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La remise en état de vignes est un paiement du bail

La vigne - n°127 - décembre 2001 - page 0

Si un fermier ' paie ' son loyer en remettant en état la parcelle de vignes du bailleur, il se trouve dans le cadre du statut du fermage.

Pour savoir si la mise à disposition d'un agriculteur de vignes ou de terres est soumise au statut du fermage, donc à la durée de neuf ans et au renouvellement obligatoire, il faut rechercher si cette mise à disposition est à titre onéreux. Le texte de l'article L 411-1 CR précise ' à titre onéreux ', et non contre paiement. N'y a-t-il pas alors des obligations imposées au locataire qui équivalent à un paiement de loyer ?
C'est en ce sens que la Cour de cassation a d'abord jugé que le simple fait de mettre à la charge de l'exploitant l'intégralité de la taxe foncière, qui par application de l'article L 415-3 CR est forcément à la charge du propriétaire, donne à la mise à disposition son caractère onéreux. Autre exemple : dans le cas où le propriétaire confie certaines de ses parcelles à l'agriculteur qui s'engage à exécuter les travaux sur les terres dont le propriétaire s'est réservé la jouissance. C'est dans le droit fil de pareils contentieux que la Cour suprême a été amenée à casser une décision d'une cour d'appel, développant encore davantage les principes analysés ci-dessus.
Depuis des générations, la famille X. est propriétaire de 4 ha de terres sur lesquels, dans les années 20, Joseph X. a planté des hybrides. Son fils Albert a pris la suite, dans l'exploitation, de ces parcelles disparates. Inutile de dire que dans le dernier quart du siècle, les ennuis se sont succédés : cépages prohibés, autres tolérés, en sorte que les apports à la coopérative s'amenuisaient et que reçus en vin de table, ils ne payaient pas culture et vendange. Il aurait fallu arracher et replanter. Albert n'en avait ni l'âge, ni les moyens. Après sa mort, ses deux filles ont laissé les vignes à l'abandon si bien que les voisins se sont plaints.

Comme les terres pouvaient être irriguées, un maraîcher s'y est intéressé. Les propriétaires ne voulaient pas les louer, gardant espoir de les vendre un jour libres de toute occupation. De son côté, le candidat à l'exploitation affirmait qu'il n'en aurait l'utilisation que pour trois ans. Il ne restait qu'à mettre le contrat en forme. Connaissant les exigences de la loi ou croyant les connaître, les bailleresses tenaient à ce que la mise à disposition soit à titre gratuit. Après avoir qualifié le contrat de bail à ferme, un alinéa a ainsi été rédigé : ' Le présent bail est accepté et consenti gratuitement '. Comme il fallait absolument arracher ces vignes, ni taillées, ni soignées depuis trois ans, la convention stipulait que le locataire ferait son affaire de l'arrachage et du maintien en bon état de culture. Il était ajouté que l'exécution de ces travaux était ' considérée par les bailleresses comme juste paiement '. Le contrat étant limité à trois années, tout bascule à son échéance : les propriétaires ayant trouvé un acquéreur, ils somment l'exploitant de quitter les terres. Sur son refus, les tribunaux sont saisis.
Dans son arrêt, la cour d'appel a retenu un alinéa du bail : ' Le présent bail est accepté et consenti gratuitement ', mais a considéré que le prétendu fermier ' ne produisait aucun document de nature à prouver sans aucune équivoque qu'il avait réglé un fermage correspondant bien au prix du bail '. Elle a donc décidé qu'il devait quitter les lieux à l'expiration des trois ans, aucun bail rural ne pouvant être tiré du comportement et des écrits des parties.
On comprendra que l'exploitant se soit pourvu devant la Cour de cassation en l'état de la jurisprudence rappelée ci-dessus et l'intérêt que représentait pour lui la mainmise sur les 4 ha dont il avait fait des champs de légumes. La censure était prévisible. Elle interviendra au motif ' qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles le fermier faisait valoir que le contrat précisant que l'arrachage des vignes et le maintien des terres étaient considérés par les bailleurs comme juste paiement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Elle n'avait pas non plus répondu au fait que l'arrachage était considéré comme un paiement... '
Sur le plan pratique, cela confirme que le caractère onéreux de la mise à disposition exigé par l'article L 411-1 CR peut résulter de l'obligation pour l'exploitant d'exécuter des travaux dans l'intérêt du bailleur et qu'il ne s'agit pas forcément d'un paiement portant sur une somme correspondant à un fermage.

Référence : Cour de cassation du 10 mai 2001, affaire Raynaud.

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