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Beaujolais, une année passable ment agitée

La vigne - n°128 - janvier 2002 - page 0

'Il y a un malaise dans les têtes. ' Ce président de syndicat ne ca- che pas la tension existant en Beaujolais, cristallisée autour du marché du vrac. ' Environ 20 % des volumes ont eu du mal à s'écouler à des prix rémunérateurs en 2000-2001. L'actuelle campagne sera aussi délicate. Certes, les marchés de consommation sont difficiles, mais les 'fantaisies qualitatives' que le marché supportait hier ne sont plus possibles aujourd'hui. '
Depuis deux campagnes, les stocks étaient nettement à la hausse pour les trois familles (beaujolais, beaujolais villages et crus). Dans un vignoble très sensible à la conjoncture puisque la plupart des vins sont vendus dans l'année, la campagne 2000-2001 ne se présentait pas sous les meilleurs auspices. ' Elle a tenu jusqu'en mai-juin, puis ce fut l'écroulement. Des petits lots ont fait basculer le marché ', commente-t-on. Sous-entendu des ' petits vignerons ' pas très au point qualitativement, ou d'autres plus performants mais s'étant ' débarrassés ' de lots médiocres.
En Beaujolais, comme ailleurs en France, certains metteurs en marché gagnent mieux leur vie avec le commerce de vins médiocres. De plus, les écarts se creusent entre les vignerons performants et les autres. Le début de la campagne 2001-2002 ne laisse pas percevoir d'éclaircie, excepté pour le beaujolais nouveau qui réalise près de 40 % des ventes totales du vignoble. ' Les sorties avoisinent les 500 000 hl, estime un responsable, sachant qu'il n'existe pas de chiffres officiels. Pour les cinquante ans du 'phénomène', ce fut une belle campagne, y compris sur l'international malgré les événements du 11 septembre . ' Ce ne fut pas sans mal : début octobre, face à de fortes pressions baissières du négoce alors que la campagne du primeur n'en était qu'à sa moitié, des vignerons ont occupé les locaux de l'interprofession pendant dix jours. Leur but : vérifier les cours des contrats enregistrés. Ce ' filtrage ' a, semble-t-il, porté ses fruits. Mais depuis la campagne des primeurs, c'est le calme plat et toujours l'inquiétude.

En revanche, pour les vignerons vendant en bouteilles, cette nouvelle ' crise beaujolaise ', après les épisodes 1991-1993 et 1995-1997, se fait moins ressentir, certains manquant même de vin. Malgré les efforts récents, la vente directe ne représente encore que 15 %. ' En 2001, de nombreux négociants ont connu des difficultés. Même des courtiers parlent de se regrouper ou de raccrocher. Pour la première fois, des personnes cessent d'exploiter et changent de métier. Certaines propriétés à vendre ne trouvent plus preneur alors que, dans le passé, on s'arrachait ici le moindre mètre carré ', témoigne un courtier.
Pour enrayer cette spirale, un plan d'organisation du marché et d'amélioration qualitative a été avalisé en octobre. Pour la régulation du marché, il comprend deux mesures. La première concerne l'instau- ration d'une réserve qualitative pour tous... sauf pour les crus qui ont refusé, ce qui a poussé leur président à la démission. 5 hl/ha de la récolte 2001 sont bloqués en attendant des jours meilleurs. Quelque 80 000 hl sont concernés sur une production de 1,4 Mhl, soit près de 6 %. Seconde nouveauté : un volume substituable individuel (VSI) voit le jour, système inauguré par les Bordelais il y a une dizaine d'années. Une quantité de 5 hl/ha maximum, comprise entre le rendement d'appellation et le rendement butoir, pourra être substituée chaque année par un volume agréé équivalent d'une récolte antérieure restée en cave. La quantité substituée ira alors en distillerie. Ce système n'étant avalisé que depuis septembre par l'Inao, seulement 10 000 hl sont concernés pour 2001-2002, campagne de rodage.
Sur le plan de l'amélioration qualitative, le suivi en aval de la qualité (SAQ) a été renforcé. D'abord, les volumes prélevés en 2001 sont à la hausse, en France comme à l'étranger. Ensuite, et pour la première fois, des prélèvements sur des vins en vrac chez des opérateurs ont eu lieu. Enfin, la réglementation concernant les agréments est aussi renforcée. Si la composition des jurys est ' toilettée ' et les consignes de plus grande sévérité officielles, la mesure la plus innovante est la mise en place d'une aide financière pour les recalés de l'agrément. Des cotisations volontaires obligatoires exceptionnelles de 0,91 euros/hl (6 F) pour la campagne 2001-2002 et de 1,52 euros/hl (10 F) pour la suivante ont été décidées, soit 1,28 Meuros (8,4 MF) et 2,13 Meuros (14 MF).

' Une aide de 76,22 euros/hl (500 F/hl) sera reversée afin que le vigneron recalé puisse investir. Ce soutien qualitatif ne sera valable qu'une seule fois. Ce n'est pas un chèque en blanc ', explique Maurice Large, vigneron et président de l'interprofession. ' Ce fut une mesure difficile à entériner mais elle est bonne pour tous. Arrêtons de tourner autour du pot : on aide ceux qui ont des problèmes et souhaitent s'en sortir. Pour les autres, ils devront choisir un autre métier ! ' complète Marc Lebrun, président de l'Union viticole. Les vignerons pourront consulter le Guide des pratiques beaujolaises, un document très complet publié en mai.
C'est dans cette actualité tendue que ' l'affaire ' de la machine à vendanger est encore venue ' empoisonner ' l'atmosphère beaujolaise en 2001. Après plusieurs années d'essais, un imbroglio réglementaire et moult tergiversations, l'Inao avait finalement dit non. Mais un comité de défense des nouvelles pratiques vitivinicoles en Beaujolais, créé au mois de décembre 2000 et revendiquant 350 membres, a été très actif en 2001. Devant la pression, l'Inao a dit oui en septembre... mais uniquement si le raisin récolté était revendiqué en AOC Bourgogne grand ordinaire !
Quelques vignerons s'y sont lancés mais, après vérification de l'Inao qui a constaté que tout n'était pas en règle dans la déclaration de récolte, le ton est monté. Et le 20 décembre 2001, 150 à 200 producteurs ont ' déménagé ' dans la rue les affaires des agents de l'Institut à Villefranche-sur-Saône (Rhône), avec menaces verbales. ' Il faut reprendre ce dossier et aboutir rapidement à un compromis ', annonce un responsable.
Ce bilan comporte tout de même deux bonnes nouvelles. D'abord, une nouvelle campagne de publicité lancée cet automne. Après quatre ans (1997-2000) sur le thème ' Beaux jours, beaujolais', c'est l'accroche ' Retrouvez le beaujolais ' qui voit le jour dans la presse et sur les affiches. 1 Meuros (6,5 MF) sera investi pendant l'actuelle campagne. Il s'agit surtout de toucher les jeunes sur le thème ' Le beaujolais existe en dehors du primeur '. Un lourd chantier. Deuxième nouvelle : l'association Terra Vitis, apparue en Beaujolais en 1998 et pionnière en viticulture raisonnée, a donné le jour au mois de septembre à une association maintenant nationale : 300 vignerons sur cinq vignobles sont concernés pour une production totale de 200 000 hl.

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