Le ' French Paradox ' a dynamisé les ventes de vins rouges à l'étranger au détriment des blancs. Depuis 1999, la progression des premiers se stabilise tandis que les seconds reprennent du poil de la bête. Les blancs français profitent de la lassitude de la clientèle envers les chardonnays et les sauvignons boisés.
Blanc ou rouge ? Entre les deux, la demande internationale paraît aujourd'hui s'être stabilisée à hauteur de 50/50. ' Si l'on excepte la France, l'Espagne et l'Italie, la consommation mondiale de vin a toujours été orientée en faveur des blancs, d'abord doux, puis secs , commente Jean-François Berger, chef de secteur du vin au CFCE (Centre français du commerce extérieur), à Paris. A la fin des années quatre-vingt, cette tendance a été remise en cause par une forte progression des vins rouges à l'international. Cela s'explique en particulier par l'effet French Paradox et l'engouement qu'il a suscité en leur faveur. '
Après une forte ascension, la demande en vins rouges s'est stabilisée à partir de 1999. Le discours lié à leurs effets bénéfiques pour la santé s'est vraisemblablement essoufflé tandis que les vins blancs reprenaient, de leur côté, du poil de la bête grâce à la dynamique du Nouveau Monde, avec les cépages chardonnay et sauvignon. ' Il s'agit d'une perception récente pour laquelle nous ne disposons pas encore de données statistiques ', précise cependant Jean-François Berger.
Dans le vignoble, les bonnes performances enregistrées par les vins blancs français à l'étranger semblent confirmer cette tendance. ' De 1995-1996 jusqu'en 1998, la part des vins blancs de Bourgogne exportés vers nos principaux marchés a accusé une légère baisse ', commente Frédéric Dupray, au service économie du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne). Dans le même temps, les ventes de rouges ont augmenté, avec des variations plus ou moins grandes selon les pays (50 % en volume vers le Japon !) pour se stabiliser à partir de 1999. Mais depuis 2001, les ventes de blancs repartent à la hausse dans tous les pays d'exportation du vignoble bourguignon. ' Sept des huit plus importants marchés étrangers de l'appellation sont orientés vers les blancs à plus de 70 % , poursuit Frédéric Dupray. De plus, les marchés émergents, comme la Suède, la Norvège et le Danemark, s'ouvrent essentiellement au travers d'une demande de cette couleur . '
Même ambiance dans le Val de Loire. ' Les ventes de sancerre à l'exportation connaissent un franc succès ', se réjouit Benoît Roumet, directeur du BIVC (Bureau interprofessionnel des vins du Centre). Entre 2000 et 2001, les volumes de sancerre blanc commercialisés ont fait un bond de 20 % aux Etats-Unis, de 13 % en Grande-Bretagne et de 35 % au Danemark.
Ce regain d'intérêt pour les blancs a également favorisé les résultats à l'export de certains vins de pays. Ceux des côtes de Gascogne ont ainsi mieux résisté à la crise que leurs homologues du Languedoc, à dominante rouge. Sur les 550 000 hl produits par ce vignoble gersois, 90 % sont des blancs et 80 % sont destinés à l'export. ' En 2001, les ventes de nos vins, en volume et en valeur, se sont maintenues ', lance Jean-Pierre Drieux, président du syndicat des vins. Depuis le 1 er janvier 2002, les ventes de vin en vrac ont progressé de 20 % en volume et de près de 3 % en valeur.
Les clés de la bonne tenue des blancs sont nombreuses. ' Ce marché présente beaucoup moins d'inertie que celui des rouges, explique Jean-Pierre Drieux. Ce sont des vins frais et aromatiques qui doivent être bus dans les dix-huit à vingt-quatre mois. Les rotations de stocks s'effectuent donc plus rapidement que pour les rouges. ' La constance des prix et la progression de la qualité des produits dans les différents vignobles ont également joué en leur faveur, de même que l'élargissement de l'offre produit.
L'évolution des techniques de vinification, avec la généralisation, dans de nombreux vignobles, de la pratique de l'élevage sur lie, a ainsi permis d'élaborer des blancs plus amples, plus structurés, conservant toute leur fraîcheur. ' Grâce à cette évolution, les blancs bénéficient désormais d'un mode de consommation plus étendu dans le temps , affirme Benoît Roumet. Ils sont aujourd'hui appréciés de l'apéritif jusqu'au bout de la nuit. ' Dans les pays anglo-saxons, où les vins blancs sont traditionnellement consommés à l'extérieur des repas, ils sont parvenus à investir les tables. Ils sont consommés avec des poissons, des volailles blanches grillées ou crémées, et avec des fromages.
Mais le succès actuel de nos vins blancs à l'exportation pourrait également bien tenir d'une sorte ' d'exception française '. ' Nos produits profitent actuellement du désintérêt des chardonnays et des sauvignons blancs boisés , soutient Benoît Roumet. Les vins à la qualité constante, uniformisés, commencent à lasser la clientèle étrangère. Nos blancs se situent à l'opposé : leurs caractéristiques diffèrent en fonction du millésime, du terroir... Ce sont des vins typés et marqués. En outre, ils jouent sur leur côté frais, aromatique et plaisant à déguster. Bref, nous sommes condamnés à proposer quelque chose de différent. '
De là à évoquer le retour du terroir, il n'y a qu'un pas. Les producteurs de vins de Sancerre ont décidé de le franchir. Dans le cadre d'une opération de promotion menée sur trois ans aux Etats-Unis, l'ensemble du vignoble a organisé, le 16 mai à New York, un dîner ' terroir ' sur le thème des vins blancs, auquel étaient conviés des journalistes. Les produits régionaux étaient à l'honneur : huîtres, fromages, lentilles vertes... ' Nous allons vendre les paysages et la gastronomie locale liés à nos différentes appellations pour montrer aux prescripteurs que nos vins ne viennent pas de nulle part ', renchérit Benoît Roumet.