Passionné par son métier mais également par la moto, la chasse ou le golf, Régis Minet s'organise pour faire cohabiter harmonieusement travail et loisirs.
De son tiroir, Régis Minet sort le petit carnet de commande de son père. ' 1964 : une bouteille de blanc fumé à 4,50 F (0,69 euros). ' Bref rappel d'une époque où la viticulture locale rimait avec pauvreté, au point que certains vignerons ont quitté le métier pour devenir ouvriers. Les faibles revenus de ses parents ont marqué Régis Minet. Quand il sera grand, s'il a la chance de gagner correctement sa vie, il en profitera... Promesse tenue, comme en témoigne son emploi du temps : ' Je travaille de 6 heures à midi. L'après-midi, je fais du golf ou de la moto, et je travaille si il y a une urgence. Ici, les gens ont beaucoup souffert, c'est peut-être pour cela qu'ils ont tendance à économiser. Chez moi, cela a eu l'effet inverse. '
Cette large place accordée aux loisirs, Régis Minet, 43 ans, a conscience de la devoir à la bonne vitalité de l'appellation Pouilly-Fumé. Il la doit aussi à un solide sens de l'organisation et de l'efficacité. Morceaux choisis : ' Je traite mes 9,5 ha en quatre heures parce que j'ai la chance d'avoir des parcelles regroupées, mais aussi parce que je choisis toujours un matériel performant. Mes piquets sont bien alignés et j'ai laissé de la place pour tourner facilement. De même, je fais en sorte que mon employé ait toujours le bon matériel au bon moment. Pas question d'aller chercher les vingt cartons vides qui manquent quand on prépare une expédition. ' Son mot d'ordre : ' Je ne travaille pas pour travailler, il faut être efficace ' est appliqué à la lettre. ' J'aime bien rogner à l'aube, vers 5 heures du matin. Il y a moins de chaleur et les lames se nettoient automatiquement avec la rosée . '
C'est également dans un souci de gain de temps qu'il vient d'acquérir une prétailleuse avec son voisin. ' Je me demande comment je n'y ai pas pensé plus tôt, regrette-t-il. Cela fait gagner 10 % de temps à l'ouvrier qui taille et 20 % à celui qui tire les bois, soit 15 % en tout. ' En 1983, c'est tout naturellement qu'il fut parmi les premiers à acheter une machine à vendanger. ' Quand on y goûte, on ne peut plus s'en passer. Pour moi, le plus important dans la qualité d'un vin, c'est la date des vendanges. Nous n'avons que 48 heures de délai. Avant, ce n'est pas assez mûr. Après, ça l'est trop. '
Pour la vendange 2001, Régis Minet a acheté une nouvelle machine pour un montant de 92 000 euros. Elle lui permet de vendanger ses parcelles en 54 heures. ' C'était un peu du luxe d'acheter cette belle machine tout seul. J'ai vendangé 2 ha chez un collègue pour faciliter l'amortissement de cet outil. '
Depuis quelques années, Régis Minet adhère à un groupement de lutte raisonnée. Une fois par semaine, il retrouve douze autres vignerons de Pouilly-sur-Loire et un technicien. ' Cette année, à la mi-mai, je n'avais fait qu'un traitement alors que d'habitude, j'en avais déjà fait trois à la même époque. On est allé un peu trop loin ces vingt dernières années, par facilité mais aussi par méconnaissance. Depuis plusieurs années, les comportements évoluent dans le bon sens. Mais il y a aussi des loupés dans la lutte raisonnée. Beaucoup de vignerons avaient opté pour la confusion sexuelle depuis 1998-1999. On a tous arrêté cette année car il y a une recrudescence de cicadelles. '
La limitation des rendements (60 hl/ha dans cette AOC) est également à l'ordre du jour. Régis Minet pratique l'enherbement sur 3 ha et teste la taille en cordon de Royat sur 20 ares. L'an dernier, il a également essayé un produit de synthèse, Sierra, en fin de floraison, ce qui a réduit de 20 % le nombre de grappes et a permis au moût de gagner 0,5 degré. Du côté de la vinification, il va acquérir, cette année, un équipement en froid. Il est également conseillé par l'oenologue de l'entreprise qui réalise la mise en bouteille de sa production. Celle-ci vient quatre fois par an pour un coût de 0,15 euros par bouteille, conseil oenologique compris. Sur les 600 hl qu'il produit, Régis Minet en vend 200 hl en vrac aux négociants et à la coopérative. Le reste est vendu en bouteille, soit un total de 50 000 flacons.
L'export représente une large part des débouchés : 20 000 bouteilles partent chaque année chez un grand négociant américain, 10 000 bouteilles vont aux Pays-Bas, 2 000 en Grande-Bretagne et ce chasseur aimerait ajouter le Japon à son tableau d'expéditions. Le reste est destiné au marché français. ' En France, je vends principalement à des personnes qui regroupent des commandes. Je mets 400 bouteilles dans ma voiture et je les livre le week-end. Je vois une seule personne, celle qui regroupe et je suis payé tout de suite. En compensation, j'offre une ou deux caisses à mon interlocuteur. Je reçois très peu au caveau. D'ailleurs, il n'y a aucune pancarte à l'extérieur. Cela ne m'intéresse pas de faire déguster à des Hollandais en vélo qui vont rester une heure pour prendre 6 bouteilles. C'est un choix. Il est clair que je pourrais commercialiser en bouteilles les 200 hl vendus en vrac. Cela serait plus rentable, mais du point de vue du temps... ' Or, le temps, il préfère le passer dans ses vignes ' mon grand plaisir, c'est d'y être à l'aube, quand c'est le grand silence ' ou à préparer un raid moto dans les dunes du Ténéré. Carpe Diem (1) !