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Le droit de banvin

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Pour les seigneurs de l'Ancien Régime, tous les moyens sont bons pour affirmer leur pouvoir et défendre leurs intérêts.

La dîme date de l'époque de Charlemagne et constitue un prélèvement important sur les récoltes, au seul profit de l'Eglise. Dès le IXe siècle, les puissants dans les provinces (les comtes et les évêques) sont de grands propriétaires. Ils produisent du vin, un vin fragile qui a du mal à passer l'année, difficile à vendre, surtout dans les années d'abondance, puisque la plupart des provinces en produisent. De plus, faute de moyens commodes et rapides de communication, la plus grande partie de ce vin est consommée sur place. Dans une paroisse, le seigneur est tenté de vendre en priorité son vin afin de l'écouler aux meilleures conditions, c'est-à-dire en retardant les ventes réalisées par les vignerons. Grande est alors la tentation de s'arroger un droit particulier, le droit de banvin. Il s'agit là d'une usurpation de la puissance publique au profit d'intérêts privés. Aussi, ce droit est-il très impopulaire.
Ce droit s'exerce de plusieurs façons. Généralement, le seigneur se réserve la vente de son vin et de celui qu'il a perçu en redevances diverses, pendant les mois de juillet et août afin d'écouler tout ce qui lui reste pour la vendange qui se prépare. A ce moment-là, toute vente est interdite aux vignerons de la paroisse ; le seigneur a seul le droit de vendre en gros, seul aussi le droit d'alimenter les tavernes. C'est le principe du monopole, un monopole qui rapporte puisque c'est l'époque des gros travaux des champs et des grosses chaleurs.

Mais le seigneur peut établir son droit de banvin à d'autres moments de l'année, des périodes de forte consommation et pour des durées variables. A Chartres, le banvin s'exerce au moment des grandes fêtes religieuses : Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte, et pendant les jours qui les précèdent. A Dijon, au Moyen Âge, le droit de banvin est la propriété des grandes abbayes de Saint-Bénigne et de Saint-Etienne, et la ville ne réussit à s'affranchir de ce droit qu'au XV e siècle. Longtemps, l'abbaye de Saint-Etienne a eu le banvin du 1 er janvier à l'octave de la Chandeleur, jour de sainte Austreberthe.
A Gergy (canton de Verdun-sur-le-Doubs, Côte-d'Or), le droit de banvin ne dure que dix-huit jours, mais il se prolonge six semaines à Meilly (canton de Pouilly-en-Auxois). Même des seigneurs ' éclairés ' maintiennent fermement leurs droits. En 1771, la duchesse d'Enville, seigneur de la Roche-Guyon et grande amie de Turgot, proclame : ' J'ai encore droit de ban à vendre vin en détail audit lieu pendant quinze jours par chacun an, à commencer la veille de la Pentecôte à midi, ou de trois ans en trois ans pendant six semaines . ' Bonne affaire dans les années d'abondance.

Par facilité et surtout s'il n'est pas gros producteur, le seigneur se contente d'une taxe sur les ventes effectuées pendant le banvin. Pour avoir un revenu assuré et pour se débarrasser du souci de la perception, il lui arrive d'affermer ce droit qui s'ajoute aux autres droits seigneuriaux.
Parfois, des communautés se révoltent. En 1253, une insurrection éclate à Grenoble et le seigneur est obligé de supprimer le droit de banvin ; à la place, les Grenoblois perçoivent le ' commun ', une taxe destinée à alimenter les finances de leur ville. Rares sont les seigneurs compréhensifs ; mentionnons quand même le comte du Forez qui, à la fin du Moyen Âge, a transféré le banvin du mois d'août au mois de mai pour faciliter la vente du vin de ses sujets avant les grandes chaleurs.
La Révolution de 1789 a aboli cet impôt abusif.

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