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L'arsénite de soude, c'est déjà fini

La vigne - n°124 - septembre 2001 - page 0

A la lecture d'une étude de la MSA soulignant la difficulté de protéger efficacement les applicateurs d'arsénite, le ministère pourrait radicaliser sa position et interdire, dès cet automne, l'usage de ce cancérogène avéré.

L'arsénite de soude pourrait être interdit beaucoup plus rapidement que prévu. Appartenant à la catégorie des produits qui n'ont aucune chance de passer avec succès les nouveaux examens européens, il aurait dû aller à la trappe en 2003. Comme il est le seul à combattre l'esca, il était vaguement question que le ministère de l'Agriculture demande à Bruxelles une dérogation pour usage mineur, afin de l'utiliser jusqu'en 2007. Mais personne ne l'a réellement défendu.
L'éventuelle demande de dérogation est aujourd'hui complètement oubliée. Mi-juin, la commission des toxiques ' a rendu un avis clair, explique-t-on à la Protection des végétaux, à Paris. Elle a dit que le produit doit être retiré du marché parce qu'il est cancérigène et qu'il n'y a pas de moyen de protéger efficacement les applicateurs. ' En juillet, le comité d'homologation a enfoncé le clou. Il a affirmé qu'il fallait retirer leur homologation à tous les produits à base d'arsénite. Depuis, il n'est plus du tout question de dérogation. Le ministère envisage d'interdire l'arsénite dès cet automne, même les stocks ne pourront plus être utilisés !
Pourquoi une telle accélération pour un produit appliqué depuis des générations et dont la toxicité est connue ? Les conclusions d'une étude, menée par la MSA et le milieu médical, ont précipité les choses. ' Le réseau toxico-vigilance s'est généralisé à partir de 1997, explique Jean-Pierre Grillet, à la MSA. Il montre que l'exposition à l'arsénite n'est pas nulle. Plusieurs déclarations portent sur sa causticité cutanée. Nous avons donc entrepris une étude d'exposition en mesurant l'excrétion d'arsénite dans les urines des applicateurs. ' Elle fut menée dans l'Hérault au cours du premier trimestre de l'année 2000, en fin de campagne d'utilisation de l'arsénite.
Quatre groupes ont été étudiés : le premier était constitué de personnes non exposées à l'arsénite ; le second réunissait des ouvriers d'entreprises de travaux agricoles, qui cumulent les expositions ; les salariés ou les exploitants traitant leurs propres vignobles composaient le troisième groupe ; les salariés intervenant sur la vigne sans appliquer d'arsénite, comme ceux qui attachent les baguettes, étaient dans le dernier groupe.

Les résultats des analyses d'urine ne laissent place à aucun doute : les personnes appliquant l'arsénite sont largement exposées, et les teneurs retrouvées dans leurs urines dépassent très souvent les seuils admissibles. Les lieurs de baguettes demeurent moins exposés. Néanmoins, l'une des huit personnes suivies montre des résultats au-dessus de la norme française, controversée et jugée trop élevée.
Ces analyses ont été couplées à un questionnaire répertoriant les faits et gestes des personnes. Or, leurs résultats ne sont pas corrélés avec le niveau de protection de l'applicateur. En clair, un vigneron qui se protège correctement pendant le traitement peut se retrouver avec un taux important d'excrétion d'arsénite dans ses urines ! ' Si les applicateurs correctement équipés s'étaient retrouvés avec un taux bas, une dérogation aurait été envisageable. Là, elle ne l'est plus ', conclut Jean-Pierre Grillet. Jusqu'à présent, de nombreux professionnels pensaient qu'une protection de l'applicateur et l'usage de panneaux récupérateurs pouvaient limiter les inconvénients d'une pulvérisation d'arsénite de soude. Cette étude leur donne tort.
Afin de mettre en lumière les facteurs de contamination, une seconde phase de l'étude s'est déroulée au cours du premier trimestre 2001, dans une dizaine de départements viticoles. Elle montre que même après une seule journée d'exposition, des traces non négligeables d'arsénite peuvent se retrouver dans les urines des applicateurs. Et là encore, il n'y a pas de corrélation avec le mode de protection. ' L'arsénite ne pénètre pas tellement par voie cutanée sur une peau saine, mais par voie digestive. Tout contact main-bouche peut poser un problème. Or, lors de ces études, on a observé que l'arsénite était projeté partout, sur l'applicateur et sur l'appareil de traitement, complètement souillé. Il faudrait le décontaminer tous les jours, se laver les mains après chaque manipulation, faire très attention en otant ses gants... Les protections sont efficaces, mais les conditions réelles d'utilisation en agriculture font que, dans le cas de l'arsénite, elles n'évitent pas les expositions ', insiste Jean-Pierre Grillet.

Dans ces conditions, il semble difficile de laisser une année de plus entre les mains des vignerons un cancérogène avéré. Le ministère souhaite donc interdire tout usage d'arsénite dès cet automne. Les firmes sont d'avis contraire. Les stocks d'arsénite sont estimés à 1 400 t, soit les deux tiers d'une consommation annuelle. Pour les éliminer, elles proposent de mettre en place ' un plan de destruction contrôlée en culture ', qui prévoit l'application par des entreprises agréées, avec des ouvriers spécialement formés aux dangers de l'arsénite. Cette solution devait être soumise à la commission des produits antiparasitaires le 7 septembre. A l'heure où nous mettions sous presse, nous ne connaissions pas l'issue de cette réunion. Si cette proposition est refusée, il faudra alors éliminer ces stocks avec les mêmes précautions que les produits industriels les plus dangereux.

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