Les bordures enherbées retiennent l'eau de pluie et la filtrent. L'herbe fixe la terre emportée, les engrais et les phytos. Elle embellit aussi le paysage.
Les parcelles en pente et désherbées sont fréquemment sujettes à des entraînements de terre qui finissent par dépouiller les terroirs. Parfois, des vignobles sont également accusés du bouchage des drains d'installations hydrauliques, de coulées de boues dans les villes et villages, ou encore de la pollution des nappes phréatiques. C'est ce qui a motivé la chambre d'agriculture du Vaucluse à étudier le comportement de parcelles aux tournières enherbées.
Ces bandes enherbées ont trois intérêts. L'herbe ralentit l'eau qui ruisselle. Cela favorise son infiltration dans le sol et la rétention des particules entraînées, comme la terre, les fertilisants ou les produits phytosanitaires lessivés. Ces produits sont ensuite dégradés, soit à la surface, soit dans le sol. L'herbe retient aussi les sarments lors des orages. Les cours d'eaux sont alors moins troubles et moins chargés en polluants. L'herbe dans les tournières favorise aussi la portance. ' Il n'est plus nécessaire de passer chaque année avec une barre niveleuse afin de supprimer les charnières ', observe un vigneron.
La bande enherbée est d'autant plus efficace qu'elle est large. Il faut compter un minimum de trois mètres pour observer une action sur la rétention des particules. Les engins demandent souvent des tournières supérieures à cette taille, alors ces bandes peuvent aller jusqu'à six mètres. L'espace entre la dernière souche du rang et l'herbe peut être minimal. La largeur du tapis végétal s'adapte en fonction de la longueur du rang qui la surplombe, de la pente et de la nature du sol (plus ou moins filtrant). L'herbe ne doit pas empêcher l'eau de la traverser, ce qui annule son intérêt. ' Eventuellement, si la bande est inclinée sur le côté, le ruissellement se fera en amont. L'herbe canalisera l'eau ', prévient Eric L'Helgoualch, de la chambre d'agriculture du Vaucluse.
L'efficacité de l'herbe est réduite si le couvert a souffert d'un stress hydrique, lors de très fortes averses et en cas de pluies successives. Au fil des années, la bande rétrécit à cause de la terre qu'elle a retenue et de la mortalité de l'herbe. Elle devient alors moins efficace et devra être rétablie. Des essais menés par la chambre d'agriculture du Vaucluse concernant le phosphore, les nitrates et les produits phytosanitaires (diuron, fosétyl-Al et thiodicarbe) sont concluants. L'efficacité de rétention par l'herbe dépend de la matière active et de la durée qui sépare l'application des averses. Les fortes intempéries expliquent la variabilité des résultats. ' Une première pluie sature le sol, la seconde averse peu de temps après ruisselle et sera moins facilement retenue par l'herbe ', explique Eric L'Helgoualch.
Le positionnement de l'herbe est stratégique. Tous les abords de la parcelle peuvent être enherbés. Les zones qui sont les plus concernées se situent en aval des vignes : la tournière du bas de la parcelle et ses bordures. Il est parfois judicieux de couper une parcelle avec une bande enherbée, afin de raccourcir les rangs orientés dans le sens de la pente. L'herbe est aussi efficace en bordure des fossés et des ruisseaux. Le raisonnement de l'emplacement des bandes mérite d'être effectué à l'échelle du bassin versant afin d'augmenter leur efficacité.
La mise en place de ces bandes enherbées est facile. Si la zone est déjà couverte d'une végétation spontanée, on se contente de ne plus la désherber et d'attendre qu'un tapis se mette en place naturellement. Les espèces évolueront au cours des années. La flore naturelle présente l'avantage d'être diversifiée, bien adaptée au milieu, et peu coûteuse pour son installation. Autrement, il faut envisager un semis. Cette seconde solution a l'avantage de s'implanter rapidement à une densité élevée, mais son coût est supérieur. Les espèces, susceptibles d'être semées à cet effet, doivent répondre à plusieurs caractéristiques comme une installation rapide, une densité élevée et régulière, une vigueur estivale adaptée et une bonne pérennité malgré le passage des engins. Le ray-grass et la fétuque élevée répondent bien à ces critères.
L'entretien de cette herbe est assez minime. Elle peut recevoir une fumure quand le besoin se présente. Une à trois tontes annuelles sont nécessaires pour maintenir les espèces indésirables, pour éviter la montée en graine du tapis végétal, mais aussi pour conserver un aspect esthétique acceptable. Les vignerons adoptant cet enherbement ont parfois dû investir dans un gyrobroyeur. Il est parfois nécessaire de remonter la terre accumulée dans l'herbe vers la parcelle et de ressemer pour rétablir la largeur de la bande à sa dimension d'origine.
Au moment des désherbages chimiques, il faut veiller à bien arrêter la pulvérisation dès la sortie du rang pour ne pas toucher l'herbe. Les antigouttes rendent un bon service. ' Il ne faut pas aller trop loin à la sortie du rang. Dans les angles, les manoeuvres sont moins faciles ', note Jean-Michel Morille, vigneron à La Chapelle-Basse-Mer (Loire-Atlantique). Les produits phytosanitaires méritent la même attention afin de conserver l'équilibre écologique dans l'herbe. Effectivement, un couvert herbacé de ce genre peut abriter de nombreuses espèces animales : vers de terre, insectes auxiliaires, lapins... Un semis monospécifique favorise moins cette biodiversité.
Le coût de ces bandes enherbées est fonction de la surface qu'elles recouvrent, du besoin d'un semis et du nombre de tontes annuelles. Il est estimé à 255 F/an par hectare de vigne dans le Vaucluse. Des contrats territoriaux d'exploitation aident à financer ces bandes, sous certaines conditions comme leur largeur. Le Vaucluse propose 700 F/ha d'herbe (c'est-à-dire environ 10 ha de vigne) pendant cinq ans. En Loire-Atlantique, le contrat territorial d'exploitation devrait proposer 200 F/ha de vigne engagée.