Nos voisins européens sont de plus en plus réticents à donner leur feu vert pour l'octroi d'aides nationales à la distillation de crise.
'Un accord à l'unanimité ', claironnait le ministère de l'Agriculture, le 28 février. De toute façon, il ne pouvait pas en être autrement. La France n'aurait pas pu aider la distillation de 4 Mhl de vins de table si l'un de ses partenaires européens s'y était opposé. Ceux qui n'étaient pas d'accord se sont donc abstenus lors du Conseil des ministres, qui s'est tenu ce jour-là. Ils étaient cinq : Danemark, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède. Le ministre danois avait même eu, au début du mois, mandat de son parlement pour voter contre l'aide nationale. Après l'intervention de la diplomatie française, il est retourné devant les élus de son pays pour obtenir le droit de s'abstenir. Cette péripétie laisse entrevoir des temps très durs. Il sera de plus en plus difficile d'obtenir un complément de prix pour la distillation de crise. Nos voisins nordiques y voient une inadmissible entorse à la politique agricole commune ou considèrent que les aides entretiennent des vignobles inadaptés, aux frais des contribuables. L'Espagne ne veut pas augmenter ses dépenses publiques.
Quant à la France, elle ne pourra pas alourdir les siennes de plus de 39,4 Meuros (258,45 MF). C'est la limite fixée à son budget par ses partenaires européens pour distiller 4 Mhl. Cette enveloppe permettra de porter le prix d'achat des vins de 1,90 euros/°hl (12,46 F), payé sur des fonds européens, à 2,74 euros/°hl (17,97 F). Les producteurs du Midi avaient demandé 4 à 5 Mhl à 3 euros/°hl (19,68 F). Ils ont donc tout juste obtenu gain de cause. De plus, ils doivent accepter une nouvelle baisse des aides. Cette distillation de crise est en effet la troisième. La première avait été payée 3,70 euros/°hl (24,27 F), la deuxième 3,05 euros (20 F).
Sentant le danger de ne plus pouvoir compter sur des aides nationales, les producteurs du Midi émettent de nouvelles revendications. Ils souhaitent que la distillation d'alcool de bouche (article 29) soit contingentée par pays et payée à un prix plus élevé, calculé selon les coûts de production de chaque région. ' Des mesures de différenciation des aides existent déjà dans les secteurs de la viande bovine et du sucre ', explique la Confédération des coopératives vinicoles de France. Le montant acceptable pour le Midi serait de 2,74 euros/°hl (18 F).
Cette exigence nouvelle s'ajoute à beaucoup d'autres (remise en vigueur de la distillation obligatoire, arrachage temporaire, préretraites, aides conjoncturelles aux entreprises en difficulté) qui n'ont pas encore été satisfaites. Devant la longueur des négociations, certains ont perdu patience. Le 25 février, ils faisaient exploser une armoire électrique le long de la voie de chemin de fer entre Béziers et Narbonne. Mais ce mode d'action violente ne fait plus l'unanimité au sein de la profession. Des coopératives préparent une manifestation festive pour attirer l'attention des médias et des pouvoirs publics sur leur situation. Elle devrait avoir lieu fin mars.