Des vignes chlorotiques ont été observées. Sur certaines parcelles, on craint la coulure, sur d'autres, de forts rendements.
Les pluies ont perturbé la biologie des ceps. Sur certaines parcelles, la vigne n'a pas cessé de pleurer durant l'hiver trop doux. Elle n'a donc pas eu de repos végétatif complet. Des vignerons se sont demandé si cela la fatiguerait. ' Elle aura perdu un peu de ses réserves. Si cela a un effet, il n'est pas grave ', rassure Alain Carbonneau, de l'Inra de Montpellier. Il n'a pas fait assez froid cet hiver, mais le printemps n'a pas non plus été assez chaud.La période de froid du mois d'avril a souvent stoppé la croissance des feuilles. Les vignes ont perdu leur avance. Ce temps froid a parfois engendré un décalage dans le débourrement des bourgeons. Il a aussi rendu plus visible la voracité des escargots. Lorsqu'une parcelle a subi quelques dégâts de gel, les escargots et un décalage dans la levée de dormance, la floraison risque de traîner. En conséquence, on peut prévoir un décalage dans la maturité des grappes, à prendre en compte lors des vendanges. Les pluies ont maintenu le sol humide et froid, des conditions défavorables à l'activité racinaire. Lorsque cette situation perdure, l'absorption des minéraux est ralentie, notamment le fer, induisant des chloroses. ' La vigne a une sale allure, avec des petites feuilles un peu jaunes. Mais ces derniers jours, cela s'est arrangé ', constatait-on début mai dans le Bordelais. Fin mai, en Champagne, on observait aussi des vignes chlorotiques. La chlorose est largement réversible. Mais si le métabolisme racinaire reste réduit jusqu'à la floraison, on risque la coulure. La coulure survient parfois lorsque les racines assurent mal l'alimentation des fleurs. Cette situation chétive a encouragé les vendeurs d'engrais foliaires à proposer leurs produits. Pourtant, sur le terrain, on dit que la vigne n'est justement pas capable d'absorber les engrais foliaires dans cette situation. Louis-Pierre Pradié, de la chambre d'agriculture de Blanquefort (Gironde), dénonce le fait que certains vendeurs incitent à l'utilisation des engrais : ' A quoi cela sert-il de donner à manger à un malade ? Il ne s'agit pas ici d'une vraie chlorose ! ' Il est trop tôt pour parler de rendements. Mais dans certaines régions, le temps froid qui s'est prolongé a vraisemblablement gêné la vigne. ' Cela a enlevé des grappes : les petites inflorescences ont filé ', note Jean-Louis Brosseau, de la chambre d'agriculture du pays nantais. De la même façon, les inflorescences se sont transformées en vrilles dans les Pyrénées-Atlantiques. La récolte en aurait souffert. C'est pourquoi la première génération de vers de la grappe a déjà fait l'objet d'un traitement systématique. La fraîcheur n'est pas le seul paramètre qui pourrait nuire à une bonne floraison. ' Si les pluies s'arrêtent pendant une longue durée, cela pourrait rendre la floraison difficile ', redoute Pierre Blanchard, de la chambre d'agriculture de Pau. La fleur se trouvera alors en forte concurrence avec les organes végétatifs en pleine croissance.Que les sols aient fait leur plein d'eau cet hiver, c'est normal. Mais avec ce surplus, des vignerons ne sont pas étonnés de voir ' une sortie jolie, un peu trop peut-être '. D'ores et déjà, certains savent qu'il va falloir faire des vendanges en vert. Les rendements, dans la mesure où il ne se produit pas d'accident, risquent d'être ' copieux '. ' Les vignerons sont contents d'avoir échappé au gel, mais ils ne sont pas à l'abri de la grêle. Maintenant que les inflorescences sont bien séparées, on peut estimer que l'on va atteindre le plafond, observe Gilbert Sanchez, de la chambre d'agriculture d'Aubenas (Ardèche). Les responsables des caves coopératives vont encourager l'éclaircissement en vert, afin de ramener les rendements à des niveaux convenables. ' Cette opération a un coût, qui est d'autant plus difficile à accepter que les acomptes des coopératives ont été réduits à la suite de la mévente. Certains professionnels vont même jusqu'à souhaiter une coulure ' équilibrée ' afin de ramener naturellement les rendements à un niveau plus correct. Si la réserve hydrique des sols ne baisse pas, en raison d'un printemps pluvieux, on risque des excès de vigueur, une augmentation de la pression parasitaire et un retard de maturité. Il a tellement plu cet hiver, et la météo a été tellement surprenante, que certains vignerons craignent déjà une sécheresse cet été...