Des ventes en grande distribution à la baisse, des volumes agréés stables, voire en diminution pour les vins de pays... Les primeurs souffrent d'une période de commercialisation de plus en plus courte.
Le beaujolais nouveau fête ses cinquante ans. A l'origine du ' phéno- mène ', une note de l'administration du 13 novembre 1951 sur les conditions dans lesquelles ' certains vins à appellation d'origine contrôlée peuvent être commercialisés dès maintenant '. Les quantités vendues à l'époque sont évaluées à 15 000 hl. En 2000, ce sont 450 000 hl qui ont été mis sur le marché. L'Union viticole s'attend à un volume légèrement supérieur pour l'actuelle campagne.
C'est incontestable, le beaujolais nouveau est une réussite. C'est un formidable ambassadeur du nom ' Beau- jolais ' dans 150 pays. Mais ce développement ne doit pas masquer la réalité : ce quinquagénaire est aussi victime de son succès.
En premier lieu, il est souvent critiqué. A lire certains articles de presse, on se demande s'il n'y a pas une mode antibeaujolais nouveau... ' Pour certains, il est de bon ton de dénigrer un vin accusé d'être 'un simple coup marketing' ', constate un caviste parisien. Propos confirmés par des acheteurs de la grande distribution (GD) parmi lesquels certains se posent la question de la pérennité de l'opération.
En second lieu, la durée de vente a diminué d'année en année. Il y a peu, l'usage voulait que le vin nouveau soit bu jusqu'au printemps. ' D'un bon mois, le gros de la consommation s'est ensuite réduit à une semaine, voire maintenant à quelques jours ', estime un restaurateur parisien. Dans les linéaires, les vins nouveaux disparaissent à la mi-décembre. D'après une enquête réalisée par la société Iri-Secodip, publiée par l'Onivins, les ventes en GD (hors hard discount) ont chuté en 2000. Selon les estimations, 112 000 hl de primeurs ont été commercialisés (- 23 %), dont 98 000 hl de vins d'appellation et 14 000 hl de vins de pays (VDP). Par rapport aux données de 1999, en volume, les AOC baissent de 22 % et les VDP de 26 %. En terme de chiffre d'affaires, les ventes sont évaluées à 281 millions de francs (43 millions d'euros), dont 258,5 MF pour les appellations d'origine contrôlée (- 21 % par rapport à 1999) et 22,3 MF pour les VDP.
Face à un marché de plus en plus saturé, la profession ose la critique. Dans le Beaujolais, une commission de travail s'est créée à l'automne pour faire le point sur l'image des vins après les ventes en primeur. ' En fait, ce n'est pas vraiment le beaujolais nouveau qui pose un problème, c'est le positionnement des autres vins non nouveaux ', explique-t-on. Rançon de la gloire, le succès remporté par les vins vendus en primeur fait de l'ombre au reste de la gamme. Cet effet pervers rend les autres régions productrices de vins nouveaux prudentes. Aucune d'entre elles ne souhaite développer ces produits.
Les côtes du Rhône, en deuxième position sur le marché, voient leurs volumes vendus en primeur plafonner à 50 000 hl, contre 70 000 hl sur la période 1997-1998. En Touraine, on estime qu'' environ 1 million de bouteilles sera commercialisé cette année '. Un volume comparable à 2000. Dans le Muscadet, seuls 7 000 hl ont été agréés à la mi-novembre, contre 10 000 hl en 2000. Seul Gaillac (8 300 hl agréés en primeur l'an passé) compte sur une légère progression grâce à la réforme de l'agrément qui pourrait permettre aux primeurs invendus d'être ' réintroduits ' dans les assemblages.
A défaut d'encourager la production, toutes ces AOC voient dans le phénomène primeur, l'opportunité d'une action de communication qui lance la campagne. Certaines régions consacrent un budget conséquent à l'événement. La Touraine a dégagé 1 MF pour fêter son vin nouveau localement. Les retombées sont parfois à la hauteur des espérances... En côtes du Rhône, l'association des producteurs de primeurs sur la rive droite annonce un chiffre d'affaires de 20 MF réalisé en un seul week-end.
La problématique posée par les VDP primeurs est toute autre. D'après les statistiques de l'Onivins, les volumes agréés pour 2001 s'élèvent à 215 000 hl, contre 284 000 hl en 2000. L'enquête d'Iri-Secodip montre que contrairement aux AOC, les ventes de VDP nouveaux sont enregistrées toute l'année. Elles reposent pour moitié sur les VDP d'Oc et pour un quart sur les VDP du jardin de la France. Si l'on étudie la période de sortie des vins, on constate que le volume commercialisé diminue depuis trois ans. De 15 300 hl en 1998, ils sont passés à 13 800 hl en 1999, puis à 9 000 hl en 2000.
Dans un premier temps, la profession s'est mobilisée pour obtenir un report d'une semaine de la sortie des VDP primeurs. Elle a fait valoir la difficulté, pour les vins du jardin de la France, de présenter des produits finis si peu de temps après les vendanges. L'an passé, les professionnels avaient obtenu une sortie le quatrième jeudi d'octobre. La forte baisse des ventes en GD a poussé la profession à faire marche arrière et à préférer le troisième jeudi. Pour ne pas trop pénaliser les produits des vignobles plus septentrionaux, la fermentation malolactique est devenue facultative pour les rouges et les blancs. Ce changement de politique ne fait pas l'unanimité chez les producteurs. Certains estiment que de toute façon, la GD ne veut pas jouer la carte des VDP primeurs. Des responsables de rayons reconnaissent qu'ils n'y sont pas favorables car ' trop difficiles à positionner entre les grandes foires aux vins de la rentrée et la sortie des vins nouveaux d'AOC '.