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Pressurage des marcs : le fractionnement s'impose

La vigne - n°146 - septembre 2003 - page 0

Très répandue pour les blancs, l'extraction fractionnée se développe pour les rouges. L'opération consiste à séparer les premières presses, recueillies avant rebêchage, des suivantes, plus astringentes. Elle va de pair avec un décuvage délicat.

Si de nombreux domaines et châteaux se penchent sur le respect de la vendange lors de sa réception, le pressurage ' doux ' est également à l'honneur. Un vin de presse bien élaboré apporte un potentiel aromatique et de vieillissement à une cuvée. Sa richesse est étroitement liée aux méthodes de vinification. Or, de plus en plus de caves font d'importants efforts d'extraction lors de la cuvaison. ' Les vignerons effectuent de nombreux remontages, ce qui appauvrit le marc, donc le vin de presse , constate Gilles Pauquet, oenologue à Libourne (Gironde). En conséquence, ils ont tendance à réaliser différentes pressées pour récupérer uniquement les vins intéressants. '
Xavier Vayron, du château Bourgneuf-Vayron à Pomerol (Gironde), fait partie de ces viticulteurs. Lors de la fermentation alcoolique, il effectue environ trois remontages par jour de 20 min chacun, plus un délestage. A cela, se rajoute une cuvaison d'une durée de trois semaines. ' Entre mes remontages et mes délestages, reconnaît-il, mes marcs sont lessivés . ' Même procédé au château Malescot Saint-Exupéry, à Margaux (Gironde). Le maître de chai, Gilles Poujet, effectue des remontages à hauteur de 150 à 200 % du volume total par jour. Il laisse ensuite ses raisins macérer entre 31 et 35°C de 26 à 35 jours pour les cabernets-sauvignons, et de 35 à 45 jours pour les merlots, afin d'obtenir de la matière. Dans les deux cas, le marc restant est beaucoup moins riche, ce qui implique un pressurage attentif.

L'un des points essentiels dans la quête de la qualité des presses est le décuvage. Le but est de ne pas trop triturer le marc, afin de conserver des peaux peu abîmées. Gilles Poujet utilise un convoyeur avec un tapis à bande, qui transvase le marc de la cuve vers le pressoir pneumatique. Le convoyeur s'encastre directement dans la cuve et charge le pressoir pneumatique par le haut, ce qui préserve l'intégrité de la matière première.
Au château Bourgneuf-Vayron, l'opération est manuelle. A l'aide d'une pelle en plastique, le viticulteur met le marc dans la cage ronde en Inox de son pressoir vertical. Elle mesure 1,20 m de haut et a une capacité de 12 hl. Après l'avoir remplie à 40 cm de hauteur, il place un premier tapis en nylon ajouré, ou scourtin, puis un second à 80 cm, et un troisième sur le dessus, juste en dessous du plateau. Les tapis font office de drain. ' De cette manière, explique Xavier Vayron, les pulpes ne sont pas mâchées. '
Vient ensuite le pressurage. Conscients que de la qualité du vin de presse dépend, en partie, celle du produit fini, les viticulteurs n'essaient plus d'assécher les marcs. Ils ne cherchent pas à recueillir tout le vin, car la qualité des derniers litres extraits est insuffisante. De plus, ils séparent les presses. L'extraction fractionnée permet d'isoler la première. Elle renferme les meilleurs composés. Elle sert à élaborer des vins charpentés et tanniques, aptes au vieillissement. Les secondes presses entrent plutôt dans la composition de vins destinés à une consommation rapide.

C'est ainsi que travaille Patrick Samper, viticulteur à Moussan (Aude). Avant de débuter le pressurage, il laisse le marc s'égoutter dans le pressoir. Il recueille le vin libéré et effectue la malo à part. A l'aide d'un Vaslin horizontal, il fait une première extraction avec une montée en pression lente et sans rebêchage. Elle libère le premier vin de presse. Après un rebêchage, un deuxième pressurage est réalisé, à plus forte pression. Patrick Samper arrête de presser lorsque le vin devient trop astringent. L'opération dure 1 h 30 à 2 h. Le vin est ensuite enzymé et stabilisé 24 à 48 h, puis réintégré au vin de goutte suivant ses caractéristiques. ' Le vin de première presse est assemblé au meilleur vin , enseigne Patrick Samper, tandis que les secondes presses sont intégrées au vin de gamme inférieure . '
Xavier Vayron procède différemment. Il effectue une seule extraction à faible pression : entre 60 et 80 kg/cm². L'opération dure 35 à 45 min, avec trois pauses de 5 min pendant lesquelles le viticulteur laisse le marc s'égoutter. Il arrête le pressurage dès que la qualité commence à diminuer. Le marc évacué est encore très chargé en jus. La faible pression appliquée évite l'extraction de verdeur ou d'astringence. Le vin de presse est assemblé au vin de goutte, après un élevage de quelques mois en barriques d'un an. Cette période permet au viticulteur de suivre son évolution. ' J'assemble le vin de presse au vin de goutte après environ un an d'élevage , précise Gilles Poujet, afin de pouvoir à tout moment enlever un lot s'il évolue mal. '
Dans le Midi, de nombreux viticulteurs travaillent en macération carbonique. La plupart des raisins sont donc encore entiers et peu fermentés lors du décuvage. Le vin de presse représente près de la moitié du volume total, ce qui fait qu'il ' est considéré comme étant la partie qualitative de la vendange ', informe Damien Kalanquin, oenologue conseil à Narbonne (Aude). Pour cette raison, il est très soigné.

Le pressoir traditionnellement employé en Languedoc-Roussillon est le Vaslin à plateaux horizontaux, car il n'affecte pas trop le marc. Mais le pressoir pneumatique se développe.
Le pressurage s'effectue généralement en deux parties. Un premier cycle sans rebêchage est d'abord réalisé. La montée en pression est lente et progressive. Dès que le pressoir ne coule plus, le jus est mis à part. ' Cette première presse finit le travail d'extraction des composés de la pellicule initié lors de la macération carbonique, explique Damien Kalanquin. Le jus contient des précurseurs aromatiques, des tanins et de la couleur . '
Le deuxième cycle commence alors, avec un ou deux rebêchages. ' La qualité des moûts diminue, poursuit l'oenologue. Des goûts herbacés apparaissent et les tanins sont moins élégants . ' Une fois le pressurage achevé, le vin de presse réalise sa fermentation alcoolique à part. Puis, il est débourbé par stabulation à froid, avec ou sans enzymes. A l'issue de cette phase, le vin des premières pressées est réincorporé au vin de goutte pour la fermentation malolactique de l'ensemble. Quant à celui des secondes pressées, il est soit réintégré, soit utilisé comme réserve de couleur ou de tanin.

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