Les pectinases et les ß glucanases, ajoutées précocement au moût, rendent la filtration plus efficace et moins traumatisante pour le vin. Ainsi, la filtration est moins onéreuse, malgré le coût des enzymes.
Tous les vinificateurs ne sont pas concernés directement par la mise en bouteilles de leurs vins. C'est parfois un prestataire de service qui s'en charge. Mais si une intervention pré-fermentaire facilite la filtration, le vinificateur-metteur en bouteilles devrait s'y intéresser. Cette opération est l'enzymage. Deux types d'enzymes sont utilisés en oenologie pour faciliter la filtration : les pectinases, autorisées sur le moût, et les ß glucanases qui le sont sur le moût et sur le vin.
Ces deux enzymes sont naturellement présentes dans les raisins. L'ajout d'enzymes purifiées renforce leurs actions, qui sont nombreuses et valorisantes. Les doses à ajouter sont de 1 à 5 g/hl. Les préparations enzymatiques ont des coûts élevés, atteignant facilement les 150 euros/kg (1 000 F). Leur utilisation se fait donc avec parcimonie, pour deux raisons : la libération de molécules contribuant aux qualités organoleptiques du vin et l'optimisation de la filtration.
Les ß glucanases sont reconnues pour leur effet bénéfique sur des vins issus de vendanges pourries. Le botrytis contribue à la polymérisation de longues chaînes de glucanes qui colmatent les filtres très rapidement. La ß glucanase libère aussi les polysaccharides des parois des levures qui participent au trouble colloïdal des vins. Les pectinases, elles, facilitent la clarification des moûts en libérant les pectines des pellicules de raisin. Elles baissent alors la turbidité du vin, ce qui rend la filtration plus facile.
Aujourd'hui, les molécules responsables du colmatage des filtres n'ont pas toutes été identifiées. La clarification des vins est un phénomène long qui se produit spontanément lors de l'élevage. L'ajout d'enzymes sert à accélérer ces réactions naturelles, dans la mesure où les conditions physico-chimiques leur sont favorables. Les moûts en fin de fermentation, dont les températures sont proches de 20°C, sont favorables aux réactions catalysées par ces enzymes. ' Mais les responsables de caves ne sont pas tous prêts à utiliser des enzymes en traitement préventif , observe Dominique Trionnet, chez Laffort OEnologie. Ils attendent souvent trop tard pour se préoccuper de la filtrabilité de leurs vins. ' D'ailleurs, François Rolin chez Begerow constate que ' la filtration des vins est une pratique qui n'a pas évolué aussi rapidement que le process de vinification '. Les enzymes sont donc une raison supplémentaire pour envisager différemment la filtration des vins, et surtout de diminuer leur nombre.
L'utilisation d'enzymes de façon préventive a été testée. Les différentes formules commerciales d'enzymes (1) ont toutes prouvé leur intérêt pour la filtration. Viniflow, un mélange de pectinase et de ß glucanase de chez Lamothe Abiet Pinosa, a été testée sur un vin de colombard. Il subit une filtration tangentielle six semaines après l'ajout de 1 g/hl de préparation enzymatique. En comparaison avec le vin témoin, on observe que le débit maximal est double sur le vin initialement enzymé (25 hl/h au lieu de 14). De plus, la pression enregistrée dans le circuit reste considérablement plus faible tout au long de l'opération, si le moût avait été enzymé. Le circuit de filtration du vin témoin a, quant à lui, atteint une pression maximale au bout de seulement deux heures. L'ensemble des firmes proposant ces enzymes de filtration ont mis en évidence leur bienfait sur la filtrabilité, que ce soit sur terre, ou encore sur plaques.
La filtration est aussi optimisée au niveau économique grâce à ces enzymes. Si le nombre de filtrations est moindre, ainsi que leur durée, cela fera moins de main-d'oeuvre, moins de vin absorbé et moins de média filtrant utilisé. La consommation d'énergie pour ces opérations et celle d'eau de rinçage seront aussi diminuées. D'après le tableau, l'addition de l'enzyme Laffort OEnologie réduit le coût apparent de la filtration de plus de 10 euros/hl. Et ce chiffre ne correspond qu'au gain net, sans compter la main-d'oeuvre et l'énergie !
L'utilisation de préparations enzymatiques est également un gain de temps dans l'élaboration de vins. Il suffit de les laisser agir plusieurs semaines après la fin de la fermentation pour que leur effet soit perçu. Leur action ne va pas à l'encontre du respect du vin, car moins de molécules contribuant au caractère organoleptique seront retenues lors de la filtration. L'opération est plus facile, plus rapide et, au final, moins traumatisante pour le vin. Mais les préparations enzymatiques ont surtout une incidence organoleptique en libérant des arômes et en contribuant à la structure du vin. Il ne faut pas oublier que les molécules libérées par les enzymes ne sont que celles contenues dans le raisin. Malheureusement, un raisin pauvre en précurseurs d'arômes ne présentera pas une structure ni une puissance aromatique supérieures, même après enzymage.
(1) Les principales préparations enzymatiques à base de pectinases et de ß glucanases sur le commerce sont : Depectil Elevage proposée par Martin Vialatte (Marne), Enzym'Acte II par OEno France (Gironde), Extralyse par Laffort OEnologie (Gironde), Rapidase Filtrase par Littoral OEnologie (Hérault), Siha Panzym Fino par Begerow (Nord) et Viniflow par Lamothe Abiet Pinosa (Gironde).