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Attention aux arnaques de certaines sociétés peu scrupuleuses

La vigne - n°133 - juin 2002 - page 0

De nombreux domaines ont payé des sommes importantes pour voir leurs vins figurer sur des sites internet ou des catalogues. Plusieurs mois après, ils attendent toujours la première commande.

'Une dame m'a appelé l'année dernière pour me demander mes tarifs et les quantités disponibles sur mes différentes références. Elle recherchait des vins de qualité, mais avait besoin de volumes conséquents. C'était urgent car la demande était importante. Il lui fallait mes étiquettes rapidement pour préparer la page de présentation et ne pas perdre une seconde. Elle a faxé le contrat : des frais d'entrée gratuits, mais une participation aux frais techniques et logistiques. Comme c'était moi, au lieu de 7 927,35 euros HT la page, elle me faisait un prix d'ami à 4 907,33 euros, remboursable dès le chiffre d'affaires de 7 622,45 euros atteint. J'ai payé et je n'ai jamais vendu une bouteille . ' Voila un témoignage parmi les très nombreux que nous avons pu recueillir auprès de vignerons présents sur certains sites internet ou sur des catalogues.

Gardons-nous bien de sourire en pensant que cela n'arrive qu'aux autres, car les commerciaux de ces sociétés sont d'excellents vendeurs. ' En écoutant nos réponses, ils trouvent tout de suite les arguments qui font mouche , rapporte un autre vigneron. Ils nous harcèlent pour que l'on prenne notre décision rapidement, selon le bon principe qu'il faut battre le fer quand il est chaud. Alors, par peur de passer à côté d'une affaire si prometteuse, on signe en ne prenant pas le temps de la réflexion. Evidemment, après coup, on se dit que l'on a été bien bête. Mais sur le moment, cela semblait vraiment intéressant. Compte tenu des ventes annoncées, on pensait récupérer rapidement la mise de départ. On avait estimé que cela ne coûtait finalement pas plus cher que de participer à un salon, sur lequel il arrive qu'on ne vende pas grand-chose. '
D'autres professionnels se sont renseignés auprès de leur banque sur ces sociétés et ont reçu leur feu vert. ' Ces entreprises sont solvables. Mais comment ne le seraient-elles pas : elles encaissent beaucoup, elles dépensent très peu pour mettre en place un site ou un catalogue, et n'investissent carrément rien pour faire la promotion de ces espaces de vente ', s'insurge une vigneronne. Et, en effet, en indiquant le mot ' vin ' sur un moteur de recherche, aucun de ces sites de vente n'apparaît. Même problème pour les catalogues qui sont distribués de façon confidentielle. Il faut le demander au libraire qui, dans le meilleur des cas, en a un en réserve, mais ils ne sont jamais dans les devantures. Pour les vitrines internet, certains domaines ont également eu la surprise de ne pas se retrouver sur le site alors qu'ils avaient payé. ' Nous avons téléphoné pour protester et, le lendemain, nous étions de nouveau en ligne. Cependant, il aurait peut-être fallu vérifier tous les jours. ' D'autres ont demandé à des amis de commander pour voir si le système fonctionnait correctement. ' Tout se passait bien jusqu'au moment de valider le numéro de la carte de crédit. Le système se bloquait et ils ne pouvaient pas commander... '

Les sites et les catalogues auxquels nous faisons référence sont des vitrines généralistes, qui vendent aussi bien du foie gras que des livres ou des outils. ' Le problème est que l'information n'est pas suffisamment passée entre les vignerons, regrette l'un d'entre eux. Certains professionnels, victimes de ce système, n'en ont pas parlé car ils ne voulaient pas passer pour des imbéciles auprès de leurs confrères. Au niveau des journaux syndicaux, des mises en garde générales ont été notifiées, mais sans donner le nom des sociétés en question et nous n'y avons pas prêté attention. '
Difficile en effet de donner des noms car il n'y a pas d'arnaque à proprement parler : les vignerons signent un contrat sur lequel les sociétés s'engagent à les faire figurer sur un site internet ou un catalogue pendant un an. Il n'est nulle part fait mention d'engagement de vente. Par ailleurs, les contrats sont extrêmement bien ficelés. Pour les sociétés de vente par internet, elles ne peuvent être tenues pour responsables en cas de problème informatique. Et une même maison mère semble être responsable de plusieurs de ces sociétés. Le filon étant juteux, autant l'exploiter au maximum. De plus, en interrogeant des vignerons figurant sur ces pages, on constate que le tarif n'est pas le même pour tous, selon les régions, la taille de l'exploitation et, probablement, selon l'enthousiasme que le vendeur perçoit chez son interlocuteur. La fourchette se situe entre 1 800 et 7 600 euros.
' D'un point de vue juridique, les vignerons sont des professionnels, et non pas des consommateurs. Cela signifie qu'ils sont capables de prendre du recul et qu'ils ne peuvent pas faire valoir les délais de rétraction fixés par le droit de la consommation. De même, ils ne peuvent invoquer la crédulité ', indique un juriste.

Une fois le contrat signé et tant que le paiement n'a pas été effectué, il semble que l'on puisse encore s'en sortir. En revanche, une fois l'argent versé, il est trop tard. Une vigneronne a pourtant décidé de se battre en prenant un avocat afin de trouver une faille. Mais la majorité des professionnels interrogés disent ne pas vouloir engager des frais supplémentaires pour entamer une bataille dont l'issue leur paraît plus qu'incertaine. ' La leçon à retenir de tout cela, c'est qu'il ne faut pas verser d'argent avant d'avoir vendu la moindre bouteille. Il vaut mieux négocier des commissions. De cette façon, si on ne gagne rien, on ne perd rien non plus. '

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