Seize matières actives utilisées pour la protection des vignobles seront interdites prochainement. Leurs propriétaires n'ont pas déposé de dossier pour obtenir leur homologation par les autorités européennes.
Pour faire bonne figure, la Commission européenne a dû presser le pas. Au rythme où elle donnait ses coups de balai, il lui aurait fallu jusqu'en 2015 pour finir le ménage au sein des produits phytosanitaires utilisés dans l'Union. Or, en 1991, elle avait annoncé que la place serait propre dès 2003. Cette année-là paraissait la directive (n° 91/414) qui définit la procédure européenne d'homologation des matières actives. Ce texte impose de réexaminer toutes celles qui étaient déjà en vente à l'époque.
En décembre 1992, la Commission se mettait au travail en arrêtant une liste de 90 substances couramment employées et suspectées d'être dangereuses. Leur examen n'est toujours pas achevé. Or, ce ne sont pas 90 substances qu'il faut passer au crible des critères actuels de toxicité, mais 834.
Avant même d'en avoir fini avec sa première liste, l'an dernier, la Commission en a dressé deux autres. Elle accordait aux firmes phytosanitaires un délai de six ou de neuf mois pour se porter candidates à la défense des matières actives y figurant. En fait, elle leur demandait de faire elles-mêmes le tri. Elle était pressée par le temps : elle devait présenter ce mois de juillet, au Parlement de Strasbourg, l'avancement de ses travaux. Si la Commission n'avait pas bousculé les firmes, son rapport (1) aurait été squelettique. Là, elle a pu annoncer aux députés européens que 320 matières actives allaient être interdites à la vente et à l'utilisation au plus tard en juillet 2003.
Leurs fabricants n'ont pas voulu les défendre. Les unes sont trop toxiques. Elles n'ont aucune chance de passer avec succès les nouveaux examens. Aventis a estimé que l'arsénite de soude était de ce nombre. La firme n'a déposé aucun dossier. Depuis, la procédure de retrait de son produit s'accélère. Il risque de disparaître dès cet automne. Le parathion-éthyl bénéficiera d'un délai plus long. Bayer et Cheminova avaient commencé à le défendre. Mais les deux sociétés ont jeté l'éponge devant les exigences de la Commission quant à la sécurité des opérateurs amenés à manipuler l'insecticide. A la suite de leur défection, elle a décidé que le parathion-éthyl ne pourrait plus être utilisé en Europe après le 9 janvier 2003.
En France, le ministère de l'Agriculture propose aux industriels d'avancer cette date au 31 juillet 2002, afin qu'elle concorde avec la fin d'une campagne viticole. La question sera tranchée en septembre. D'ores et déjà, Bayer a cessé de vendre son insecticide Oléo Bladan, à base de cette matière active.
Les autres substances ont été abandonnées parce qu'elles font double emploi ou qu'elles rapportent trop peu d'argent. Philagro n'en fait pas mystère. ' Nous n'avons pas défendu la fenpropathrine (matière active du Danitol) pour des raisons financières et de marché, prévient Yves Besnard, le responsable de la communication de la filiale française du Japonais Sumitomo. Elle est très utilisée en France, mais absente des pays d'Europe du Nord. Il aurait fallu beaucoup de travail pour monter un dossier. Le retour sur investissement aurait été insuffisant. ' De plus, Philagro disposera d'un remplaçant dès la prochaine campagne : l'étoxazole. A la différence de la fenpropathrine, il n'a pas d'activité insecticide.
Le Danitol est l'un des premiers de sa catégorie en France. ' Il est appliqué sur 30 000 ha de vigne, affirme Yves Besnard. Cela représente 8 à 10 % du marché. ' Avec lui disparaîtront deux autres acaricides très connus : Néoron et Pléiade EC. Ils contiennent du bromopropylate que Syngenta a décidé de ne pas soutenir.
La firme a réservé le même sort à quatre autres matières actives utilisées en vigne. ' Ces décisions s'inscrivent dans le cadre d'une rationalisation de notre gamme au niveau international, explique Hélène Vergonjeanne, chef de marché pour les fongicides de la vigne. Certaines molécules n'ont pas d'ampleur internationale. '
Le quinalphos (Ekalux) et le norflurazon (Zorial) souffrent de ce défaut. Le premier est l'un des insecticides les plus vendus en France. En 2000, il fut appliqué sur 230 000 ha de vigne. Mais cela n'a pas suffi à le maintenir. ' En arboriculture, il n'est utilisé que sur pêcher et il n'a pas d'homologation sur des cultures maraîchères, remarque Hélène Vergonjeanne. De ce fait, au niveau mondial, les volumes ne sont pas là. ' Le quinalphos présente aussi le défaut d'être toxique vis-à-vis de l'homme. Enfin, son dossier d'homologation doit être refait car il s'agit d'une vieille molécule. Plutôt que d'en reconstituer un, Syngenta a préféré porter ses efforts sur ses régulateurs de croissance d'insectes, le fénoxycarbe et le lufénuron (Lufox, Sorba, Fuoro).
Au total, nous avons dénombré 16 matières actives condamnées à disparaître. La bouillie bourguignonne et les huiles anthracéniques sont aussi du lot. Mais comme elles n'étaient plus utilisées, elles ne manqueront à personne. Seul l'arsénite de soude fera défaut. Dans un avenir très proche, les vignerons se trouveront démunis contre l'esca. Ils n'auront pas d'autre solution que de renouveler plus rapidement leurs parcelles.
(1) Le rapport et son annexe sont accessibles aux adresses suivantes :
http://europa.eu.int/comm/food/fs/ph-ps/pro/ppp01-en.pdf
http://europa.eu.int/comm/food/fs/ph-ps/pro/ppp01-ann-en.pdf