1. Pensez-y dès les vinifications
Gare aux extractions trop poussées. Elles nuisent à la finesse des vins de presse et même à leur coloration. À mesure que la fermentation avance, il faut intervenir plus doucement sur le marc, en réduisant la fréquence et le volume des remontages. D'autant plus si les vendanges sont peu mûres ou diluées. Dans ce cas, « il faut se garder de pousser les remontages, sinon on déséquilibre les vins de goutte en plus d'obtenir de mauvais vins de presse », commente Lionel Grin, oenologue conseil au cabinet nocentres de Saint-Savin (Gironde).
2. Transportez les marcs en douceur
« Il faut éviter de triturer le marc lorsqu'on l'apporte au pressoir », insiste Christophe Maret, oenologue à Bordeaux noConcept, à Artigues-près-Bordeaux (Gironde). Il conseille donc de le convoyer à l'aide d'un tapis. Si l'on n'a pas d'autre choix que d'employer des pompes à marc, il faut les faire tourner doucement, les raccorder à des tuyaux de gros diamètre et éviter les coudes dans la tuyauterie.
Côté pressoirs, Christophe Maret recommande de petits appareils verticaux que l'on dispose devant la cuve. Les pressoirs pneumatiques font aussi très bien l'affaire. En revanche, nos quatre experts déconseillent les pressoirs continus, trop agressifs avec les marcs. Mais des producteurs continuent de s'en servir sans rencontrer de problèmes (voir les témoignages).
3. Pressez-les délicatement
« La montée en pression doit s'effectuer de manière lente et régulière, indique Nathalie Longefay, oenologue consultante au cabinet d'agronomie provençale, au Val (Var). Justement pour éviter d'extraire les goûts secs et herbacés. » Elle préconise de ne pas dépasser 1,8 bar.
« On obtient généralement 80 % du vin de presse après un premier serrage, constate Lionel Grin. Mieux vaut s'en tenir là et éviter les vins de rebêchage, même si cela fait perdre du volume, car ils sont souvent amers et herbacés. Ils peuvent nuire à la qualité du vin final. »
Pour les vins de macération longue, Marc Dubernet, oenologue aux laboratoires Dubernet, à Montredon-des-Corbières (Aude), partage son avis. Dans ce cas, « il faut se garder de pousser l'extraction du jus, sinon les vins de presse risquent d'être excessivement tanniques et difficilement valorisables », souligne-t-il.
En revanche, après une macération courte, les choses sont différentes. « Le marc contient davantage de jus. On peut avoir besoin de faire des rebêchages pour l'extraire. » Les rebêchages sont aussi nécessaires avec les pressoirs qui ne laissent pas s'écouler assez de jus. Dans ces cas, il est conseillé de séparer le vin de la première presse, de celui obtenu lors de la seconde, voire de la troisième. On peut ainsi les traiter selon leurs caractéristiques.
4. Clarifiez le plus tôt possible
Nos oenologues conseillent de clarifier rapidement les vins de presse, sans attendre la fin de la malo. On met ainsi fin à la macération dont le prolongement renforcerait les goûts métalliques et végétaux. On abaisse aussi la charge microbiologique des presses, plus riches en levures et en bactéries que les vins de goutte.
Pour clarifier ces vins, deux solutions : enzymer puis coller, ou filtrer. Nos oenologues préfèrent la première. « Après le pressurage, il peut rester un peu de sucre dans les jus, observe Marc Dubernet. Une filtration risque de stopper leur fermentation. » Et selon certaines observations, une filtration précoce des vins de presse nuit à la stabilité de leur couleur.
5. Arrondissez les angles
« Il faut procéder à l'enzymage pectolytique au fur et à mesure du remplissage de la cuve », indique Christophe Maret. « Vingt-quatre heures après l'enzymage, on peut commencer à soutirer les vins », ajoute Lionel Grin. Selon les cas, un second soutirage peut intervenir la semaine suivante. Dès que le résultat visé est atteint, il faut déguster les vins pour déterminer le traitement qu'ils vont subir. Si aucun traitement n'est nécessaire, les presses peuvent être incorporées directement aux gouttes. Mais « dans 90 % des cas, il faut les affiner, estime Marc Dubernet. La clarification vient rarement à bout de leurs goûts végétaux et de leur structure tannique excessive. »
De toutes les colles, la PVPP (polyvinylpolypyrrolidone) est celle qui diminue le plus l'astringence. « Elle fixe les tannins », explique Marc Dubernet. Elle s'emploie pure ou associée à de la bentonite ou des colles végétales. L'association PVPP + bentonite a aussi un effet clarifiant très poussé.
On détermine la nature et la dose de la colle en réalisant des essais au laboratoire. Généralement, les doses sont deux fois supérieures à celles utilisées sur les vins de goutte. Durant cette période d'affinage, surveillez la malo. Sulfitez dès qu'elle est terminée.
