Même si les vins étrangers restent un marché de niche, ils opèrent un changement de stratégie commerciale dans l'Hexagone. Ce renouveau passe par une montée en gamme et un marketing ' décomplexé '.
David contre Goliath. C'est l'image qui vient à l'esprit lorsque l'on compare la part du marché des vins étrangers en France, par rapport à celle détenue par nos produits nationaux. Reste à savoir si, là encore, le plus petit des deux aura le dernier mot... Selon les statistiques de l'Onivins, réalisées à partir des études d'Iri Secodip, sur l'année 2000, les vins étrangers n'ont représenté que 1,3 % du volume et 1,5 % en valeur des ventes de vins tranquilles en grande distribution.Un marché de niche, de surcroît, en stagnation puisque le chiffre d'affaires du rayon étranger n'a progressé que de 1 % par rapport à 1999. Avec 314 millions de francs (MF) pour 136 000 hl vendus, ce segment n'a, en apparence, rien d'inquiétant. En terme de provenance, on note une large prédominance (76 %) des vins du bassin méditerranéen. La demande de vins espagnols reste ferme (+ 3 %). D'ailleurs, le groupe Freixenet, premier producteur mondial de cavas (vin effervescent espagnol), s'attaque au marché français. Le Maghreb et l'Italie enregistrent un léger recul (- 2 %). Ce sont les vins du Nouveau Monde qui connaissent le plus fort développement (23 % en un an). Cette percée des jeunes pays producteurs se vérifie aussi dans le secteur traditionnel. Alors que les produits du bassin méditerranéen approvisionnent les restaurants orientaux et autres pizzerias très nombreux, on note une nouvelle vogue pour les ' vins venus de plus loin '. André Richard, PDG de la maison du même nom et fournisseur de CHR (cafés, hôtels, restaurants) parisiens, constate une rapide progression de ce segment de marché : ' Nous distribuons les vins californiens de la maison Gallo depuis deux ans. Ils correspondent à une demande de nos clients. C'est une restauration assez branchée qui s'adresse à une clientèle sans a priori, jeune et plutôt aisée. ' Bref, une cible d'achat alléchante... L'avenir des vins étrangers en France passe par un changement d'image. Les opérateurs actifs sur le marché sont unanimes sur ce point et investissent tous sur le créneau des produits de qualité, mieux valorisés. Philippe Rives, directeur général adjoint de William Pitters (Gironde), premier importateur de vins étrangers en France, explique : ' Quelle que soit la provenance des vins, on assiste à une montée en gamme. En analysant le marché par strates de prix, on constate que ce sont les vins vendus entre 18 et 25 F la bouteille qui progressent. ' Pour coller au mieux à cette demande, le détenteur de la marque Sidi Brahim - premier vin étranger vendu en France (3,6 millions de cols par an) - prépare la sortie d'un ' Sidi Brahim Cuvée du désert ', qui sera vendu environ 2,50 F de plus que son aîné ' basique '. Chez Gallo, premier opérateur sur le marché du vin californien en France avec plus de 70 % de PDM (parts de marché) en volume et près de 80 % en valeur, on mise aussi sur ce ' milieu haut de gamme '. ' Alors qu'en moyenne, le consommateur français consacre 17 F pour une bouteille de vin étranger, nous avons un prix moyen de plus de 36 F le col ', explique la direction française, basée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Désormais - et c'est là le danger - les vins étrangers et surtout ceux du Nouveau Monde chassent sur le même terrain commercial que celui occupé par nos vins français. ' La concurrence s'est décomplexée ', analyse un négociant bordelais ayant investi dans des wineries à l'étranger. Preuve en est : plusieurs grandes tables françaises, étoilées au Guide Michelin, proposent des ' vins venus d'ailleurs ' sur leur carte. La stratégie marketing de Gallo consacre ce nouveau positionnement : ' Le grand handicap de nos vins est que le consommateur français ne sait pas toujours avec quels mets les accompagner. Nous avons donc axé notre marketing en linéaire sur ce sujet, en mettant en avant des associations vin-plat-fête traditionnelle française ', explique Olivier Guerreau, responsable marketing. L'opération a été menée pour la Saint-Valentin, Pâques, la fête des Mères... L'idée est de faire passer dans l'esprit du consommateur ' qu'un vin Gallo a sa place à la table familiale, comme n'importe quelle autre appellation française '. ' Pour l'instant, le déclic ne s'est pas encore fait dans les habitudes d'achat de la ménagère française, considère un importateur. Contrairement à ses voisins du nord, l'Hexagone reste assez chauvin, mais s'ouvre peu à peu, notamment grâce à la nouvelle génération de prescripteurs, les sommeliers et les journalistes gastronomiques. ' Là encore, les opérateurs sont unanimes : le développement des vins étrangers passe par une stratégie de communication ' pédagogique '. ' Ces vins doivent être expliqués car ils sont peu connus pour l'instant. Soit il faut les moyens d'un Gallo pour se lancer à la conquête de l'acheteur en grandes surfaces via la publicité sur les lieux de vente, une force de vente très pointue... Soit il faut conquérir le secteur traditionnel. Le sommelier ou le caviste sont là pour expliquer ces produits nouveaux. Ils aident à faire tomber la barrière de l'inconnu et sont les plus à même de déclencher l'acte d'achat ', explique un importateur spécialisé dans les vins du Nouveau Monde. Très pragmatique, un opérateur bordelais parie sur le développement des vins étrangers en France. Selon lui, cet essor est inéluctable car nos concurrents n'auront pas d'autre choix : ' Lorsque l'on voit ce qu'ont planté les pays du Nouveau Monde ces dernières années, il faut s'attendre à une volonté de conquête accrue vers les pays traditionnellement consommateurs comme le nôtre, pour assurer des débouchés à leur production. ' L'analyse, bien que pessimiste, semble confirmée par les derniers chiffres à l'exportation...