Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2002

La chasse aux excès

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Une parcelle dont la production potentielle sera significativement trop élevée pourra être déclassée, sauf si le vigneron rectifie le tir avant la vendange. Le contrôle se raisonnera à la parcelle, mais rien n'est changé pour la déclaration de récolte.

C'est décidé, voté et bientôt publié au Journal officiel : les vignes aux productions aberrantes devraient théoriquement vivre leur dernier millésime. L'absence de textes réglementaires ne permettait pas toujours aux autorités d'agir. De plus, ces ' errements ' portaient préjudice à l'image de la viticulture française. Les 12 et 13 février derniers, le comité national de l'Inao a donc pris des décisions qui devraient faire date dans la vie des AOC. Objectif affiché : éradiquer les vignes ' éponges ' - à très faible rendement et non entretenues - qui permettaient de réaliser de hauts rendements sur d'autres parcelles en toute impunité. La filière, à travers cette réforme, opère un sérieux recadrage.
Le projet de décret adopté à la mi-février prévoit la mise en place de commissions techniques comprenant vignerons, techniciens et agents de l'Inao, ces derniers étant les seuls habilités à dresser un constat. Leur mission : se rendre sur les parcelles pour veiller à ce que les conditions de production soient respectées, la référence devant initialement être le rendement butoir. Mais, à la surprise générale, le comité national de l'Inao a instauré une nouvelle notion, celle du rendement agronomique maximal à la parcelle (RAM), dans le but de disposer d'un cadre juridique plus fourni en cas de contestation. Si, sur une parcelle dépassant le RAM, le vigneron n'opère pas les pratiques correctives appropriées, le directeur de l'Inao pourra la déclasser.
La mise en place de ce RAM, proposé par le ministère de l'Agriculture et les administrations, puis massivement adopté par le comité national, a fait l'objet de très vives discussions.

' Les partisans de ce rendement à la parcelle ont voulu donner un signal fort aux vignerons, analyse un proche du dossier. D'un point de vue juridique, ce RAM n'était toutefois pas indispensable car on aurait pu spécifier que la référence, lors des visites, soit le rendement butoir. Certaines régions, notamment la Champagne, ont estimé que l'instauration du RAM mettait trop l'accent sur le côté répressif de la réforme, alors qu'elle se voulait avant tout pédagogique. De plus, la juxtaposition de quatre à cinq notions de rendement brouille le message. '
Encore floue dans l'esprit des vignerons, cette réforme ne les laisse pas pour autant indifférents. L'ambiance oscille entre la satisfaction de mettre fin à des comportements abusifs et la peur : ' Si nous sommes un peu anxieux face au RAM, c'est qu'en inscrivant un chiffre dans un décret, on s'expose nécessairement à un contrôleur obtus , témoigne un vigneron des côtes du Rhône. Or, avec les mêmes pratiques culturales, la production de raisin reste très fluctuante d'une année sur l'autre, et je crains que la vision très administrative de ce rendement parcellaire pénalise des vignerons de bonne foi. ' Réponse rassurante d'Hubert Bouteiller, vigneron bordelais et membre du comité national de l'Inao : ' Cette réforme a pour cible les producteurs qui accèdent chaque année à des rendements inacceptables. L'inacceptable, pour nous, c'est le rendement à trois chiffres. Si un vigneron vise une production inférieure à 100 hl/ha, il produira 50 à 70 hl/ha en général, et 90 hl/ha l'année exceptionnelle. L'objectif sera alors atteint. Il faut laisser aux vignerons le temps de changer leur mentalité, sans précipitation. '
Dans un avenir proche, les syndicats vont devoir définir ce RAM, qui s'appréciera très certainement en nombre de bourgeons ou de grappes par cep, la notion d'hectolitre par hectare quelques mois avant les vendanges étant peu adaptée. Cette réforme s'accompagne également de l'obligation de tout vendanger, et d'intégrer les manquants si le seuil des 25 % est dépassé. Cette seconde mesure ne sera applicable qu'en 2005-2006.

Les vins de table et de pays vivent eux aussi leur révolution. Pour la récolte 2002, le rendement maximal des VDP rouges et rosés est passé de 90 hl/ha à 85 hl/ha (plus 5 hl/ha de non vin), celui des VDP blancs étant abaissé à 90 hl/ha, contre 100 hl/ha auparavant. Le rendement reste calculé sur l'ensemble de l'exploitation et il n'y a pas d'obligation de tout vendanger. Quant aux vins de table, ils sont désormais limités à 90 hl/ha (plus 10 hl/ha de non vin) si le vigneron produit également des AOC ou des VDP afin de limiter d'éventuels transferts.
La campagne 2000-2001 a par ailleurs été marquée par un changement des règles - diversement apprécié - concernant les modalités d'accès aux aides communautaires. Pour être éligible, le rendement moyen des parcelles de vin de table ne doit pas excéder 100 hl/ha. Pour les vignerons qui produisent également des vins de pays ou des AOC, la limite est abaissée à 90 hl/ha.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :