Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2004

Ces enzymes qui réduisent les coûts de filtration

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Les préparations enzymatiques à base de pectinases et de bêta-glucanases peuvent être employées dès la fin de fermentation ou juste avant filtration. Elles facilitent cette dernière opération et permettent des économies de temps, d'énergie et de consommables.

Les enzymes de filtration, mélanges de pectinases et de bêta-glucanases, sont les mêmes que les enzymes d'élevage chez la plupart des distributeurs (voir La Vigne n° 151). En coupant les glucanes, elles favorisent la clarification et la filtration.
Les gains sont multiples et, en premier lieu, économiques. Les débits des filtres sont augmentés ainsi que la durée des cycles. La filtration d'une cuve enzymée nécessite donc moins de temps, de terre, d'électricité, et d'eau pour le lavage du filtre. Elle génère moins de déchets et d'effluents à retraiter. Surtout, sur filtre à terre ou à plaques, les pertes de vin sont bien moindres.

Dès 1996, Gabriel Rochette a mené des essais avec Vinoflow, enzyme distribuée par la société Lamothe-Abiet. ' Nous tenons à ce que les filtrations soient finies avant Noël , déclare le responsable de production des Vignerons Foreziens, à Trelins (Loire). Or, après les vendanges, une grande partie du travail se fait en heures supplémentaires. Trouver un moyen de filtrer plus vite est une véritable source d'économies. ' Par ailleurs, il a observé que les lies sont plus tassées sur les vins enzymés. Donc, les pertes de vin sont aussi réduites lors des soutirages.
Suite à ses essais, Gabriel Rochette a systématisé l'emploi des enzymes de filtration. Elles sont incorporées à raison de 2 à 3 g/hl dans les cuvées classiques de macération carbonique, 5 g/hl pour celles issues d'une macération préfermentaire à chaud, car elles sont toujours plus chargées. L'ajout se fait juste après pressurage, au cours de la chaptalisation. ' Habituellement, nous vendangeons fin octobre. Désormais, début décembre, nos vins sont préfiltrés. Nous recevons donc les acheteurs avec des vins propres. La filtration serrée, réalisée plus tard, n'est plus qu'une formalité . ' ' Dans tous les cas, pouvoir mettre les vins en marché très tôt est un avantage concurrentiel dans un contexte difficile ', renchérit Véronique David, oenologue conseil au laboratoire Mouriesse, dans le Gard.
Pour les négociants, le facteur temps prend encore plus d'importance. Les bêta-glucanases sont alors de précieuses alliées. ' Il y a trois ou quatre ans, nous n'arrivions pas à faire tomber l'indice de colmatage des vins rouges que nous achetions , se remémore Peter Pitsch, oenologue chez Listel, à Sète (Hérault). Il aurait fallu les coller, respecter un temps de pose, puis filtrer et traiter les lies. Nous n'avions pas le temps pour cela. ' En enzymant avec Rapidase filtration de DSM oenology, il a pu résoudre le problème. Aujourd'hui, il traite ainsi tous les rouges que le négoce achète, ainsi que les pétillants de raisin, riches en sucre.
Autre bénéfice de ces enzymes : le vin est bien moins abîmé si le nombre de filtrations est réduit. ' C'était au départ l'un des rôles du collage que de faciliter la clarification, ajoute Daniel Millet, oenologue à Puisseguin (Gironde). Aujourd'hui, régulièrement, l'amélioration gustative prend le pas sur la filtrabilité. Les enzymes permettent de pallier cet effet et évitent de forcer la dose de colle les années difficiles. ' Sur les vins moelleux ou demi-secs de chenin, Guillaume Guerrand préconise l'emploi de Depectil Elevage, commercialisé par Martin Vialatte oenologie. ' Les bonnes années, cela permet de filtrer le vin en le respectant, explique cet oenologue du laboratoire Berger, basé en Touraine. Les plus mauvaises années, cela permet d'apporter un peu de gras au vin, tout en réduisant les coûts de filtration . '

Pour améliorer la filtrabilité, ces enzymes peuvent être utilisées tardivement. En général, trois jours de contact suffisent, même à 5°C, affirme la société Lamothe-Abiet, si le vin ne contient pas de glucane. En revanche, il convient d'augmenter le temps de contact et la dose, pour les vins issus de vendanges altérées ou riches en sucre.
Pour les vins de presse, la société Novozymes, productrice de ces préparations enzymatiques, annonce une efficacité sur la turbidité dès trois semaines de contact. Elles apportent un gain de temps précieux. Jean-Noël Pagès, viticulteur à Ruch, dans l'Entre-deux-Mers, en a fait l'expérience cette année. ' En mars, je voulais filtrer mon vin de presse de 2002 sur terre dégrossissante, comme je le fais toujours avant l'agrément, se souvient-il. Mais le filtre colmatait après cinq minutes de fonctionnement. Sur les conseils de mon oenologue, j'ai enzymé les 250 hl avec de l'Extralyse, de la société Laffort. J'ai attendu un mois, pour que le vin se réchauffe un peu. Il s'est ensuite mis au propre normalement, en deux filtrations . '
Pour bénéficier également des effets qualitatifs de ces enzymes, on peut les ajouter plus tôt, dès la fin de fermentation alcoolique. Le vin est arrondi par leur action sur les parois des levures. De plus, les enzymes bénéficient d'une température encore élevée à ce stade. C'est l'option qu'a prise François Prédonzan, technicien à la cave des coteaux du Mézinais (Lot-et-Garonne). Il utilise la préparation Vinoflow de Lamothe-Abiet depuis 2001. En 2003, la rondeur était au rendez-vous. Seul le gros manseng, cépage plus difficile, a été enzymé, et ce, juste avant filtration.

Pour Damien Boudeau, responsable de production au négoce Barré frères, dans le Muscadet, l'Enzym'Acte II d'OEnofrance a permis de nets gains de filtrabilité. ' Nous cherchons surtout de la rondeur, donc nous enzymons toute la cave en fin de fermentation , explique-t-il. Nous nous sommes vite rendu compte que l'on passait des volumes beaucoup plus importants qu'avant sur un filtre, même quand nos voisins signalent des problèmes de filtrabilité. '
Ces enzymes de filtration s'adressent à tous les types de vin, y compris ceux d'entrée de gamme. ' Ce sont des vins sur lesquels les coûts de traitement sont relativement serrés, résume Hervé Romat, oenologue conseil dans le Bordelais. Or, ce sont aussi des vins dont le cycle d'élevage est court, ce qui les rend plus difficiles à filtrer. Les doses d'enzymes nécessaires font parfois peur compte tenu de leur prix, mais il faut raisonner en terme de rentabilité. ' En général, le calcul est en faveur des préparations enzymatiques.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :