derrière ce dossier TVA, dont nous n'avons vu ici que le volet viticole lié aux interprofessions, se cachent d'immenses enjeux financiers (et politiques !) pour l'Etat, bien au-delà de l'agriculture. En effet, en toile de fond, se trouve le chantier de la fiscalité des centres techniques, des associations, des syndicats... D'ailleurs, pour en revenir à la viticulture, la Confédération nationale des AOC, en pointe sur les dossiers fiscaux, annonce que Bercy a pris position sur différents points en suspens depuis des années. Le financement des agréments ne sera pas soumis à la TVA. Mais il y aura assujettissement pour l'activité de vente des capsules congés, avec exonération des impôts commerciaux. Avec cet accord, les contentieux qui étaient en cours dans plusieurs syndicats semblent abandonnés.

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