Les préparations enzymatiques à base de bêta- glucanases accélèrent la lyse des levures, qui se produit naturellement lors de l'élevage. Elles permettent d'obtenir rapidement des vins ronds, et d'améliorer leur stabilité protéique et tartrique.
L'usage d'enzymes sur la vendange ou le moût pour faciliter le pressurage et le débourbage est devenu courant. Après la fermentation alcoolique, cette pratique est plus rare. Pourtant, des préparations enzymatiques (1) permettent de raccourcir les temps d'élevage. Ce sont des mélanges de pectinases et de bêta-glucanases. A ce titre, elles agissent sur les polysaccharides résiduels du raisin (pectines), sur les polysaccharides du botrytis et les composés pariétaux de la levure (glucanes). Elles accélèrent la ' décomposition ' de la levure (autolyse) après la fermentation, qui se produit naturellement au cours de l'élevage sur lies.
' Elles vont même plus loin, assure Patrice Pellerin chez DSM. Même après des élevages longs, il y a toujours une différence entre les vins témoins et ceux enzymés . ' Il poursuit : ' Les préparations de bêta-glucanases permettent d'extraire deux à trois fois plus de mannoprotéines (marqueurs de l'autolyse) que les enzymes de la levure. '. Et ce, en beaucoup moins de temps, puisqu'en un mois ou deux les enzymes ont fait leur effet. ' Rapidement, on libère des quantités importantes ', indique Patrick Vuchot, d'Inter-Rhône. Lors des essais qu'il a menés à l'Inra, il a montré que l'écart se creusait surtout au début de l'élevage. Ensuite, les teneurs en composés libérés continuent à augmenter, mais à la même vitesse que lors d'une autolyse.
Ce que confirment des travaux menés par OEno France, en Bourgogne, avec l'enzyme Acte II ; quand le contact des lies avec l'enzyme dure trop longtemps, le vin peut être finalement moins bien noté que le vin non enzymé. ' Le risque est surtout d'arrondir le vin au point de l'alourdir ', renchérit Patrice Pellerin. Il faut donc suivre attentivement le vin au cours de l'élevage, et séparer les enzymes de leur substrat (les lies) dès que l'objectif gustatif est atteint. De plus, ' les glucanases ne libèrent pas les mêmes molécules que les enzymes de la levure, souligne Patrick Vuchot. Ce sont souvent des molécules plus petites ; elles n'ont donc pas forcément les mêmes propriétés que celles obtenues par autolyse. '
Concrètement, les vinificateurs utilisent les enzymes pour arrondir leurs vins, les enrichir en composés aromatiques et renforcer leur expression, tout en raccourcissant la durée d'élevage sur lies. ' Nous enzymons les blancs vers une densité de 1 010. Ensuite, nous les élevons sur lies totales, sachant que nous débourbons beaucoup nos moûts ', explique Christophe Queyrens, utilisateur de l'Extralyse (Laffort oenologie), aux vignobles Queyrens, en Gironde.
Les distributeurs d'enzymes préconisent leur utilisation en fin de fermentation pour bénéficier de températures optimales pour leur activité. Christophe Queyrens élève ses vins blancs entre six et huit semaines, en remettant régulièrement les lies en suspension. Il vérifie que la réduction ne s'installe pas et soutire quand il n'observe plus de gain qualitatif. ' Je pratique également cet élevage sur mes rosés de saignée . Dans les deux cas, je gagne en clarification, en longueur de bouche et aussi en stabilité : je ne fais plus de traitement au froid . '
Cet effet de stabilisation tartrique est signalé par plusieurs utilisateurs, mais n'est pas confirmé par les producteurs d'enzymes, qui ne l'ont pas étudié. Il est lié à une mannoprotéine libérée par l'autolyse des levures. ' Cette mannoprotéine (MP32) a été isolée et est produite de façon industrielle par l'action de bêta-glucanases pour donner le Mannostab ', ajoute Patrick Vuchot (voir page 81). On peut donc supposer que l'enzymage des lies la libère également et améliore, au moins en partie, la stabilité tartrique des vins.
De même, certains vignerons rapportent une meilleure stabilité protéique. ' Les analyses préconisent des doses de bentonite moindres, après élevage d'un mois et demi ', indique Christophe Laüt, oenologue au château Monluc, dans le Gers. Il pratique un élevage séparé des lies avec enzymage à 30 g/hl d'Extralyse. ' Les cuves sont relativement hautes. Je préfère donc élever les lies séparément. Ainsi, je prends moins de risques de réduction et je peux quand même exploiter leur potentiel. ' L'élevage des lies dure un mois : ' Pendant quinze jours, je les aère, puis je les enzyme et les maintiens en suspension pendant deux ou trois semaines de plus. Je les réincorpore alors aux cuves dont elles sont originaires. Ensuite, je les agite quotidiennement pour les remettre en suspension, pendant environ un mois et demi . ' Christophe Laüt obtient ainsi des vins propres au moment des agréments et gagne beaucoup en volume de bouche.
Stéphane Roques, oenologue-maître de chai au château Capendu, dans l'Aude, pratique lui aussi un élevage séparé des lies. L'objectif est d'exploiter le potentiel aromatique des lies de blancs pour améliorer d'autres vins, comme les rosés cette année, tout en leur apportant rondeur et longueur en bouche.
En fin de fermentation, il laisse le vin décanter et soutire toutes les lies, qu'il sulfite et enzyme à 20 g/hl de Vinoflow (Lamothe-Abiet). Il les élève plus d'un mois, puis incorpore la totalité, ' sauf la galette qui se forme au fond ' dans les vins et réalise des remontages de une à deux heures deux fois par semaine pendant une quinzaine de jours. ' Le Vinoflow me permet de gagner du temps sur la durée d'élevage des lies. En un mois d'élevage, j'ai beaucoup gagné en viscosité, par rapport à un élevage des lies sans enzyme. ' Stéphane Roques améliore ainsi certains de ses vins, tout en gardant la possibilité de les commercialiser assez tôt.