Les vignerons ne disposant pas des installations nécessaires à la vinification ou au stockage des vins peuvent louer le matériel chez un autre vigneron récoltant. Ces pratiques sont néanmoins limitées dans le temps et font l'objet d'une demande d'autorisation auprès des douanes.
Comment s'en sortir quand on est jeune vigneron en cours d'installation et que l'on n'a pas encore tout le matériel pour vinifier ? Où reloger ses vins quand son chai est devenu trop petit pour accueillir tout ou partie de la récolte à venir ?
Ces vignerons momentanément bloqués ont la possibilité de louer les installations nécessaires auprès d'un autre vigneron récoltant, sans que ce dernier soit obligé de prendre le statut de négociant. Solutions de dépannage, ces pratiques commencent à se développer dans le cadre de l'entraide agricole. Plus sporadiques dans les vignobles à haute valeur ajoutée, elles sont plus courantes dans les régions de production de vins de table et de vins de pays, surtout dans le cadre du relogement de vins. En effet, du fait de la crise de ce secteur, certains vignerons connaissent de gros problèmes de stockage.
La vinification hors du siège de l'exploitation ou le relogement de vins doivent faire l'objet d'une demande de dérogation auprès de la direction régionale des douanes concernée. Pour obtenir cet aval, plusieurs conditions sont à remplir.
D'après le Bulletin officiel des douanes (1), la vinification hors du siège de l'exploitation doit avoir lieu dans la même aire géographique de production, et dans l'arrondissement de récolte ou les cantons limitrophes. Elle doit être effectuée dans des cuves séparées portant le nom du propriétaire du vin, la qualité du produit, sa couleur et sa quantité. Les vendanges et les vins circulent entre les deux exploitations avec des documents d'accompagnement, dans les conditions relatives à la circulation des produits soumis à accises. Et surtout, le vigneron qui fait vinifier par l'un de ses collègues ne doit pas disposer de l'ensemble du matériel nécessaire et justifier de futurs investissements. Un contrat écrit de location des locaux ou de la cuverie sera établi. Concernant l'étiquetage des bouteilles, les exploitants s'assurent auprès de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) des conséquences de leurs opérations et tiennent une comptabilité matières suivant les règles définies par les douanes.
Suivant la production concernée (AOC ou vins de pays), les vignerons se rapprocheront de l'Inao ou de l'Onivins afin d'obtenir une autorisation express de ces organismes. La durée de celle-ci est limitée à la période de vinification et peut, éventuellement, être prolongée dans le cas de procédés particuliers liés au mode de production. ' Lorsque je me suis installé il y a un an, explique un vigneron des Pyrénées-Orientales, j'ai demandé aux caves des alentours si elles étaient prêtes à vinifier sous mes directives. La société X. a accepté. Nous avons donc rédigé un contrat de location et de prestation de vinification sur la base de 26,70 euros/hl (175 F) car il s'agissait de petites cuves (20 à 50 hl). '
' Tous les produits oenologiques, les analyses et l'entretien du matériel ont été à leur charge, poursuit-il. En contrepartie, je me suis engagé à être responsable des décisions oenologiques prises et à respecter les consignes de sécurité appliquées dans la cuverie. Cette situation reste temporaire car je souhaite investir prochainement dans la construction d'un chai . '
Pour ce vigneron qui remplissait toutes les conditions requises, la direction régionale des douanes concernée n'a pas fait de difficulté pour donner un accord d'un an.
Dans le même esprit, un vigneron peut reloger ses vins chez un autre récoltant si ses installations sont insuffisantes pour accueillir sa récolte future. Il doit le justifier par sa déclaration de stocks, afin d'obtenir l'autorisation de la direction régionale des douanes. Par ailleurs, aucune infraction douanière ou fiscale ne doit avoir été relevée à l'encontre des deux récoltants concernés. Un contrat écrit de location sera établi et le relogement se fera dans des cuves séparées, portant le nom du propriétaire des vins. Lors de la circulation des vins, il est impératif d'avoir un document portant la mention ' transfert pour relogement ' et ces mouvements apparaîtront obligatoirement dans la comptabilité matières des deux récoltants concernés. Cette pratique est valable une année, les vins devant réintégrer le chai d'origine avant le 1 er août de la campagne pour laquelle la dérogation a été accordée.
Que ce soit dans le cadre de la vinification hors du siège de l'exploitation ou du relogement de vins, les dérogations sont limitées dans le temps et exceptionnelles. Cela s'explique par un souci d'équité vis-à-vis des marchands en gros qui supportent, au niveau fiscal, toutes les obligations liées à leur statut. Par ailleurs, dans les régions subissant la crise des vins de table et des vins de pays, de nombreux vignerons se retrouvent dans une impasse. Comme ils n'ont pas les mêmes moyens que dans d'autres vignobles, leurs possibilités d'investissement sont restreintes. Or, pour ne pas pénaliser l'activité commerciale de ces vignerons en difficulté, les douanes sont conscientes que la vinification hors du siège de l'exploitation ou le relogement de vins peuvent constituer une solution transitoire. Mais les contrôles sont fréquents pour pallier toute fraude qui pourrait découler de ces pratiques et vérifier que les conditions nécessaires à l'obtention de la dérogation ont bien été respectées.
(1) Bod 6 481, texte 01-006, la comptabilité matières (les registres vitivinicoles).