Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Histoire

Période : début du XXe siècle Lieu : France La répression des fraudes

FLORENCE BAL - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 78

Après cinquante ans d'atermoiements, la loi du 1er août 1905 permet enfin la création de la répression des fraudes. Une victoire pour les viticulteurs ruinés par le phylloxéra qui l'ont réclamée à cor et à cri.
 © RUE DES ARCHIVES/COLL. J.-J. ALLEVI

© RUE DES ARCHIVES/COLL. J.-J. ALLEVI

«Le vin est probablement le produit agricole le plus anciennement et le plus complètement contrôlé, affirme Jean-François Gautier, historien du vin. Les empereurs et les monarques l'ont toujours protégé. » Mais si des fraudes sont pratiquées dès l'Antiquité, le développement de la chimie à partir du XVIIIe siècle permet des prouesses inimaginables jusque là. Ainsi, à la veille de la Révolution française, Antoine Baumé, illustre pharmacien et chimiste, aurait réussi à élaborer un vin chimique digne des plus fins nectars, sans aucun grain de raisin. Moins d'un siècle plus tard, vers 1850, l'industrie du vin d'eau sucrée est florissante.

L'État commence à légiférer contre ces pratiques, mais très mollement. La loi du 27 mars 1851 prévoit de réprimer la fraude relative aux denrées. Celle du 5 mai 1855 étend ce dispositif aux boissons et au vin. Dans les faits, ces lois ne sont pas appliquées. La falsification et la tromperie sur les vins se développent. Elles connaissent un développement considérable lors de la crise phylloxérique à la fin du XIXe siècle.

Les viticulteurs protestent. Henri Mares, héros héraultais de la lutte contre l'oïdium, écrit en 1891 : « En présence de pareilles concurrences, la viticulture court à sa ruine, [sauf] si l'on assainit le marché en luttant contre les fraudes et les falsifications. » Outre les viticulteurs, des pharmaciens et des chimistes dénoncent les dérives, s'alarment pour la santé publique et pour l'avenir du vrai vin « source de richesse pour notre pays ». « L'autorité permet les annonces, les affiches, les prospectus les plus coupables, dénonce ainsi le chimiste Armand Gautier. Le négociant et le propriétaire finiront par prendre cette tolérance pour une autorisation. » Dès 1876, il préconise : « Les magistrats chargés de veiller à la salubrité publique pourraient ordonner aux agents du fisc de prendre, dans la circulation et chez les débitants, des échantillons de vins pour les soumettre à des analyses sérieuses. »

Il faudra encore 30 ans et une quinzaine de lois pour que cette suggestion soit concrétisée. En réalité, les textes successifs qui interdisent le mouillage, le vinage, le sucrage, la coloration artificielle, etc., sont inefficaces et les circulaires d'application recommandent la clémence de manière à ne surtout pas entraver le commerce. Mais la crise et la misère s'aggravent dans les vignobles. Les viticulteurs ruinés par le phylloxéra exhortent l'État à légiférer.

Après sept ans de gestation difficile, la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes est finalement promulguée. Les décrets et arrêtés correspondants ne sont publiés qu'un an plus tard. Mais, début 1907, ils ne sont toujours pas appliqués. Le 11 mars 1907, Marcelin Albert crée le comité d'Argeliers qui va encourager la révolte des vignerons du Midi. Dès le lendemain, le ministère édite une circulaire détaillant la mise en oeuvre de la loi. Elle prévoit la création d'un corps spécial de contrôle avec des agents habilités à rechercher et à constater les infractions.

Malgré cela, la crise atteint son paroxysme : les vignerons se révoltent. Ils veulent - et ils obtiendront notamment - que « selon la loi, le vin vendu en France soit le produit exclusif de la fermentation du jus de raisin frais ». Les lois du 29 juin et 15 juillet 1907 rendent obligatoire la déclaration de récolte, réglementent le sucrage et imposent le contrôle de la circulation des vins. Le décret du 21 octobre met en place le service central de la répression des fraudes. C'est une victoire.

Sur le terrain, toutefois, les préfets mettent peu d'entrain à créer les services départementaux. Le combat des pouvoirs publics ne fait que commencer. Durant la Première Guerre mondiale, les poilus seront eux-mêmes victimes de fraudes phénoménales sur les vins, d'ententes et de spéculations sur les prix.

Aujourd'hui, les fraudes en matière de vins sont contrôlées par la DGCCRF, les Douanes et l'Inao. Leurs services ont toujours fort à faire ! Et en ce printemps 2017, les vignerons du Midi les exhortent toujours à lutter contre les fraudes et les tromperies à l'étiquetage.

Bibliographie : Le Vin et ses fraudes de Jean-François Gautier ; Traité de la sophistication des vins, procédés pour reconnaître la fraude d'Armand Gautier.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :