Jean-Pierre Ichard, du domaine Ichard à Puy-L'Evêque (Lot), est un ' vraqueur ' et le restera, car il entend garder du temps pour ses loisirs. Il accomplit beaucoup d'efforts pour améliorer la qualité de ses vins. Malgré cela, il n'obtient guère plus que les prix planchers.
Ses parents étaient agriculteurs à Puy-l'Evêque (Lot) et n'avaient que 4 ha de vigne. Lorsqu'il reprend l'exploitation en 1988, Jean-Pierre Ichard se spécialise dans la viticulture et arrache les parcelles produisant du vin de consommation courante, pour miser à 100 % sur l'appella- tion Cahors. Quatorze ans plus tard, à 40 ans, il est à la tête de 10,7 ha, dont 9,5 ha en production (cépages cot et merlot) qu'il travaille seul. Il prend une aide juste pour l'épamprage, la taille et la vendange.
550 hl sortent du domaine tous les ans, dont 450 hl sont écoulés en vrac. Comme une majorité de vignerons non coopérateurs de l'appellation, il fait un peu de bouteilles. Depuis 1996, Jean-Pierre produit 20 000 cols livrés à une centrale d'achat de la grande distribution. Ils sont vendus au prix moyen de 2,92 euros/l, contre 1,27 euros/l pour le vrac. Du simple au double.
Bien sûr, l'idéal serait pour lui de tout vendre en bouteilles, mais c'est un autre métier. Le commercial, ce n'est pas sa tasse de thé. Et puis il aime disposer de temps libre pour se livrer à ses loisirs : moto et vélo tout terrain. Il refuse de basculer dans la vente directe à la propriété. ' Il faut être présent en permanence ', affirme-t-il. Un vrai carcan. Pour arriver chez lui, il n'y a pas de pancarte, aucune indication, il n'y en aura pas. Il veut conserver sa qualité de vie. Le plus agréable dans sa situation ? ' Encaisser les chèques ', répond-il avec humour. Avant d'ajouter que le plus difficile ' est de vendre cher ' au négoce. ' La récolte de l'année 2002 est faible, les prix devraient se tenir davantage . '
Depuis 1992, ses revenus proviennent intégralement de la vigne. Ses parents livraient à un négociant, il a continué pendant un an, au prix du marché, avant de rechercher de nouveaux débouchés. Il a contacté une dizaine de négociants et courtiers de la région, en allant jusqu'à Bordeaux. L'un d'entre eux lui a fait une offre intéressante. Pendant quatre ans, il a été rémunéré 15 % plus cher que les prix du marché. ' Il n'y avait pas d'intermédiaires ', analyse-t-il. Intéressant, mais éphémère. Quand son négociant a cessé son activité, il a dû passer par un courtier. Aujourd'hui, il regrette la faiblesse du nombre d'opérateurs à Cahors.
Tous les ans, fin janvier-début février, juste après l'agrément, il vend une première partie de sa production. Puis deux, trois ou quatre fois par an, au gré des besoins, il appelle le courtier avec lequel il travaille. Ce dernier vient, goûte, prélève des échantillons qu'il propose aux négociants. C'est oui ou c'est non. En général, c'est sans appel. Ensuite, il faut s'entendre sur le prix. Pas une mince affaire. Comme partout, le courtier tente d'acquérir la marchandise au prix plancher. Jean-Pierre Ichard résiste et essaie de négocier un prix supérieur. ' S'ensuit généralement une discussion argumentée sur les efforts qualitatifs que je fournis ', dit-il. Il essaie de faire valoir la qualité, la couleur et le parfum de son vin. Mais le tarif dépasse rarement les prix planchers de l'appellation. Début octobre, ils se situaient autour de 127 euros/hl alors qu'il espère obtenir 137 euros/hl, voire 153 euros/hl.
Une fois l'affaire conclue, un contrat est écrit, par lequel le courtier s'engage sur un volume et un prix. Il pourrait tout vendre en une seule fois, mais il préfère garder un volant de sécurité, pour pouvoir fournir la vente en bouteilles.
' Tous les vignerons travaillent de mieux en mieux, déclare-t-il. Les vignes sont enherbées, la production est maîtrisée. Certains châteaux ont montré la voie, les vignerons emboîtent le pas. Les progrès ne sont pas réellement récompensés, mais il le faudra. J'ai confiance . '
Lui-même réalise, depuis plusieurs années, des efforts dans le cadre de la démarche qualité engagée par le syndicat des vins de Cahors. A la vigne, d'abord : il contrôle la quantité de raisins par pied. Il demande, à titre de conseil, au syndicat de visiter ses vignes. Taille, épamprage, dédoublage des bourgeons sont contrôlés : un courson à deux bourgeons, une flèche ayant entre cinq et six yeux, cela fait six à huit rameaux par souche. Malgré cela, en 2001, Jean-Pierre a fait appel à six personnes pour vendanger en vert à la fin du mois de juillet, un coût supplémentaire non négligeable. En revanche, en 2002, la charge était tout à fait correcte.
Afin d'améliorer ses traitements, il a investi dans un pulvérisateur face par face Hardy. Ses vignes sont enherbées un rang sur deux depuis dix ans mais, en 2003, il va couvrir l'intégralité de la surface pour maîtriser encore mieux la vigueur et l'érosion des sols.
Dans la cave, les 1 000 hl de cuverie en ciment ont reçu un traitement en résine époxy en 2001 (coût : 19 800 euros). Plus besoin de détartrer, le nettoyage se fait en un coup de jet d'eau. Jean-Pierre Ichard compte installer cinq cuves supplémentaires pour stocker son vin. En 2001 toujours, il a bricolé une installation de maîtrise des températures qui lui est revenue à 4 580 euros, alors qu'un devis en fixait le coût à 18 300 euros. Pour le suivi oenologique de ses vins, il est en contrat avec le laboratoire du syndicat des vins de Cahors.
Pour l'instant, il réalise tous ces efforts pour suivre l'élévation qualitative de son appellation, pour rester au niveau de ses confrères. Il n'en tire pas de prix plus élevés. Il pense que le paiement à la qualité viendra. Tous ces efforts, il les consent dans cette optique.