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Vins trafiqués

La vigne - n°134 - juillet 2002 - page 0

L'appât du gain et la lourdeur des droits d'entrée dans les villes étaient à l'origine d'énormes quantités de vins trafiqués. Les empoisonnements n'étaient pas rares.

Les hygiénistes du XIXe siècle ne cessent de dénoncer la mauvaise qualité des vins vendus dans les grandes villes. A l'origine des manipulations dangereuses pratiquées par les marchands de vin au détail, il y a l'appât du gain certes, mais aussi la lourdeur des droits d'entrée dans la ville. D'où la nécessité de frauder afin de vendre à bas prix pour la consommation populaire.

A l'origine de ces fraudes, la volonté de ' rattraper ' certains vins qui tournent à l'aigre. Les marchands les traitent au carbonate de soude ou de potasse, à la litharge (proto- xyde de plomb) ou à la céruse (carbonate de plomb). Ils n'hésitent pas à utiliser l'alun des tanneurs ou les sels de cuivre pour exalter la couleur et communiquer une saveur astringente. Ces pratiques, néfastes pour la santé, diminuent dans les années 1840, car les chimistes sont capables de déceler la présence de ces produits étrangers.
Moins graves pour la santé, l'emploi de matières colorantes naturelles (sureau, hièble, troène, bois de campêche, bois du Brésil) est nécessaire pour donner de la couleur quand on mouille trop le vin. Ensuite, le vinage, toléré à l'expédition des vins sur les lieux de production à raison de 5 l d'alcool par hl de vin, aide à supporter le transport. A l'arrivée, il suffit aux marchands de rajouter de l'eau, au besoin quelque vin de gros noir d'Espagne, pour doubler la quantité d'un petit vin qui ne titre plus que 8 ou 9°.

Il y a aussi ceux qui récupèrent les lies et les égouttures de comptoir ; là, ce sont les quinze vinaigriers de Paris qui oeuvrent pour alimenter le marché du vin en ajoutant alcool et crème de tartre, au besoin des raisins secs fermentés. A cette époque, une importante ' usine ' de fabrication de vin est découverte à Rouen. Les blancs sont fabriqués à partir de vins de chaudière de la Dordogne et des Charentes, additionnés de deux tiers de poirés invendables et d'un cinquième d'eau. Les rouges proviennent de vins de Dordogne et de Gaillac, additionnés de cidres éventés et d'un tiers d'eau. Au total, sur une consommation parisienne annuelle de près de 1 Mhl (100 l par habitant), près de 300 000 hl n'ont jamais vu le raisin.
L'administration fraude aussi sur le vin qu'elle donne aux malades des hôpitaux. Elle se plaint de perdre beaucoup d'argent à cause des taxes d'entrée qui ne sont pas payées, soit 3 300 000 francs en or. Pour remettre de l'ordre dans le commerce du vin, treize employés seulement contrôlent 6 000 débitants. On est loin de la répression des fraudes du XXI e siècle !


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