Les professionnels regrettent que la recherche n'ait pas anticipé l'interdiction de l'arsénite de sodium, et la recherche déplore un manque de moyens.
Après l'annonce de l'interdiction imminente de l'arsénite de sodium, les professionnels sont restés assez discrets. Pratiquement personne n'était monté au créneau pour le défendre. Mais est-il vraiment défendable ? Les seules interventions des firmes phytosanitaires et de la filière, l'ITV notamment, ont été de proposer plusieurs mesures pour écouler les stocks, ou pour proroger l'interdiction de l'arsénite jusqu'en 2003, mais en s'entourant de toutes les précautions nécessaires et en limitant les risques au maximum.
Néanmoins, de nombreux professionnels ont le sentiment que rien n'a été fait pour tenter de trouver une solution de remplacement à l'arsénite de sodium. ' La recherche ne s'intéresse pas à ce genre de problème. Pourtant, avec les maladies du bois, on est dans une impasse technique ! Les chercheurs préfèrent aujourd'hui travailler sur les OGM ', regrette Pierre Germain, vigneron du Beaujolais. Philippe Kuntzmann, à l'ITV de Colmar, a le même sentiment. ' Depuis deux ou trois ans, on voit de plus en plus d'esca, ou de Black dead arm, dans le vignoble alsacien. Il y a dix ans que des essais sur ces maladies auraient dû être mis en place. C'est impossible que l'on ne parvienne pas à avancer sur ce sujet ! '
Bernadette Dubos et Philippe Larignon sont les seuls chercheurs en France à travailler sur ces maladies du bois, à l'Inra de Bordeaux. Grâce à leurs travaux, la connaissance des différents champignons intervenant dans l'esca et le Black dead arm a déjà progressé, mais des moyens plus importants leur permettraient d'avancer plus rapidement encore et de mieux comprendre la biologie de ces champignons. ' Comment trouver une méthode de lutte si on ne connaît pas leur cycle biologique ? demande Bernadette Dubos. L'Inra a dévié de sa mission de recherche appliquée. Or, si l'Inra ne fait pas ces recherches, qui les fera ? ' Quant aux firmes phytosanitaires, elles ne semblaient pas, jusqu'à maintenant, s'intéresser au sujet.
' Nous avons été sollicités par le ministère pour dynamiser les travaux sur l'esca. Une réunion sur ce sujet devrait se tenir avant le 15 novembre ', précise Michel Leguay, à l'Onivins. La mise en place de ce groupe de travail n'est-elle pas un peu tardive ? ' Nous pensions bénéficier de plus de temps, et nous avions jusque-là un moyen très efficace pour lutter contre l'esca. De plus, il n'y a pas eu de mobilisation de la filière ', rétorque-t-il.
Les réactions sont surtout vives face au comportement des distributeurs, négociants comme coopératives d'approvisionnement : pressentant l'interdiction de vendre l'arsénite, ils se sont vite débarrassés de leurs stocks. Yves Schenfeigel, au bureau des produits antiparasitaires et des matières fertilisantes à la Protection des végétaux, n'hésite pas à qualifier leur attitude de ' déplorable et irresponsable '. Mais il précise que, quelle que soit la décision du ministre sur le devenir des stocks, ' la solution choisie ne coûtera pas un centime aux vignerons '. Pour les prévenir, des messages d'alerte avaient été lancés cet été, comme en témoigne un bulletin spécial viticulture raisonnée rédigé par l'ITV de Nîmes, qui recommandait aux vignerons, début août, de ne pas s'approvisionner en arsénite de sodium, prévoyant une très probable interdiction du produit.