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Les pressoirs verticaux sont de retour

La vigne - n°130 - mars 2002 - page 0

Deux concessionnaires girondins importent d'Italie de petits pressoirs verticaux qui libèrent des vins rouges peu bourbeux et d'une très grande souplesse. Ils prétendent au niveau de qualité des pneumatiques et sont bien moins chers.

Neuf ou refait à neuf ? Allez savoir. Lorsque vous vous trouvez devant le château La Fleur Morange, à Saint-Pey-d'Armens (Gironde), rien ne vous permet de le dire. Et est-ce bien un chai ? Le bâtiment est tellement petit. Le propriétaire arrive et vous tire de vos interrogations. Vous pénétrez dans l'un de ces ' garages ' de Saint-Emilion, dont les vins s'arrachent à prix d'or. Ses dimensions sont en proportion avec celles du vignoble qui ne couvre que 2,3 ha, dont 1,3 ha en production.
Dans ces murs, merlots et cabernets sont égrainés à la main avant d'être encuvés. Après leur avoir accordé autant d'attention, Jean-François Julien n'allait pas les maltraiter. Il presse ses marcs dans un pressoir vertical acheté en 2000. Cette année-là, il vinifiait son second millésime. Il s'était fait la main, en 1999, sur 14 ares. Après avoir élevé séparément ses presses, il les a inclues dans son vin. Même les lies de presse ont participé à l'élevage. Il les a ajoutées aux vins de goutte mis trop tôt au propre. Cette manipulation n'a apporté ni amertume, ni dureté. Son vin a si bien tenu la comparaison avec les crus classés de Saint-Emilion qu'il l'a sorti, en primeur, à 38 euros/bouteille (249 F).

Le 2001 n'est pas encore assemblé. Les vins de presse sont à part. Ils se goûtent parfaitement. Ils sont si souples qu'on les dirait de goutte. Pourtant, ils proviennent bien du pressurage de marcs qui, plus est, normalement asséchés : Jean-François Julien estime tirer 3 hl de vin d'une pressée de 5 hl.
Des vins de presse aussi fins, vous pouvez en goûter dans d'autres propriétés de Gironde, comme chez Fabian Thomas, à Saint-Loubès, ou au château de Coucy, à Montagne. Ces chais se sont laissés convaincre que les pressoirs verticaux rendent un travail équivalent à celui d'un pneumatique pour un investissement bien moindre. Au château de Coucy, jusqu'à l'an dernier, Frédéric Maurèze envoyait ses marcs dans un pressoir continu. Les vins obtenus partaient au négoce. ' Même en essayant de bien régler, c'était difficile d'obtenir de bonnes presses. Cette année, on va les assembler sans problème ', se réjouit-il.
Le château couvre 20 ha et vinifie 900 hl. Il n'a donc rien d'un garage. Pourtant, il s'est équipé du même pressoir : un Cep 800 de 5 hl, fabriqué en Italie et commercialisé par Agrifoy (Sainte-Foy-la-Grande). Frédéric Maurèze presse les marcs de 200 hl de cuverie par jour, démarrant à 8 h et finissant vers 17 h 30, après 1 h de lavage. Une pressée dure ' 30 minutes au maximum '. Pendant ce temps, il reste à côté de son pressoir pour établir les paliers car il n'y a pas d'automatisme. Au départ, il place l'aiguille du manomètre sur 100 bars. Lorsque le vin ne coule plus, il monte à 200 bars, puis à 300 bars. Lors du premier palier, il recueille au moins 2 hl de vin, et 50 l lors des deux suivants.
Ces pressions ne s'exercent pas sur le marc, mais sur le piston. Comme ce dernier enfonce un pilon de diamètre bien plus grand, l'effort se dilue. Agrifoy signale qu'à 100 bars lus au manomètre, la vendange est soumise à 2,59 kg/cm². A 300 bars correspondent 7,77 kg/cm². Ces niveaux restent bien supérieurs à ceux qui règnent dans un pneumatique. Malgré cela, ni les peaux, ni les pépins ne sortent abîmés.
Lorsque le marc est sec, Frédéric Maurèze relève le pilon, sort la cage, puis, avec un chargeur, l'enfourche pour l'amener au-dessus d'une remorque. Ensuite, il l'ouvre et le marc tombe. Après un rinçage rapide, elle repart pour un nouveau remplissage pendant qu'une seconde cage prend place sous le pressoir. Pour qu'il n'y ait pas de temps mort, il faut donc être deux. L'un démarque pendant que l'autre presse et manipule les cages. Cependant, Frédéric Maurèze précise qu'à trois, ' on se fatigue moins car on peut s'y mettre à deux pour déplacer les chariots '.

Fabian Thomas s'est heurté à ces problèmes de manutention. Il a acquis un domaine l'an dernier et l'a équipé à neuf. A cette occasion, il a acheté un pressoir Gemignani de 5 hl, importé d'Italie par Brun Colomb, Les Billaux (Gironde). ' Les vins sont superbes , explique-t-il. C'est facile à utiliser, mais c'est long et c'est très physique. Il faut au moins être deux pour placer la cage sous le pressoir. Il y a là un système à améliorer. ' Brun Colomb déclare l'avoir fait. Ses pressoirs sont désormais équipés de guides posés au sol, qui amènent la cage précisément sous le plateau. S'il avait ces accessoires, Fabian Thomas ne serait que partiellement soulagé car ses difficultés tiennent à une seconde cause. Le sol de son chai est en mauvais état et en pente marquée. Il heurte les roues. Le franchissement du dénivelé est pénible.
Agrifoy et Brun Colomb vendent deux marques de pressoirs prévus pour extraire l'huile des olives. Agrifoy affirme avoir vu, le premier, qu'ils convenaient aux rouges. Ses efforts d'adaptation ont porté sur la mise au point de chariots robustes et pratiques. Un pressoir Cep de 5 hl, avec deux cages en bois et deux chariots, vaut 10 370 euros (68 000 F). Pour des cages en Inox, il faut compter 11 890 euros (78 000 F). Brun Colomb est meilleur marché. Son modèle de 5 hl en bois vaut 9 150 euros (60 000 F). Il déconseille l'Inox.
Agrifoy dispose encore d'un 9 hl dont il ne pousse pas la vente car il débite autant que le 5 hl. Les jus, contraints de traverser une plus grande épaisseur de marc, sont ralentis. Ce phénomène interdit d'augmenter la capacité des pressoirs verticaux. Egretier, à Narbonne (Aude), pense avoir trouvé un remède avec le double plateau concentrique. Après une première étape où les deux plateaux descendent simultanément, seul le plus petit continue de s'enfoncer pour sortir les jus coincés au coeur du marc. Ce matériel est en cours de construction. Il n'a pas encore été testé. S'il tient ses promesses, le pressurage vertical s'ouvrira de nouveaux horizons.

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