Le fisc vient de définir le régime applicable aux différentes missions exercées par les syndicats d'AOC. Ces nouvelles règles sont d'application immédiate, sauf celles qui concernent l'agrément.
Les syndicats d'AOC l'ont échappé belle ! Devant l'éventail des régimes fiscaux qui auraient pu leur être appliqués, la solution retenue par la Direction de la législation fiscale (DLF) du ministère de l'Economie et des Finances apparaît ' plutôt satisfaisante '. ' Il faut voir la décision de Florence Parly, secrétaire d'Etat au Budget, comme un package bien ficelé, à prendre ou à laisser ', explique-t-on à la CNAOC (Confédération nationale des appellations d'origine contrôlées vitivinicoles).Cette confédération, qui regroupe via ses fédérations régionales l'ensemble des syndicats d'AOC, a été l'orga- nisatrice des négociations avec la DLF lorsque trois de ses membres se sont retrouvés dans le collimateur du fisc. Face à une lecture rigide et rétroactive de la réglementation - qui aurait été très coûteuse pour les structures redressées ! - la CNAOC a argumenté en faveur de la ' spécificité des missions exercées par les syndicats d'AOC '. La reconnaissance d'un statut législatif propre à ces structures dans la dernière loi d'orientation agricole de 1999 a donné des ' munitions ' pour défendre l'idée d'un traitement fiscal adapté aux missions syndicales. Le courrier officiel, en date du 19 janvier, définit les règles désormais applicables et reprend quelques-unes des positions défendues par la Confédération. Si certains esprits critiquent des points précis de la décision, tous s'accordent pour considérer que celle-ci a le mérite d'offrir un cadre cohérent à la fiscalité des syndicats. Rappelons que jusqu'à présent, il n'y avait pas de réelle unité sur le sujet. Par exemple, en matière d'organisation de l'agrément, certaines structures facturaient de la TVA, d'autres non... Désormais, chaque type de mission a son propre régime juridique. ' Cette décision officielle tire un trait sur les pratiques antérieures et permet de repartir sur des bases claires pour l'avenir ', explique Jean-Louis Trocard, vice-président de la CNAOC, en charge de ce dossier. La plus ' belle victoire ' obtenue par les syndicats concerne la vente de capsules représentatives de droits. Parce qu'elle a un caractère lucratif, cette activité est assujettie à la TVA. En revanche, et contrairement à ce que craignaient des juristes syndicaux, elle bénéficie d'une exonération à l'impôt sur les sociétés, réservée aux activités de ' défense des intérêts collectifs en faveur des syndicats agricoles '. S'agissant de la taxe professionnelle, l'administration distingue le type de missions exercées. ' Si le syndicat n'effectue que des actions syndicales 'au sens strict', c'est-à-dire servant l'intérêt collectif des adhérents, alors il y a exonération, explique Julien Forget, fiscaliste de la CNAOC. A l'inverse, si le syndicat réalise des prestations individualisées, par exemple des consultations juridiques personnalisées, la taxe professionnelle est appliquée, sauf si ces activités peuvent être isolées dans une structure juridique distincte ', ajoute-t-il. On le voit, l'administration fiscale devra, lorsqu'elle contrôlera des syndicats, procéder à une analyse ' sur-mesure ' des missions réellement remplies.En ce qui concerne la délivrance de l'agrément, la solution désormais admise vise à placer cette activité hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, au grand dam de certains syndicats qui avaient opté pour un assujettissement, lequel permettait de récupérer la TVA facturée sur les investissements et les achats nécessaires aux dégustations. Alors que le reste des décisions prises par la DLF n'appelle pas de remarque particulière du côté de la filière viticole, cette décision sur l'agrément sonne comme une fausse note et met un sérieux bémol à la satisfaction affichée par la CNAOC. Pour l'administration fiscale, l'assujettissement à la TVA d'une activité donnant lieu au paiement d'une cotisation n'est possible que ' si cette activité procure un avantage individualisé au cotisant et que le montant de la cotisation soit en rapport avec l'avantage obtenu '. Or, selon les experts de la DLF, ces principes ne s'appliquent pas aux examens analytiques et organoleptiques de la procédure d'agrément. D'une part, le montant de la cotisation n'est pas en rapport avec le coût réel des analyses et, d'autre part, la mission remplie par le syndicat en procédant aux agréments relève d'une mission d'intérêt général confiée par l'Inao. Par ailleurs, les juristes de Bercy font valoir que cette activité peut même aller à l'encontre des intérêts particuliers des producteurs, par exemple lors d'un refus d'agrément. Toutefois, pour certains fiscalistes, l'analyse de l'administration fiscale n'est pas infaillible. D'ores et déjà, plusieurs ' têtes pensantes ' examinent à la loupe la position de la DLF sur l'agrément. Elles espèrent trouver des arguments pour faire évoluer la doctrine administrative. Les nouveaux principes fiscaux arrêtés par le secrétariat d'Etat au Budget sont d'application immédiate à compter du 1 er janvier 2001. Néanmoins, à la demande de la CNAOC, l'administration fiscale a accepté de décaler l'entrée en vigueur des règles relatives à l'activité d'agrément à compter de la prochaine campagne viticole. De là à penser que ce délai permettra aux juristes syndicaux de potasser le sujet et de trouver des munitions contre ce point de la doctrine administrative...