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La marque, premier moteur

La vigne - n°133 - juin 2002 - page 0

Des négociants ont enclenché des stratégies de marques qui montent en puissance. Pour garantir leur approvisionnement dans des qualités suivies, ils revoient leurs relation avec les vignerons.

Pour se placer sur un marché en étant moins chers que les autres, les négociants n'ont pas besoin de se compliquer la vie avec des partenariats. Tant que l'offre reste excédentaire, il leur suffit de laisser jouer la concurrence entre les vignerons pour acheter au meilleur prix. Cette stratégie, simple à mettre en oeuvre, ne donne que des marges réduites. Les entreprises les plus dynamiques ont choisi depuis longtemps de miser sur la différenciation par le produit. En répondant à la demande de leurs clients avec un produit spécifique que les autres n'ont pas, elles se placent en bonne position pour négocier. Elles peuvent ainsi améliorer leur rentabilité et stabiliser leurs débouchés. Cette stratégie a été adoptée ces dernières années par un nombre croissant de négociants.
' Nous développons des marques de vins de cépages, comme Solstice en France, ou Wild Pig sur le marché anglais, et nous ne voulons pas courir dans tout le Languedoc pour trouver des cuvées qui nous conviennent. Nos ventes augmentent rapidement. Pour nous garantir un approvisionnement suivi en qualité et en volume, nous avons choisi de nouer des relations étroites avec des coopératives et des domaines qui acceptent d'élaborer, pour nous, des profils de vins spécifiques ', explique Thierry Boudinaud, directeur des achats des Domaines du soleil, qui commercialisent des vins du Languedoc, et de la maison Gabriel Meffre, spécialisée dans les vins de la vallée du Rhône, toutes deux basées dans le Vaucluse.
Depuis dix ans, les Domaines du soleil achètent des cuvées de chardonnay élevées en fûts de chêne à la coopérative de Bourdic (Gard), une cave qui élabore 100 000 hl de vins de pays. ' Ce partenariat nous a permis de dynamiser ce cépage. Nos adhérents ont doubler leurs surfaces en ayant des perspectives de rémunération à moyen terme. Le négociant s'est engagé à nous prendre au prix haut du marché, tout ce que nous ne vendions pas nous-même en bouteilles ', commente Grégory Jorda, responsable qualité.

La réputation d'une marque se construit dans la durée et nécessite des investissements commerciaux importants. Elle s'appuie sur un profil de vin bien identifié, qui doit rester constant dans le temps. ' Nous devons organiser notre approvisionnement pour éviter toute dépréciation qualitative, qui entamerait la crédibilité de nos marques ', souligne Adolf Tourscher, représentant du groupe Castel en Languedoc-Roussillon. Dans cette région où il achète 1 Mhl, il a déjà signé des contrats de trois ans pour 100 000 hl, et compte étendre encore ce type de fonctionnement. ' Dénicher quelques cuves d'excellente qualité ne pose pas de problème, mais trouver des volumes importants dans une qualité suivie est bien moins évident. Pour notre marque Roche Mazet, nous avons besoin de vins élaborés avec des rendements plus faibles que ce qui se pratique habituellement ici. Pour que les vignerons nous suivent, nous devons leur apporter des garanties de débouché et de rémunération. '
La démarche concerne les vins de pays et les appellations. ' Sur le marché en vrac du bordeaux générique, il n'y a pas beaucoup de choix en haut de gamme. Pour trouver les profils de vins dont nous avons besoin, nous avons développé des partenariats. Aujourd'hui, pour les 15 millions de cols de notre marque Mouton Cadet, nous réalisons 40 % de notre approvisionnement dans le cadre de contrats avec des caves particulières et coopératives ', explique Patrick Léon, oenologue et directeur technique de la société Baron Philippe de Rotschild, en Gironde.
Chez Yvon Mau, autre maison bordelaise, le Club des partenaires assure entre 25 et 30 % des approvisionnements des marques Cellier Yvecourt et Premius. ' Les vignerons qui commercialisent leurs châteaux directement occupent une niche valorisante. Mais l'avenir de la production et du négoce passe par le développement des marques de coeur de gamme. La demande va aller en progressant. Nous avons besoin de trouver de nouveaux partenaires ', précise Jean-François Mau, directeur.
Le partenariat se développe aussi en amont des vendangeoirs. ' Les vins sortant de nos chais ont un style propre qui nous permet de répondre de façon originale aux demandes de nos clients, qu'il s'agisse d'élaborer leurs marques ou les nôtres. Mais nous avons aussi besoin de nous assurer de la qualité et de la traçabilité des moûts que nous achetons, ce qui nous amène à établir avec nos fournisseurs des contrats pluri-annuels , explique Jean-René Bahuaud, directeur de la maison Donatien Bahuaud, en Loire-Atlantique, qui vient de s'associer avec le négociant Pierre Chainier, aussi du Val de Loire. Nous partageons la même philosophie sur l'approvisionnement et nous avons prévu de construire un nouveau centre de vinification en Touraine. Maîtriser l'amont nous donne une crédibilité vis-à-vis de nos clients et nous permet d'accéder à de nouveaux marchés. '

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