De taille réduite, la filière du vin luxembourgeoise souffre de coûts de production élevés et doit faire face à une concurrence de plus en plus vive.
Les 1 343 ha du vignoble luxembourgeois sont concentrés sur 42 km de coteaux du versant est de la vallée de la Moselle. ' On y rencontre néanmoins trois terroirs différents, donnant chacun des vins ayant leur propre typicité ', précise Jean Kieffer, directeur de la Fédération des associations viticoles, organisme qui défend les intérêts du secteur auprès des pouvoirs publics et assure la promotion de ses vins. ' Il est situé du bon côté du fleuve, là où l'ensoleillement est le meilleur ', ajoute-t-il, faisant référence à son alter ego allemand qui lui fait face sur l'autre rive.
Seconde différence plus importante, la filière vitivinicole luxembourgeoise ne traverse pas de crise grave. Elle a vécu une telle situation durant l'entre-deux-guerres qu'elle en a alors profité pour se restructurer et jouer la carte de la qualité. Cela est passé par la constitution d'un mouvement coopératif fort, par la création d'un institut vitivinicole chargé des contrôles et du soutien technique, par l'instauration d'un système de délivrance des appellations et de distinctions qualitatives basé sur une dégustation à l'aveugle. Cette tâche est dévolue à l'Office de la marque nationale, cette mention et celles de ' vin classé ', ' premier cru ' et ' grand premier cru ' étant décernées en fonction des notes obtenues par les vins lors de leur examen.
Sur les 601 vignerons du Grand Duché, près de 550 sont encore membres de Vinsmoselle, union de six coopératives représentant près de 60 % des surfaces et de la production nationale qui fluctue entre 130 000 et 170 000 hl. ' Vu le poids de Vinsmoselle, on ne peut pas être contre elle et on est tributaire de ce qu'elle fait ', souligne Laurent Kox qui gère, avec son frère, un domaine de 9,7 ha pour une production d'environ 100 000 bouteilles par an. Le reste provient, à parts égales, de 7 négociants et de 55 vignerons indépendants. ' Ces derniers se sont développés parce que les cessations d'activité leur ont offert des opportunités d'agrandissements ', révèle Raymond Weydert, le directeur de l'Institut vitivinicole. ' Leur essor résulte également des aides gouvernementales introduites pour pérenniser les exploitations et accroître la qualité. Ces aides comprennent des formations gratuites et la prise en charge par l'Etat des intérêts des prêts contractés pour investir ', estime Jean Kieffer. De fait, vendanges en vert, récolte en deux étapes et baisse des rendements sont aujourd'hui choses communes.
Chez Vinsmoselle, les apporteurs sont ainsi payés en fonction de la quantité et de la qualité, et il leur est demandé de ne pas dépasser certains rendements : 120 hl/ha pour le rivaner et l'elbling, variété donnant les vins courants, 100 hl pour les cépages nobles, et 80 hl ou moins pour les raisins destinés à l'élaboration des crus haut de gamme. Dans le même registre, thermorégulation, pressoirs pneumatiques et cuves en Inox se retrouvent dans quasiment toutes les caves. ' Nous sommes suréquipés par rapport aux Français ', n'hésite pas à dire Laurent Kox.
Mais l'accroissement de la qualité est aussi liée à l'arrivée d'une nouvelle génération de vignerons mieux formés et plus ouverts, même si beaucoup sont tentés d'aller travailler en ville où les salaires sont plus élevés. Enfin, initiée par Vinsmoselle en 1991, la relance de la production du crémant a servi de vecteur à l'entrée des techniques modernes de vinification. Ces crémants ne cessent de se développer et représentent actuellement 8 % de la production nationale. ' Ils se vendent bien et assurent une bonne marge ', explique-t-on.
Autre nouveauté récente : l'élaboration de vendanges tardives, de vins de paille et de vins de glace. Du coup, le rivaner et l'elbling n'occupent plus que 34 et 12 % du vignoble alors que les surfaces de cépages nobles ont augmenté, avec 13 % en riesling, 12 % en auxerrois, 11 % en pinot gris, 10 % de pinot blanc, 4 % en pinot noir et 1 % en gewurtztraminer. ' Il est souhaitable de ne pas réduire beaucoup plus notre encépagement en rivaner et elbling car nous avons une clientèle pour ce type de vins ', estime Jean-Louis Modert, le directeur marketing de Vinsmoselle.
Reste que ces diversifications sont les bienvenues car le marché luxembourgeois est de plus en plus travaillé par les crus étrangers. En effet, seuls 39 % des vins vendus au Luxembourg sont d'origine locale, contre 80 % en 1970. De plus, les exportations ne progressent guère, s'élevant autour de 52 000 hl, dont 34 000 hl de vins de qualité. Plus de 80 % du total partent vers la Belgique, loin devant la France, l'Allemagne et les Pays-Bas.
Quel que soit le marché, le principal handicap des producteurs luxembourgeois réside dans leur coût de revient. La conséquence d'un climat qui demande près de dix traitements par an (en hélicoptère généralement), d'une main-d'oeuvre onéreuse (souvent des salariés portugais) et du grand morcellement du vignoble malgré un remembrement achevé à 80 %. ' Et avec l'euro, les clients transfrontaliers pourront encore plus facilement comparer les prix ', craint Laurent Kox. Il mise donc sur la qualité avec déjà 40 % de ses vins en ' Grand premier cru ' et il va se lancer dans la vinification sur lie. Il en va de même pour Vinsmoselle.
Enfin, tous les intervenants sont conscients qu'un effort supplémentaire doit être fait dans la promotion et le suivi des clients. ' Vu nos volumes, nous n'avons pas besoin d'aller très loin. Nous devons concentrer nos actions dans un rayon de 150 km ', affirme Raymond Weydert.