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Etiquetage : l'Europe protège des mentions traditionnelles

La vigne - n°131 - avril 2002 - page 0

Le règlement sur l'étiquetage, adopté le 11 mars, réserve à la France l'usage de 35 mentions traditionnelles, parmi lesquelles ' clos ', ' primeur ', ' villages ' ou ' sur lie '. Contrairement au texte actuel, il ne dresse pas de liste exhaustive des termes qu'il est permis d'utiliser. Il laisse donc plus de liberté aux opérateurs.

Ça y est, la nouvelle OCM (organisation commune de marché) est complète. Son dernier règlement d'application a été adopté par la Commission européenne le 11 mars dernier. Il sera publié dans les prochains jours. Il fixe les règles d'étiquetage.
Les négociations furent longues et difficiles : deux années d'empoignades et de pinaillages. Le premier projet de texte avait été examiné par le Comité de gestion des vins en mars 2000. Depuis, on a parlementé pour savoir si ' pinot gris ' pouvait être employé, en français, par les Allemands. C'est oui. Nos voisins en sont ravis.

On s'est étripé au sujet de l'indication du cépage et du millésime sur les vins de table. Les uns souhaitaient qu'ils puissent être portés sur toutes les étiquettes sans aucune restriction. Les autres, dont les Français, voulaient continuer à les réserver aux vins de table avec indication géographique, c'est-à-dire, dans notre cas, aux vins de pays. Ils ont eu gain de cause.
Il a fallu faire des concessions au Luxembourg. Comme la France, il pourra inscrire ' vendange tardive ' ou ' vin de paille ' sur les étiquettes de ses bouteilles. Que de tractations ! Et elles ont duré jusqu'au dernier moment. Le jour du vote, la France a obtenu la protection de ' primeur ' et ' sur lie '.
Même au sein de la France, les discussions furent vives. On se souvient de la dispute entre les appellations et les vins de pays au sujet des mentions ' vendange tardive ', ' château ' et ' clos '. Les premiers ont demandé qu'elles leur soient réservées ; les seconds ont dû s'en faire une raison. Dès le mois de février 2001, le ministère de l'Agriculture se rangeait à l'avis des Alsaciens en leur réservant, ainsi qu'à Jurançon, ' vendange tardives ' au motif que ce sont ces appellations qui ont lui donné son sens et son prestige.
Toutes ces négociations ont abouti à un texte qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2003. Comme le souhaitait la Commission, il est plus libéral que le précédent. A partir de l'an prochain, il n'y aura plus de liste positive et exclusive des mentions que l'on peut ajouter, si on le souhaite, à celles qui sont obligatoires. L'actuel règlement (n°3 201/90) fonctionne selon ce principe. Le nouveau ' abandonne le système selon lequel tout de qui n'est pas autorisé est interdit ', explique-t-on à l'Onivins. Les opérateurs auront donc bien plus de liberté pour composer leurs étiquettes. Pourront-ils pour autant y inscrire ' gouleyant ', ' perlant ' ou ' vieilli sous la mer ' ? Les choses ne sont pas encore claires.

Le nouveau texte dresse plusieurs listes, dont l'une regroupe les mentions à l'usage réservé d'un pays, d'une ou de plusieurs appellations, au motif qu'ils s'en servent traditionnellement, c'est-à-dire depuis plus de dix ans. Nous publions ici l'intégralité des mentions qui sont réservées à la France.
Jusqu'à présent, il n'y avait pas de système organisé de protection. L'actuel règlement n'en prévoit qu'une, pour ' sélection de grains nobles ', que seules quatorze appellations françaises peuvent porter sur leurs étiquettes. Le texte qui vient d'être adopté protège 35 mentions françaises, 30 mentions espagnoles, 56 mentions italiennes, sans compter celles des autres pays viticoles. Par exemple, il stipule que seuls les appellations d'origine contrôlée du Muscadet, le gros plant, les vins de pays d'Oc et les vins de pays des sables du golfe du Lion seront autorisés à inscrire ' sur lie ' sur leurs bouteilles. Personne d'autre, en France, ni ailleurs dans l'Union, ne pourra en faire de même. Comment de nouveaux venus pourraient-ils s'ajouter à cette liste ou sur celle des ' villages ' ou des ' grands crus ' ? La question reste entière.

Vis-à-vis de l'extérieur, le texte introduit deux niveaux de protection. ' Sur lie ' bénéficie du premier niveau : l'Europe pourrait éventuellement accorder à un pays tiers le droit de l'utiliser, à condition qu'il en fasse la demande. ' Claret ', ' edelzwicker ', ' passetoutgrain ' et ' vin jaune ' bénéficient seuls du second niveau : que personne n'y touche ! Ce règlement sera-t-il suivi en dehors de l'Union ? Correspond-il seulement au droit international ? Voilà deux autres questions en suspens. Certains des négociateurs de l'accord n'ont aucun doute quant à la réponse à la seconde : c'est non. Aïe.
En dehors des mentions traditionnelles qu'elle protège, l'Europe distingue les mentions obligatoires, facultatives (cépage, millésime) et celles relatives au mode de production. Elle n'introduit aucune règle nouvelle quant à l'usage des deux premières. Elle demande aux Etats membre de définir les troisièmes et d'en règlementer l'utilisation. ' Elevé en fût ' est de leur nombre. Il existe déjà un arrêté (du 23 septembre 1999) qui stipule qu'on ne peut le revendiquer qu'après six mois d'élevage ' dans des récipients fabriqués dans le bois '.
D'une manière plus générale, le nouveau texte préserve ' l'existence de dispositions spécifiques à l'éti- quetage des produits vitivinicoles, distinctes de celles applicables à l'ensemble des autres denrées alimentaires ', indique le ministère de l'Agriculture dans un communiqué de presse. La filière était intransigeante sur ce point. Elle résiste déjà depuis plusieurs années avec vigueur aux assauts de ceux qui voudraient lui imposer d'imprimer la teneur en sulfites ou en d'autres stabilisants. La voilà dotée d'un nouveau et puissant rempart qui durera au moins aussi longtemps que l'OCM, c'est-à-dire jusqu'en 2006.

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