6. Passez rapidement à l'action
Mieux vaut incorporer les vins de presse rapidement aux vins de goutte. « Les premiers sont chargés en tannins et les seconds en anthocyanes libres. En les assemblant tôt, on équilibre le rapport tannins/anthocyanes. On stabilise la couleur », signale Lionel Grin. Encore faut-il que ces vins soient assez fins ou affinés pour ne pas déséquilibrer l'assemblage. « Si les presses ne donnent pas de bons résultats à la dégustation et s'il faut faire vite, pour vendre un vin en vrac, par exemple, on peut pratiquer un collage plus sévère », poursuit l'oenologue. Si on a davantage de temps, un passage en barriques de deux ou trois vins, durant quelques semaines, permet d'affiner leur structure. De même, l'ajout de copeaux est souvent bénéfique. « Ils apportent de la sucrosité, de la rondeur et diminuent les notes végétales », souligne Christophe Maret. L'expert préconise d'utiliser des copeaux d'origine américaine, plus aromatiques que les français. Mais si les presses sont de bonne qualité, des copeaux français légèrement chauffés peuvent convenir.
Ultime solution pour les vins très rustiques : la patience. Des vignerons les élèvent ainsi une année entière pour les incorporer au millésime suivant, le temps qu'ils se bonifient.
7. Assemblez à bon escient
Les vins de presse peuvent entrer dans tout ou partie des cuvées élaborées par les vignerons. « En moyenne, on les incorpore à hauteur de 3 à 8 % dans les vins de goutte, explique Lionel Grin. C'est à la dégustation que tout se décide ! » Les presses de bonne qualité peuvent être assemblées entièrement aux vins de goutte dont ils sont issus. Attention, Nathalie Longefay déconseille de les réin-corporer aux primeurs, comme aux cépages tanniques.
LAURENCE ESCAVI, VIGNERONNE À LANGLADE (GARD), 5 HECTARES « Un vin 100 % de presse obtenu avec un pressoir vertical »
« Habituellement, je réincorpore toutes mes presses aux vins de goutte correspondants.
Mais l'an dernier, j'ai élaboré un vin provenant uniquement de presse. J'ai fait 790 cols seulement d'un languedoc, assemblage de mourvèdre (70 %) et de syrah (30 %). Il y a deux ans, je me suis équipée d'un pressoir vertical hydraulique de 100 kg de marc avec lequel j'obtiens de beaux vins de presse.
Ce matériel n'exerce qu'une faible pression sur le marc. Et comme le vin ne traverse que très peu de marc, il se charge peu en bourbes. Je ne fais pas de rebêche. J'extrais donc moins de vin, mais il est meilleur. Avec cette méthode, je peux goûter le vin de presse à tout moment pour contrôler sa qualité. Je ne l'ai pas collé ni filtré, seulement soutiré deux fois dont la première dès le lendemain du pressurage.
J'ai baptisé cette cuvée Terrienne. Je la vends 22 € à ma clientèle de caviste. »
Le Point de vue de
JEAN-MARIE ESTÈVE, MAÎTRE DE CHAI DE L'UNION DES PRODUCTEURS DE LUGON (GIRONDE), 40 000 HECTOLITRES.
« Un pressurage à faible pression »
« Nous apportons beaucoup de soin à nos vins de presse. Certains de nos clients nous les achètent purs pour structurer leurs cuvées. Nous en produisons entre 4 000 et 5 000 hl par an, soit 12 à 15 % de notre production totale. Après être passé dans un égouttoir incliné, le marc tombe directement dans deux pressoirs continus de gros diamètre. Nous effectuons un premier pressurage à faible pression, entre 0,3 et 0,5 bar maximum. On extrait ainsi 80 % du jus. Puis nous pressons les marcs une seconde fois pour récupérer le reste du jus. Les vins de presse finissent alors leur fermentation malolactique. En fin de malo, nous les soutirons, puis les filtrons avec un filtre presse. Nous ne les collons pas. Après la filtration, nous leur ajoutons entre 2 et 4 g/l de copeaux de chêne français, très légèrement chauffés pour ne pas trop marquer les vins. Six à huit semaines plus tard, c'est le soutirage. Si c'est nécessaire, nous apportons de la gomme arabique pour donner du volume. À la fin, on présente séparément les vins de presse et les vins de goutte à nos clients. Ils déterminent eux-mêmes leurs assemblages.
Les vins issus du premier égouttage sont généralement incorporés à hauteur de 8 % dans les vins de goutte. Les seconds à hauteur de 4 à 5 %. Tous nos bordeaux et bordeaux supérieurs rouges sont travaillés de la sorte. »